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Pourquoi je n’irai pas à Namur

Par Willy BURGEON, Président Honoraire du Parlement Wallon, membre de l’AWF

POURQUOI JE N’ASSISTERAI PAS, A NAMUR, A LA CEREMONIE OFFICIELLE DES FÊTES DE WALLONIE.

Ce qui se passe au Parlement Wallon à Namur n’étonnera que les non-initiés. Cela fait belle lurette que le Greffier Janssens fait régner la terreur dans le personnel, tellement que des bruits ont filtré largement vers l’extérieur. Les membres actuels du Bureau devaient être les premiers au courant des règlements de compte.

Qu’en plus, l’illégalité soit présente dans la gestion aggrave encore la situation. Il est heureux que la vérité survienne mais l’opinion publique et les media sont, à juste titre, choqués que ça se passe dans un Parlement dont la mission est de respecter, en premier lieu, la légalité et de contrôler le bon fonctionnement des institutions de notre Wallonie qui a d’autres chats à fouetter en ce moment.

ET LA RESPONSABILITE POLITIQUE ?

Le comportement du Greffier met en jeu un autre principe fondamental : la responsabilité politique. Quelques questions. A qui incombent la confection du budget du Parlement, son exécution et l’examen des comptes ? Qui devait veiller à la bonne harmonie dans les relations avec le personnel ? Etc… Etc…

Evidemment, le Président, le Bureau et le Greffier du Parlement en premier lieu.

DEMISSIONS !

Alors, quelles étaient les mesures à prendre après la découverte de ces scandales ? (Mettre à pied le Greffier pendant six mois ne suffisant pas).

Que les Présidents des partis formant la majorité décident, en urgence et avec les instances compétentes, de convoquer le Parlement Wallon avec à l’ordre du jour :

  • démission du Président et des membres du Bureau ;
  • élection d’un nouveau Président et de nouveaux membres du Bureau.

Le nouveau bureau aurait eu comme mission de mettre de l’ordre dans le Parlement.

Ces mesures auraient eu l’avantage d’être claires et fortes, de sauver l’honneur et la réputation de l’institution-phare de la démocratie wallonne et de rassurer l’opinion publique.

Au lieu de ça, on a droit à des réunions où « on ne prend aucune mesure radicale », où on fait de l’entre-soi, où on joue à ne pas se faire mal pour bien protéger ses mandats. Par contre, le personnel, victime, va payer les pots cassés car on va se pencher sur ses droits acquis. Personnel d’autant plus fragile qu’il n’est pas syndicalisable comme le personnel de tous les Parlements. Comme d’habitude, les lampistes paient. 

Dès lors, je n’irai pas, samedi après-midi, à la « Cérémonie officielle des fêtes de Wallonie » pour écouter le Président Jean-Claude Marcourt, le premier responsable du gâchis, celui qui, en son temps, a fermé les yeux sur les scandales Nethys à Liège et qui conserve la même attitude à Namur, ni pour écouter le Ministre-Président du Gouvernement Wallon, septuagénaire. Belles images pour celles et ceux qui sont engagés sincèrement et qui travaillent d’arrache-pied pour notre Région. En Flandre et ailleurs, on se tord de rire !

Je serai absent à Namur, la première fois depuis la création de la Région Wallonne, et je ne m’excuserai pas car c’est la honte.

J’assisterai aux Fêtes de Wallonie à La Louvière qui se dérouleront dans la dignité.

Lettre ouverte aux amies et amis de l’école

Par Pierre HAZETTE, ancien Ministre de l’Enseignement, membre de l’AWF

Le tocsin est une sonnerie de cloches, répétée et prolongée pour donner l’alarme.
Le tocsin sonne dans le ciel wallon.

La société mérite un regard lucide sur l’enseignement

Depuis 1989, notre enseignement paye un lourd tribut au refus des responsables politiques de tous niveaux de lui fournir les crédits budgétaires nécessaires à ses missions et les réflexions prospectives appliquées à un monde qui change.

Il souffre d’une hypocrisie langagière qui ne peut plus dissimuler la catastrophe qui se dessine à l’horizon des familles francophones de Belgique.

Il n’y a plus place, en dehors de discours fallacieux, pour l’excellence dans notre politique éducative.

Il n’y a plus d’ambition affirmée de recoller au peloton des nations qui se situent parmi les plus performantes en matière d’éducation et d’enseignement.

  • C’est vrai dans l’enseignement obligatoire. Les enquêtes PISA le démontrent à intervalles réguliers depuis deux décennies et les résultats de notre CEB le démontrent en cette fin juin.
  • C’est vrai dans le classement de nos universités dans la compétition mondiale. La récente publication fait froid dans le dos.
  • C’est vrai dans la carence de techniciens ou d’ouvriers qualifiés au niveau attendu par les entreprises. Les chiffres de l’emploi qualifié en attestent.
  • C’est vrai dans l’indigence des données qui devraient permettre de mesurer au plus près de la réalité les déficits cumulés dus aux pertes d’heures de cours imputables à la pandémie ou à la pénurie d’enseignants.
  • C’est vrai dans l’indifférence avec laquelle les pouvoirs réagissent à cette pénurie à tous les niveaux de l’enseignement.

L’impossibilité avouée d’organiser les examens de fin d’année par manque de professeurs n’a provoqué qu’un léger frémissement.

Osons pourtant la question qui fait mal : comment dans ces conditions organiser la prochaine année scolaire et les suivantes, si l’on admet que la pénurie ne disparaîtra pas par l’effet d’une déclaration ministérielle euphorisante ou la sacralisation du Pacte d’excellence ?

Osons aussi écouter de grandes voix ! Edgar Morin, par exemple. En2014, déjà : « Le système éducatif est devenu tout à fait inadéquat pour l’ensemble des jeunes quels que soient leur origine ethnique, leur milieu social ou leur parcours de vie. » C’est ici que je stigmatise la carence des réflexions prospectives.

Ils veulent des smartphones. Offrons-leur des tablettes.

En fait, n’est-il pas inadéquat le système qui interdit les smartphones à l’école, comme si, une fois franchies les grilles, l’enfant, l’adolescent entrait dans un monde qui n’est plus le sien ?

François Rastier, ancien directeur du CNRS, élève le débat : « Le dialogue homme-machine recèle des enjeux philosophiques qui dépassent le simple besoin d’interfaces agréables. » Il faut, écrit-il, imaginer chaque école partageant l’accès à un système gigantesque, capable d’emmagasiner un nombre incalculable de données ; parmi celles-ci et pour chaque discipline, à chaque niveau d’étude, l’équivalent d’un manuel scolaire.

Le professeur appelle, sur le tableau interactif, le développement de sa leçon. L’élève le suit sur l’écran de sa tablette. Le système travaille par phases et, à chaque pause, teste la compréhension de l’élève par une succession de questions et réponses, celles-ci immédiatement évaluées. Le dialogue entre le système et l’apprenant est permanent et peut se poursuivre en dehors de l’enceinte scolaire.

Sur son ordinateur, le professeur est informé des progrès de chaque élève, des difficultés de compréhension des uns, de la démotivation de certains, des performances de chacun aux tests d’exploitation des acquis.

Il y a du profit à tirer de cette pédagogie attentive à prévenir la durée de vie d’une erreur, d’autant que dans la relation avec l’ordinateur, l’élève est à l’abri des jugements moqueurs et des appréciations qui font mal.

Nous sommes de plain-pied dans l’application de l’Intelligence artificielle à l’enseignement. Sous un titre incontournable « L’urgence de préparer les enseignants d’aujourd’hui pour l’école de demain. », T. Karsenti dénombre 26 avantages du passage à l’IA dans l’enseignement. Il cite notamment la transformation de l’enseignant en facilitateur d’acquisitions et en coach du groupe classe. Il lui promet l’allègement de tâches administratives comme la confection des bulletins.

La formation initiale et en cours de carrière des enseignants dépasse de beaucoup la simple découverte du PC, l’initiation au traitement de texte et l’utilisation d’un moteur de recherche. Il s’agit d’intégrer l’IA dans la pédagogie et la méthodologie, tout en veillant à protéger l’apprenant de toute immixtion commerciale ou malveillante dans son dossier individuel dont l’accès lui est strictement réservé ainsi qu’à son maître, à la direction et à ses parents.

L’organisation de notre enseignement est prisonnière du passé

Un exemple : l’article 24 de la Constitution commence par cette phrase : « L’enseignement est libre. Toute mesure préventive est interdite. »

L’interdiction des mesures préventives est un souvenir du combat de l’épiscopat belge contre la volonté de Guillaume d’Orange de vérifier que les programmes d’enseignement étaient bien conformes à l’intérêt général. Cette ingérence du pouvoir royal dans la liberté revendiquée par l’Église contribua à la dislocation des Pays Bas et à la naissance de la Belgique. Cette interdiction des mesures préventives résistera à la révision constitutionnelle de 1988. Nous n’aurions donc aucun moyen constitutionnel de nous opposer, à titre préventif, au projet d’une secte de talibans d’ouvrir une école à Bruxelles !

C’est dire le poids de l’histoire dans l’organisation de notre pays.

Nous avons donc toujours un pouvoir central, celui de la Communauté Wallonie-Bruxelles, les pouvoirs provinciaux, les autorités communales, l’enseignement privé, majoritairement catholique, mais aussi juif, philosophiquement neutre, ou familial.

Ajoutons que la formation des apprentis relève de la responsabilité des Régions.

C’est donc sous ce parapluie politico-administratif que nous organisons notre enseignement, avec l’insuccès que l’on sait.

Observons d’abord que le clivage des pouvoirs organisateurs constitue un obstacle infranchissable au partage d’infrastructures : halls ou terrains de sport, laboratoires, salles de spectacles…

Plus grave encore : en ces temps de pénurie d’enseignants, pas de stimulation à établir des échanges de professeurs entre établissements de réseaux différents.

L’idée surgit, dès lors : et si on renversait la table !

À y regarder de près, qu’est-ce que l’école ?

Dans l’enseignement obligatoire, c’est l’établissement choisi, par les parents, à distance raisonnable du domicile, pour apporter les connaissances nécessaires à l’enfant, puis à l’adolescent afin qu’il s’intègre dans la société et s‘y épanouisse pleinement.

La première démarche parentale est le contact établi avec la direction de l’école. Ce contact, s’il aboutit à une inscription, c’est la conclusion d’un contrat de collaboration : l’école enseigne et éduque ; la famille coopère en soutenant les exigences de l’école et en assumant sa part naturelle dans l’éducation.

La direction de l’école, c’est une personnalité et une équipe motivées par la volonté de réussir la mission d’éducation qu’ils ont décidé d’assumer.

L’intérêt de la société tombe sous le sens : elle a besoin de femmes et d’hommes bien formés à tous les niveaux de l’enseignement et jusqu’à l’octroi du diplôme. La solidarité, socle de la société occidentale, se nourrit des compétences que, les unes après les autres, les générations déploient pour elles-mêmes et pour les autres, celles qui les précèdent et elles qui les suivent.

La société investit sagement dans le processus éducatif.

Est-ce pour autant que l’école doit abandonner les rênes à un pouvoir tutélaire, pointilleux, intrusif, distant, maître des méthodes pédagogiques, contrôleur des faits et gestes des acteurs de l’éducation ? La question révèle les dérives et abus dont souffrent aujourd’hui la profession d’enseignant, l’exercice des fonctions de direction dans les écoles, ainsi que les familles en proie à un malaise croissant, quand surgissent les signes précurseurs du décrochage scolaire.

Le pouvoir tutélaire, c’est-à-dire, fournisseur des moyens nécessaires à l’exercice réussi de la mission d’éduquer, est responsable de l’équité et de la bonne utilisation des crédits ; il est aussi tenu de veiller à l’homogénéité des programmes et de la définition des compétences maîtrisables en fin de cycle. Il fournit en permanence des indications sur les besoins du marché du travail et invite les écoles à répercuter l’information vers les familles.

Renverser la table, c’est instaurer la confiance.

Confiance des parents dans la volonté des équipes éducatives d’agir en tout état de cause pour le bien des enfants qui leur sont confiés.

Confiance des élèves dans le professionnalisme des enseignants et éducateurs qu’ils fréquentent tous les jours.

Confiance au sein des équipes qui savent qu’un appui et une aide sont disponibles auprès de la direction, dont le titulaire aura ajouté à son master, une formation en management scolaire.

Confiance du pouvoir, résolument affirmée, en des équipes de direction et d’éducation, qui seront évaluées en fonction du seul critère qui compte : la réussite des élèves aux épreuves externes organisées à intervalles réguliers.

Une stratégie du mieux : les synergies scolaires

Il ne faut pas dissoudre l’autorité ; il faut, au contraire, la responsabiliser et la rapprocher de tous les acteurs de l’éducation.

C’est pourquoi, à côté de l’équipe de direction de l’école, dans l’enseignement obligatoire, prendra place un organe consultatif formé d’enseignants et de parents, choisis par leurs pairs, qui coopteront quelques cadres de la société civile. Les organisations syndicales y seront représentées. Cet organe prendra la place des P.O. de l’enseignement libre ou des conseils de participation de l’enseignement officiel.

Les options actuellement offertes dans le secondaire, aussi bien général que technique ou professionnel, tant elles sont variées, ne pourront être organisées partout. C’est au conseil consultatif, en lien avec les autres conseils des établissements de la zone, qu’il reviendra d’orienter la décision de la direction.

Dans le fondamental, la nécessité d’ouvrir les yeux des écoliers sur l’enrichissement personnel tiré de l’intelligence de la main, conduira à chercher ensemble les artisans ou techniciens, actifs ou pensionnés, qui illustreront, pendant des temps libres ou libérés, la beauté du geste et contribueront à rendre à l’enseignement qualifiant le statut qu’il a malencontreusement perdu.

On pourrait multiplier les exemples. Qu’il suffise de dire que le but sera atteint quand dans nos villes de moyenne importance, des études en immersion en néerlandais, anglais, allemand, espagnol, etc., auront été rendues possibles parce que la synergie s’est imposée, à la faveur d’un consensus intelligent.

« Et les cours de religion et morale ? », objectera-t-on. Osons partout un cours de philosophie que chaque école orientera en fonction des desiderata avec, s’il échet, des transferts ponctuels d’un établissement à l’autre, transferts d’ailleurs facilités dès lors que l’IA permettra les raccordements à la demande. Les cours de religion, proprement dits, incomberont aux représentants des cultes reconnus dans les lieux qu’ils désigneront.

Dans ce nouvel univers, où l’école retrouve et suscite la sympathie, initie des collaborations, associe les parents, la communauté éducative se formera naturellement et des synergies se manifesteront à la demande de la direction ou des enseignants. Un professeur absent ne signifiera plus l’envoi d’une classe à l’étude. Grâce à l’Intelligence Artificielle, le cours sera donné et un assistant d’éducation, répondant à l’appel de la direction, maintiendra une présence adulte nécessaire dans un groupe d’élèves.

Il est indispensable de penser l’organisation de l’enseignement obligatoire dans la perspective d’une pénurie d’enseignants qui n’est pas près de disparaître.

Il faut aussi investir dans les murs et les espaces de jeux

La décision récente de répartir entre les pouvoirs organisateurs les crédits européens en faveur des constructions scolaires a fait renaître le conflit interminable entre les responsables de l’enseignement libre et les autorités publiques. Le gouvernement fait valoir qu’il doit prioritairement se soucier des infrastructures dont il est propriétaire. Les organisateurs privés, responsables d’une activité juridiquement considérée comme d’intérêt public, font état de l’égalité coulée dans la Constitution pour réclamer une part plus équitable de moyens.

La solution ne résiderait-elle pas dans un droit d’emphytéose de 99 ans, renouvelable, que l’épiscopat et les congrégations concéderaient au pouvoir public, la Région, par exemple, en échange des crédits d’investissement dans les infrastructures scolaires ?

Mais, ne nous leurrons pas : investir signifie mobiliser des crédits à des fins déterminées.

Dans notre contexte, ces fins sont identifiées :

  • il faut équiper les écoles des infrastructures et moyens modernes nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;
  • il faut revaloriser moralement et pécuniairement la fonction enseignante. Moralement, c’est par la confiance restaurée qu’on y arrivera. Pécuniairement, c’est là le nœud du problème ;
  • il faut remettre en question les dépenses qui ne sont pas d’une nécessité avérée. La régionalisation a supprimé l’institution provinciale dans la région bruxelloise. La Wallonie ne libérerait-elle pas du personnel et des moyens budgétaires si la Région y prenait les commandes ? Ne trouverions-nous pas dans nos universités des experts capables de dessiner une administration moins pléthorique dès lors que les établissements gagneraient en autonomie ?

L’interpellation relève de la responsabilité politique.
La question du besoin d’école est une interpellation citoyenne.

Août 2022.

Le revirement inconséquent de Paul Magnette

Par Jules Gheude, essayiste politique

Paul Magnette, le président du PS, a accepté que son parti entre dans la coalition Vivaldi au départ d’un accord qui stipule notamment :

Au cours de la prochaine législature, le gouvernement entend apporter une contribution importante à la modernisation, à l’augmentation de l’efficacité et à l’approfondissement des structures de l’Etat. Le gouvernement lancera un large débat démocratique sur ce sujet, impliquant notamment les citoyens, la société civile et les milieux académiques, ainsi qu’un dialogue entre les représentants politiques. L’objectif est une nouvelle structure de l’Etat à partir de 2024 avec une répartition plus homogène et plus efficace des compétences dans le respect des principes de subsidiarité et de solidarité interpersonnelle. Cela devrait conduire à un renforcement des entités fédérées dans leur autonomie et du niveau fédéral dans son pouvoir.

Deux ministres, Annelies Verlinden (CD&V) et David Clarinval (MR), sont chargés de mener cette mission à bon port.

Or, voilà que Paul Magnette change son fusil d’épaule. Dans une interview accordée au « Soir, le 18 juin, il déclare, en effet :

Une septième réforme de l’Etat en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitable. Parce que la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement, contrairement au passé.

Le président du PS, qui avoue n’avoir jamais été amoureux de l’institutionnel, ajoute néanmoins : Pour moi, un jour, un fédéralisme à quatre Régions, je pense que ce serait plus simple que le système existant. Mais j’ajoute tout de suite que quand je dis « quatre Régions », cela ne veut pas dire la disparition des solidarités Wallonie-Bruxelles. Dans mon esprit, même s’il y a quatre Régions, la Wallonie et Bruxelles reforment ensemble une Fédération et gèrent en commun l’enseignement, l’enseignement supérieur, la culture, l’audiovisuel, la recherche…

On imagine sans peine la surprise du premier parti de Flandre, la N-VA, dont le président Bart De Wever pensait avoir trouvé en Paul Magnette le partenaire idéal pour mettre œuvre de nouvelles structures institutionnelles en 2024.

D’autant que l’attitude du président du PS s’apparente à une véritable provocation à l’égard du Nord du pays :

Ah, la N-VA va tomber de sa chaise, tant pis, j’espère qu’ils ne sont pas assis trop haut… Que voulez-vous que je vous dise ? Le CD&V pareil. Quant aux provocations de l’extrême droite, ils disent qu’ils feront une déclaration unilatérale d’indépendance, mais qu’ils le fassent ! Que M. Van Grieken le fasse, il sera juste ridicule. Il ne sera même pas suivi par les autres Flamands. Et à supposer qu’ils le suivent, la Wallonie et Bruxelles peuvent parfaitement être viables ensemble. Les Flamands doivent comprendre que si un jour ils font une déclaration d’indépendance, ce sera sans Bruxelles. Ça, définitivement, ce sera sans Bruxelles. Ils peuvent faire une Flandre indépendante avec un gros trou au milieu s’ils le veulent, et se priver de la capitale de l’Europe. Les provocations de l’extrême droite me laissent de marbre.

Paul Magnette n’est pas à une incohérence près. N’est-ce pas lui, en effet, qui, en 2016, affirmait que sans enseignement et sans culture, le Wallonie est comme eunuque ?

Ainsi, selon lui, une septième réforme de l’Etat en 2024 n’est ni nécessaire ni souhaitable. Parce que la Wallonie a les compétences nécessaires pour travailler à son redressement, contrairement au passé.

Sauf que l’on ne compte plus les plans de redressement wallons qui ont été lancés depuis vingt ans, sans que la Région parvienne à décoller… Une évolution qui a amené la Flandre à remettre en cause le principe de solidarité financière.

Hormis le Brabant wallon, qui bénéficie de l’hinterland bruxellois, les provinces wallonnes stagnent pour ce qui est du PIB. Pour une moyenne européenne se situant à 100, la Hainaut est à 76, dix points en dessous du Nord-Pas-de-Calais, le pays dit des corons…

Alors que feu Xavier Mabille, président du CRISP, déclarait en 2007, en parlant de l’hypothèse d’une disparition de la Belgique, hypothèse dont je dis depuis longtemps qu’il ne faut en aucun cas l’exclure, Paul Magnette prend cela à la rigolade.

On voit mal comment une avancée institutionnelle pourrait intervenir au lendemain des élections législatives de 2024 – encore faut-il que la Vivaldi puisse atteindre l’échéance ! -, tant les positions divergent au Sud et au Nord (fédéralisme vs confédéralisme).

Une chose est sûre : la Flandre n’est plus une entité fédérée, mais une véritable Nation.

Les derniers sondages indiquent que les deux partis indépendantistes flamands, la N-VA et le Vlaams Belang, pourraient disposer d’une majorité absolue au Parlement flamand, ce qui permettrait à leurs représentants de proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre. Paul Magnette rejoint ici ceux qui prétendent que seule une petite partie des électeurs de ces deux formations souhaitent vraiment un tel scénario. Mais les autres ne sont-ils pas censés voter en connaissance de cause ?  Ils ne peuvent ignorer que les partis de Bart De Wever et de Tom Van Grieken prônent l’avènement d’une République flamande. Ils doivent donc assumer l’entière responsabilité de leur vote !

Rien à voir ici avec le scénario catalan. Le pouvoir central à Bruxelles serait d’une telle faiblesse qu’il ne pourrait rien empêcher. Quant à l’Union européenne, il ne pourrait qu’acter le divorce belge.

Pas de panique !, ajoute Paul Magnette, la Wallonie et Bruxelles peuvent parfaitement être viables ensemble.

Et revoilà le WalloBrux !

Il faut être deux pour danser le tango. Or, une étude réalisée en 2013 par Rudi Janssens, chercheur à la VUB, indique que 73,9% des Bruxellois souhaitent l’autonomie en cas de disparition de la Belgique. Seuls 4,6% optent pour une association avec la Wallonie, et 4% avec la Flandre. Cela montre que les Bruxellois sont profondément attachés à leur spécificité.

Il y a aussi le fait que l’on est confronté à des espaces géographiques de taille et de morphologie totalement dissemblables. D’un côté, une Région-Capitale de 161,4 km2, de l’autre, une Région wallonne de 16.844 km2, trois fois plus peuplée.

Par ailleurs, Wallons et Bruxellois constituent des populations sociologiquement distantes, avec des sensibilités souvent différentes.

Enfin, élément majeur, l’absence d’unité territoriale, Bruxelles étant enclavée en territoire flamand, qui serait alors un territoire étranger. De quoi rallumer le feu en ex-Yougoslavie ! Car si Wallons et Bruxellois peuvent composer un Etat de la sorte, on ne voit pas pourquoi la Serbie ne ferait pas de même avec la Republika Srpska de Bosnie.

Comment organiser les pouvoirs et fixer le poids respectif de Bruxelles et de la Wallonie au sein de ce nouvel Etat, qui ne constituerait en aucun cas une nation ? Opterait-on pour le principe de l’égalité (Bruxelles = Wallonie) ou celui de la proportionnalité (Wallonie > Bruxelles) ? Déjà, au sein de la Belgique actuelle, Wallons et Bruxellois sont dans l’incapacité de se constituer en entité unifiée.

On voit mal aussi comment la Communauté internationale pourrait reconnaître une personnalité juridique identique à cette nouvelle Belgique qui, privée de la Flandre, offrirait un visage substantiellement différent de celui de l’Etat prédécesseur.

En droit international, l’Etat successeur est comme un nouveau-né, vierge de tout traité international. C’est le principe de la « tabula rasa ». Une adhésion de plein droit de la « Belgique résiduelle » aux traités qui liaient l’ancienne Belgique pourrait donc être juridiquement contestée. On a vu, par exemple, que la « petite Yougoslavie » ou « Yougoslavie continuée », composée de la Serbie et du Monténégro, a dû demander sa réadhésion à l’ONU dès septembre 1992.

La dernière interview de Paul Magnette se caractérise par une totale inconséquence.

Réflexions sur l’état de la France

Par Cédric CHOPIN, citoyen français

Lille, le 14 juillet 2021.

Je me permets de vous adresser ce message, dans la perspective des prochains travaux de notre association. Il me semble en effet que l’AWF devrait garder un œil sur plusieurs problématiques, distinctes du réunionisme mais en réalité reliées à celui-ci.

Outre les questions communautaires présentes et à venir (financement de la Wallonie, échéances de 2024, future réforme de l’État dans un sens confédéral etc.), pour lesquelles nous avons acquis un niveau de connaissance, voire d’expertise, incontestable, nous devrions nous pencher sur les sujets qui suivent.

« Nous pencher » ne signifiant pas « se plonger dans l’étude », ou « produire des rapports » : nous n’en avons ni le temps, ni les moyens ; il s’agit d’articuler nos thématiques principales au regard de l’évolution des contextes français et belge.

1) La crise globale des institutions démocratiques : qui touche la Belgique mais bien plus durement la France.

Il est clair que le système représentatif connaît aujourd’hui un affaiblissement dramatique. L’abstention aux dernières élections régionales et départementales françaises en témoigne, mais n’est que le symptôme d’un mal bien plus profond.

Mondialisation économique, politiques européennes intrusives, économie spéculative devenue incontrôlable, « déprise » culturelle générale (culture académique ou culture locale et populaire) face à l’emprise des GAFA etc. Tout cela concourt à la fragilisation des institutions démocratiques, à cause de leur incapacité à avoir prise sur le réel.

Mais le système politique n’est pas seulement une victime : ses acteurs portent une responsabilité écrasante. Appartenant, dans leur très grande majorité, aux « classes sociales supérieures », bénéficiaires de la mondialisation, les mandataires (auxquels s’ajoutent les responsables économiques, médiatiques et, dans une certaine mesure, culturels) n’ont aucune envie de voir le peuple se mêler de « ce qui ne le regarde pas ». Le « cercle de la raison » n’est pas négociable ! There is no alternative, comme disait l’autre…

Tout ce qui dépasse est ramené au rang de « populisme », que ce dernier soit réel (les « complotistes » et autres « anti-vax » ne sont pas une légende urbaine), ou le plus souvent imaginaire (expression des légitimes aspirations populaires, en matière sociale et démocratique)… Bien sûr, les médias dominants ont tout intérêt à mettre en avant les premiers, pour y englober les seconds…

Sur ce dernier point, heureusement, tout n’est pas perdu, il subsiste encore quelques émissions tentant – tant bien que mal – de comprendre le monde tel qu’il va : Démocratie en question(s), saison 2 : https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_les-podcasts-de-lapremiere/accueil/article_democratie-en-question-s-enquete-chez-les-coronasceptique-et-les-antisysteme-saison-2 id=10795790&programId=16224

2) La tentation du repli « identitariste » face au « mondialisme » déraciné.

Je préfère ce néologisme à celui d’ « identitaire », car vouloir s’appuyer sur une identité, voire le plus souvent plusieurs, est un sentiment sain, lui aussi légitime.

L' »identitarisme » renvoie aux discours que l’on entend ou lit sur de nombreuses ondes, livres, articles et sites internet, qui se répandent progressivement dans l’opinion, et possèdent quelques caractéristiques fondamentales : principalement l’essentialisme (par opposition à l’universalisme).

Cette approche prétend que les différentes identités sont irréductibles les unes aux autres, ne pouvant en aucun cas se superposer et s’ajouter. Bien entendu, les apports venant de l’extérieur sont ici particulièrement visés… Anticiper les conflits potentiels ne doit pas devenir une prophétie autoréalisatrice, or c’est ce à quoi nous assistons dans l’hexagone…

Cet essentialisme est une mauvaise réponse à l’idéologie du « grand mélange », dans lequel toutes les cultures (surtout la culture occidentale, pour ne pas dire uniquement…) sont censées disparaître et se fondre dans un « grand tout » « multi-culturel »… Bien entendu, dans ce cadre, limiter les flux migratoires constitue une contrainte inacceptable. En clair, l’alternative infernale serait la suivante : soit le repli « identitariste », afin de lutter contre le « Grand remplacement » ; soit l’avènement du fantasme absolu du néo-libéralisme : la fondation d’une « culture mondiale », grâce aux supports numériques, au sein d’un grand marché global… Pile ou face, l’avers ou le revers d’une même médaille… Ces deux impasses peuvent susciter, à des degrés divers mais chez tout le monde, une forme de tentation : « zemmourisme » d’un côté, fascination pour des mégalos comme Elon Musk, de l’autre.

Pour le mouvement réunioniste, le devoir impérieux – à la fois moral et politique – est de tout faire pour tracer une ligne différente, réellement subversive. Une ligne laïque, républicaine au sens vrai du terme (le mot – et non la chose – étant repris en France par la droite la plus extrême…). Une ligne universaliste, c’est-à-dire proclamant l’existence d’un « fond commun » transcendant les différentes religions, genres et orientations, cultures… pouvant exister sur un même territoire. L’identité, pour être riche, diversifiée et forte, n’a nul besoin d’être arrogante ou agressive ! Au contraire, ces deux derniers adjectifs sont la marque des cultures faibles et déclinantes – voire décadentes…

Sur ces principes, le réunionisme doit participer à l’émergence d’une identité non-identitariste !

Jean Birnbaum : « Dans un climat irrespirable, faire droit à la nuance devient subversif » (https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/jean-birnbaum-dans-un-climatirrespirable-faire-droit-a-la-nuance-devient-subversif_2149546.html): Le Courage de la nuance, éditions du Seuil, 2021.

3) Le risque de dérive autoritaire en France, et le risque de crise sociale, politique et communautaire violente.

La France est un grand pays, et le peuple français un grand peuple, c’est entendu. Ce qui ne signifie évidemment pas idéaliser l’une ou l’autre.

Aujourd’hui, la crise française est véritablement profonde, avec un haut niveau de gravité. Crise politique, culturelle, sociale, communautaire, territoriale. La fracturation du pays s’accentue. Or, rien ne bouge, les crises successives depuis trois ans n’ont pas ébranlé l’inertie ambiante. Les « Gilets Jaunes » ont été un soubresaut qui auraient pu permettre la mise en œuvre d’un nouveau pacte démocratique et social. Il n’en a rien été : absolument rien ! Toutes les revendications d’ordre politique (ex. : Référendum d’Initiative Citoyenne) ont été balayées d’un revers de main! Le « Ségur de la santé » (négociations ayant suivi le premier confinement) a été, de l’avis même des personnels soignants, une vaste arnaque, n’octroyant que quelques menues piécettes. Rien, absolument rien, sur la gouvernance de l’hôpital, ou la fin des « restructurations »! Pourtant, en mars 2020, les médecins, infirmières, aides-soignantes, ont pris le pouvoir sur les gestionnaires, et c’est uniquement cette inversion du pouvoir qui a permis d’éviter la catastrophe totale, dans des établissements de santé dépourvus du matériel le plus élémentaire (masques, blouses, gel)…

A ce propos, la crise sanitaire que nous traversons agit comme un révélateur, au sens chimique du terme : les tendances profondes du pays se manifestent au grand jour ! Et ce n’est pas joli à voir… Il est clair que bien des mesures prises au cours de l’épidémie n’avaient aucun rapport avec les exigences médicales ! Il s’agissait, essentiellement, de « maintenir la pression » sur un peuple jugé immature, irresponsable et incontrôlable… Sans quoi, « ils vont faire n’importe quoi ! »

A cet égard, les dernières mesures décidées en juillet représentent un palier supplémentaire vers une forme d’autoritarisme de moins en moins « doux ». Interdiction, dans de nombreuses communes (suite à décret préfectoral ou municipal) des feux d’artifice du 14 juillet, même en étant masqués ! En effet, il y aurait eu de dangereux attroupements… Dans ce cas, il faut d’urgence interdire tous les marchés extérieurs, fermer les centres commerciaux, et combler les tunnels de tous les métros de France…

Je n’hésite pas à l’écrire (et je précise avoir reçu mes deux doses de vaccin…) : les décisions – souveraines, solitaires, jupitériennes, prises en Conseil de Défense – du président Emmanuel Macron du 12 juillet marquent un tournant, voire… un changement de régime politique ! Nul complotisme là-dedans : simplement la constatation que les considérations médicales et sanitaires (bien entendu nécessaires) ont été le prétexte (peut être inconscient) à l’émergence de pulsions autoritaires. La France est devenue un pays où l’on peut affirmer, sans être démenti, que « en contexte de pandémie, la démocratie est un inconvénient, surtout si elle s’avise de devenir contestataire » (Axel KAHN – paix à son âme – octobre 2020).

Bien sûr, d’autres pays ont été touchés par le phénomène (dont la Belgique et sa fameuse « bulle sociale »), mais en France, ce dernier a aggravé les fractures existantes… ainsi que la terreur des élites à l’égard du peuple, toujours jugé incapable de comprendre la situation… « Passeport sanitaire » à l’intérieur des frontières du pays, surveillance des cafés, des restaurants, des cinémas, devenus bien malgré eux des auxiliaires de police, évacuation de toute discussion rationnelle et contradictoire, spots TV gouvernementaux qui ont dû s’inspirer de la propagande soviétique (ou plutôt chinoise..), disproportion de nombreuses mesures par rapports aux risques véritables (hors personnes à risque, le covid-19 est une maladie quasiment pas létale) : l’irrationalisme du gouvernement (et de certains « médecins de plateaux TV », dont on se demande quand ils soignent des patients…) est en train d’égaler celui des « antivax », avec leurs « puces 5 G injectées par Bill Gates »!

Nous sommes – je l’espère ! – nombreux à penser que la pandémie aurait pu être gérée de façon rationnelle et démocratique, dès la fin du premier confinement (il faut être indulgent pour cette première phase, nous ne savions pas au début ce qui se passait). Au lieu de cela, l’obsession des autorités n’a cessé d’être : contrôler, contrôler, contrôler les citoyens infantilisés, et le cas échéant réprimer. En lieu et place des dernières mesures liberticides, un exposé clair de la stratégie vaccinale (dès le début du printemps 2021), des chiffres de vaccination raisonnables à atteindre chaque semaine, et la levée définitive des mesures sanitaires en fonction de ces chiffres (et non pas en fonction de dates arbitraires, ou du nombre des contaminations), et un discours factuel sur la contagiosité supérieure du variant Delta, auraient sans doute eu des résultats équivalents, voire meilleurs ! Avec cette méthode, ou d’autres méthodes non-coercitives, la France serait peut-être à l’heure qu’il est au même niveau que l’Angleterre !

La leçon à tirer de tout cela est la suivante : en France, bien plus que dans les autres démocraties, nous nous habituons aux mesures autoritaires, jugées plus rapides et plus efficaces que la délibération parlementaire et la responsabilisation des citoyens… L’autoritarisme devient le « mode de fonctionnement par défaut » du pouvoir, et les limites en la matière sont allègrement repoussées. C’est une réalité, et une source de profonde tristesse : nous assistons à l’écroulement de la culture démocratique en France… Le ressentiment et l’esprit de revanche vont également croissants !

La France est le seul pays occidental où a eu lieu – le plus sérieusement du monde – un débat sur la possibilité d’une guerre civile, et l’intervention de l’armée dans les banlieues !

Mais où cela va-t-il finir ?

Le courant réunioniste doit envisager l’hypothèse d’un « scénario catastrophe » (ou du moins celui d’une grave crise de régime) pour la France, et réfléchir au rôle qu’il pourrait jouer dans ce cas. La Wallonie, en l’occurrence, pourrait devenir une sorte de « base arrière », situation qu’il faudra définir et anticiper.

Car, comme j’ai eu le plaisir de l’écrire avec Paul MELOT dans le texte publié sur le site de la revue Front Populaire : « Tous les réunionistes (…) partagent un objectif : être acteurs d’une contreculture alternative, républicaine, sociale et populaire, participant – pour l’instant de l’extérieur – à la reconstruction d’une France libre et rénovée !« 

Tel est l’un des aspects essentiels de notre responsabilité collective, en tant que réunionistes.

A lire : Récidive, 1938, de Michaël FOESSEL, réédition 2021 : https://www.mollat.com/videos/mickaelfoessel-recidive-1938, P.U.F., avec une postface inédite évoquant la crise sanitaire.

Les illusionnistes

Par VALMY

Les journalistes Vincent Rocour et Alice Dive publient dans La Libre Belgique, du 14/08/2021, l’analyse du livre, « Les fossoyeurs de la Belgique » et interrogent l’auteur, le journaliste politique flamand Wouter Verschelden .
L’article de la LLB s’intitule : « Que le Mouvement flamand accepte de lâcher Bruxelles, c’est un geste historique » (sic). De quoi plaire à la « francophonie belge ».
Quel est l’intérêt profond de cet article ?
La confirmation des manœuvres du Palais pour installer la NVA au gouvernement dans l’espoir de trouver une solution définitive au problème institutionnel du pays.
L’accord entre Paul Magnette et Bart De Wever qui ne signifie pas la fin de la Belgique. Il ne s’agit que d’une étape, sinon l’appel de Bart De Wever, le 21 juillet 2021, à la renaissance de Grands Pays-Bas ne rime à rien.
Les conversations menèrent, paraît-il, les deux négociateurs suffisamment loin, au point que Paul Magnette demanda à Bart De Wever s’il voyait un problème à ce que la Wallonie et Bruxelles gardent le nom « Belgique » (sic).
Cette question incroyable ne peut que signifier l’acceptation par Paul Magnette d’une Flandre indépendante à moyen terme.
Pour la Wallonie, cela implique un double danger :
– si la Wallonie conserve le nom de Belgique, Paul Magnette repousse l’option du retour à la France;
si la Wallonie conserve le nom de Belgique, les lois internationales prévoient que les nouvelles entités étatiques héritières d’un pays disparu endossent les dettes de ce dernier, comme la Belgique de 1830 en faveur du royaume des Pays-Bas.
Pour Bart De Wever, il s’agit là d’une demande plus que surprenante de la part d’un « francophone ».
Il est probable que Paul Magnette réalise enfin la gravité de la situation actuelle, l’état de faillite de l’entité wallonne, l’abandon de la solidarité financière flamande et la volonté de la nation flamande d’avancer vers son indépendance.
Pourquoi Paul Magnette dirige-t-il la Wallonie dans le précipice ? Pour de l’argent !
Le nœud de l’accord entre Paul Magnette et Bart De Wever se trouverait dans la renonciation par la Flandre à son obsession du refus d’une Région bruxelloise à part entière et dans un grand refinancement des mesures sociales en faveur du PS.
Qu’a-t-il vendu pour un tel prix ? L’indépendance de la Flandre et la création d’une Belgique résiduelle (illusoire) afin de faire obstacle à la France et d’éviter à la NVA de devoir négocier face à Paris.
Le Mouvement flamand pourrait-il accepter de lâcher Bruxelles ? Oui, car il ne s’agit que d’abandonner le titre de « capitale de la Flandre ».
Rien n’empêche la Flandre de renouer avec le Royaume des Pays-Bas dans un cadre confédéral à deux Etats en emportant la Région de Bruxelles, bien incrustée dans le Vlaams Brabant et séparée de la Wallonie par la frontière linguistique. Le Mouvement flamand n’y perd rien, au contraire.
Bart De Wever, l’historien anversois, a relancé l’option des Grands Pays-Bas, où Anvers redeviendrait la capitale des Pays-Bas méridionaux où se rassembleraient les administrations et les sièges gouvernementaux.
En fait, retirer à Bruxelles le titre de capitale de la Flandre, faciliterait même l’application du scénario institutionnel berlinois : le « Land » bilingue de Bruxelles, coincé au sein des nouveaux Pays-Bas méridionaux. Même minoritaires, les Bruxellois flamands prouvent l’appartenance de cette agglomération au Vlaams Brabant. Les Bruxellois francophones ne sont que des fransquillons ou des immigrés parmi tant d’autres. Bruxelles conservera les lieux de culture, les théâtres, les écoles et les universités de la vlaamse gemeenschap et elle sera obligée d’organiser une « communauté des francophones bruxellois ». Surtout ne pas perdre de vue que Bruxelles dépend économiquement et financièrement de la Flandre.
Bruxelles n’appartint jamais à la Flandre mais aux Pays-Bas méridionaux, OUI !
En conclusion : La manœuvre de Paul Magnette relève d’une supercherie. Il permet, contre de l’argent, l’indépendance de la Flandre et lui offre Bruxelles grâce à la régionalisation à quatre entités. En conservant l’adjectif « belge », il feint de conserver des liens entre la Wallonie et Bruxelles tout en supprimant la Communauté française-Wallonie-Bruxelles. Le miroir aux alouettes version Louis XI !

Quatre régions : mais allons-y !

Par VALMY

Belgique à quatre régions : une chimère ! Quelle importance s’il s’agit d’un contre-argument ?

Dans un couple en désespérance, la volonté, partagée ou non, de séparation déclenche le divorce.

Ensuite, les avocats s’en mêlent pour la garde des enfants, des animaux de compagnie et le partage du patrimoine.

Depuis 1830, l’histoire de Belgique se présente comme une succession de frustrations des Wallons et des Flamands dont la responsabilité incombe à l’Etat belge, sorte d’Etat « fransquillon-bruxello-colonial » à la « sauce anglaise ».

Mettre fin aux frustrations implique le divorce et la scission de ce pays artificiel qui a généré la « belgitude », une sorte de nationalisme terre à terre, bon enfant, bruxello-centré, stérilisant qui empêche les Wallons de voir la réalité.

Feu Monsieur François Perin déclara que l’Etat belge se disloquerait étapes par étapes jusqu’au jour où il resterait à se partager la dette belge. Nous y sommes !

En vue de l’échéance de 2024, les Wallons proposent une Belgique à quatre régions autonomes impliquant la disparition des communautés, annihilant ainsi l’influence politique pernicieuse des fransquillons-bruxello-belgicains.

Quatre régions autonomes induiraient une confédération de quatre Etats indépendants dont la nation flamande.

En 2024, le Mouvement flamand fêtera son 150e anniversaire, dans cette optique les Flamands proposent un « modèle 2 + 2 », la Flandre & Bruxelles, la Wallonie & l’Ostbelgien, soit une pseudo confédération de deux Etats apparemment indépendants, sans exclusion des « Communautés », dans une Belgique fédérale « coquille vide » dominée par les Flamands.

L’option « modèle 2+2 », les Wallons doivent la refuser car une Belgique « coquille vide » à la flamande, toujours bruxello-centrée, ajoutée aux entraves du Benelux, signifie le piège d’un retour au sein du royaume des Pays-Bas de 1815, sous une peau d’âne euro-bénéluxienne !

Libérer les Wallons de la Belgique impliquerait une version bruxelloise du « Walen buiten » soit, ENFIN, la scission de la RTBF au profit de Liège, de l’ULB au profit de Charleroi, et de toutes les structures culturelles fédérales à partager entre la Wallonie et la Flandre.

Tout dépendra de la négociation mais aucune n’aboutira si les Wallons à la table ne se projettent pas dans un avenir post-Belgique comme les Flamands œuvrant à la reconstruction de la Nation néerlandaise méridionale, incluant logiquement la Région de Bruxelles.

Les Wallons, séparatistes en 1912, régionalistes depuis 1918, tirent encore des plans sur la comète, s’affolent, s’agitent entre le retour à la Nation française, la survie de la sécurité sociale belge et le sort de la monarchie Saxe-Cobourg-Gotha.

En 1830, avant la scission du Royaume des Pays-Bas et l’apparition de la « Belgique », un gouvernement « belge », révolutionnaire, provisoire, se constitua ex nihilo afin de négocier entre parties, d’égale à égale, mais l’Europe et la Grande-Bretagne s’ingérèrent.

Le schéma peut se répéter aujourd’hui, avec l’avantage de l’existence de gouvernements régionaux élus démocratiquement, mais où seule l’Europe tentera de s’immiscer.

Toutefois, si l’esprit du « paternalisme politique fransquillon-bruxello-belgicain » ne disparaît pas, les négociations risquent d’être entravées par les sempiternelles questions de Bruxelles, son financement et la dette publique de l’Etat fédéral.

Il semble donc impératif, comme dans le schéma de 1830, que la Flandre et la Wallonie se parlent d’égale à égale, donc en « Etats indépendants » en excluant tout ingérence parasite.

Est-ce vraisemblable ? OUI !

Si une Nation flamande indépendante s’avère viable, une Wallonie indépendante, certes moins riche mais non pauvre, l’est également, surtout débarrassée du « boulet et du gouffre financier » bruxello-belgicain.

Déclarée indépendante, la Wallonie pourra choisir son destin et se tourner vers la France, seul choix naturel.

En 2008, Jacques Attali, économiste, écrivain et haut fonctionnaire français déclara que « sans faire campagne pour le rattachement de la Wallonie, la France devra bientôt dire publiquement que, si par malheur, la Belgique venait à se défaire, cela pourrait être de son intérêt d’accueillir la Wallonie (…). Le prix à payer pour la France serait sûrement plus faible que ce que cela lui rapporterait, ne serait-ce que par l’augmentation de ses droits de vote dans les institutions européennes. » Sans s’en rendre compte, Jacques Attali marche dans les pas d’Henri IV !

Quid de la Région de Bruxelles et de l’Ostbelgien ?

La Région de Bruxelles, même dégraissée des fonctionnaires wallons, s’avère viable par sa situation exceptionnelle au sein de la Flandre. De plus, la présence des instances de l’Union européenne, de l’OTAN, lui conservent une réelle attractivité pour le secteur privé sans oublier l’investissement matériel et humain de la Flandre.

Historiquement thioise, aujourd’hui brabançonne métissée et internationale, Bruxelles détient des atouts pour un avenir apaisé dans un cadre historique retrouvé :

  • soit autonome, amicale vis-à-vis de la Flandre, bilingue avec le maintien d’institutions communautaires internes ;
  • soit un destin « berlinois » confortant l’autonomie d’une Région bilingue associée économiquement à la Flandre et une ville, Bruxelles, élevée au rang, respectable et honorable, de capitale des Pays-Bas méridionaux ressuscités.

L’option « berlinoise » devrait titiller l’imagination des Flamands qui, jusqu’à ce jour, portent des œillères alors qu’ils sont dirigés par des historiens gantois ou anversois, esquivant le glorieux passé du duché de Brabant.

L’Ostbelgien ne compte que 78.000 habitants ; sa taille ne constitue pas un obstacle à son autonomie.

Ce territoire composé des cantons d’Eupen et de Saint-Vith, prussiens depuis le 19e siècle, belges depuis 1920, jouit d’une place exceptionnelle dans la « très allemande » Union Européenne.

Eupen, siège de l’Eurégio-Meuse-Rhin, bénéficie de l’attention de deux puissantes « marraines » : l’association REGIO Aachen et le District de Cologne.

Sans oublier qu’elle se situe également au sein d’une seconde région transfrontalière : la Grande Région qui englobe toute la Wallonie et la Région du Grand Est (Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace) à l’Allemagne et au Grand-Duché de Luxembourg.

L’Allemagne protège toujours les siens !

Régionaliser l’Etat belge est-ce crédible ? Oui !

En réalité, les fonctions régaliennes de l’Etat belge dépendent déjà des Régions, de l’Union européenne, de l’OTAN et du SHAPE.

La régionalisions de la Justice et de la police fédérale existe déjà dans les cartons.

« Le roi est nu mais personne n’ose encore l’avouer au « bon peuple. »

A l’occasion, l’imagination règne en maître en Belgique.

Par exemple, La Banque nationale de Belgique, instituée par une loi du 5 mai 1850, est dotée de la forme juridique de société anonyme (SA). Son capital social est détenu pour moitié par l’État.

Faudrait-il régionaliser une société anonyme ?

Inutile, adapter son conseil d’administration à la nouvelle réalité devrait suffire dans un premier temps.

Comment agir pour L’Office national des pensions, le SPF Pensions et l’ONSS ?

Rien n’empêche la Flandre et la Wallonie, dans l’actuel cadre belge, de leur attribuer une forme juridique similaire à celui de la Banque Nationale, le temps de clarifier la situation née d’un divorce prévisible, tout en leur permettant de continuer leurs tâches une fois les indépendances déclarées.

Pourquoi punir la population innocente ?

Quid de la dette de l’Etat belge ?

La Flandre se rêve tel le chaton d’une bague qui attend d’accueillir la pierre précieuse : la Région de Bruxelles.

Elle propose donc le modèle « modèle 2+ 2 ».

Dans ce poker menteur institutionnel, la Wallonie devrait lui opposer, de bonne guerre, le « modèle 4 Régions ».

Les Wallons devraient enfin convaincre les négociateurs flamands qu’ils ne craignent pas un avenir solitaire, n’ayant déjà plus rien à attendre de la Belgique.

La Wallonie a tout intérêt à se débarrasser du « boulet belgo-bruxellois » et de conclure un accord avec la Flandre qui réglerait la dette publique à son avantage, sans emprunter un euro.

En principe, le partage sur base des moyens économiques, le PIB, serait le plus avantageux pour la Wallonie.

Le seul moyen d’appâter la Flandre en ce sens : troquer Bruxelles à la « sauce berlinoise » ou se figer sur les 4 Régions !

Bien entendu, si la Flandre se cabre, il reste la menace d’un rattachement éclair de la Wallonie à la France avant la signature de tout pacte entre les divorcés.

La Flandre devrait alors négocier la dette publique avec Paris.

Cette probabilité inquièterait déjà les politiques flamands.

Comment réagirait l’Union européenne, qui ne vaut pas mieux que l’Europe de Metternich ?

S’opposerait-elle vraiment à l’implosion du Royaume de Belgique et à son partage logique entre Pays-Bas, France, si l’Allemagne pouvait à cette occasion réintégrer l’Ostbelgien dans le heimatland ?

Ce serait difficile à défendre devant une cour de justice internationale, alors que le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne œuvrent et financent des structures transnationales, les Eurorégions, pouvant à terme affaiblir les cadres étatiques existants.

Etrangement, la Wallonie est imbriquée dans deux structures qui rappellent les possessions de l’Empire germano-habsbourgeois et les ambitions territoriales de l’Allemagne contemporaine :

  • la première : l’Eurégio-Meuse-Rhin,
  • la seconde : la Grande Région.

Autre fait curieux, pourquoi seule la Flandre peut-elle se lier à la France par le biais du Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) West-Vlaanderen /Flandre- Dunkerque-Côte d’Opale ?

Pourquoi n’existe-t-il aucune Région transfrontalière entre la province de Hainaut et le Hainaut français, le Cambrésis, la Champagne et la Flandre française (l’Artois) ?

L’Escaut et la Sambre ne prennent-ils pas leur source en France et n’irriguent-ils pas notre province hennuyère ?

Pourquoi n’existe-t-il aucune Région transfrontalière wallo-française entre la province de Namur ou la province de Luxembourg et la Champagne, l’Ardenne et la Lorraine sans devoir dépendre de structures germaniques ?

La réponse à toutes ces questions : l’obstacle Belgique !

Comme l’écrivit Monsieur François Perin, « la Belgique ne représente plus aucune nécessité sur le plan diplomatique mondial. »

L’ombre de Palmerston vient de s’évanouir définitivement avec le Brexit.

Il devient impérieux de détricoter l’Etat belge, étouffer les « cris d’angoisse d’Elio Di Rupo » et rendre aux Wallons leur fierté.

Ils n’ont plus rien à attendre de la Belgique.

Il leur reste trois ans pour se convaincre qu’ils peuvent se prendre en charge.

Pourquoi l’option d’une Belgique à 4 Régions est une chimère

Par Jules Gheude

Le programme de la coalition Vivaldi prévoit la préparation d’une 7ème réforme de l’Etat pour 2024.

Du côté wallon, l’option d’une Belgique à 4 Régions (Wallonie, Flandre, Bruxelles et Ostbelgien) se dégage tant au PS qu’au MR. Elle est également défendue par Re-Bel (Rethinking Belgium’s institutions in the European Context), dont l’une des figures de proue est le philosophe-économiste Philippe Van Parys.

Chantre du belgicanisme, celui-ci a publié, il y a trois ans, un essai intitulé « Belgium. Une utopie pour notre temps », dans lequel il explique pourquoi la vision d’une Belgique à 4 Régions peut représenter un destin possible bien plus enthousiasmant que la dystopie de la dislocation.

On remarquera d’emblée l’usage du mot « Belgium ». Pour l’intéressé, en effet, il serait souhaitable que l’anglais devienne le trait d’union de cette nouvelle configuration.

Ceci est loin d’être innocent, comme nous allons le voir. Car Philippe Van Parijs, ne l’oublions pas, est avant tout flamand…

Il était présent au colloque « L’Après-Belgique », organisé en 2011 par le Cercle Condorcet de Liège et au cours duquel, en public, il a répondu par « oui » à la question que je lui avais posée : La Flandre est-elle, selon vous, une Nation ?

Premier paradoxe de sa part. Car il est évident qu’un Etat fédéral ne peut se concevoir avec l’une de ses entités érigée en Nation. Pour le formuler autrement : l’existence d’une Nation flamande compromet de facto la survie de la Belgique. Un dicton africain n’affirme-t-il pas qu’ il ne peut y avoir deux places sur la peau d’un léopard ?

Deuxième élément, qui démontre la côté illusoire de la stratégie Re-Bel : l’aversion que la Flandre a toujours nourrie envers Bruxelles, Région à part entière.

Lorsque l’article 107 quater de la Constitution, reconnaissant l’existence des Régions flamande, wallonne et bruxelloise, a été adopté en 1970, chacun était bien conscient que la Flandre ferait tout pour en empêcher sa concrétisation au niveau de Bruxelles. François Perin, lui-même, avait affirmé que la Région bruxelloise ne verrait jamais le jour. Ce fut sa seule erreur de jugement. La crise fouronnaise des années 80 allait, en effet, permettre à la Région bruxelloise de sortir des limbes fin 1988. Les francophones durent, pour cela, sacrifier José Happart et sa cause. Le marchandage déboucha également sur une extension importante des matières communautaires (enseignement) et régionales (transports, travaux publics, commerce extérieur,…). On sait comment Jean-Luc Dehaene s’arrangea ensuite pour asphyxier financièrement l’enseignement francophone…

Mais la Flandre n’a pas pour autant renoncé à ses ambitions concernant ce territoire bruxellois qui, à ses yeux, lui appartient historiquement.

Dès 1980, elle a usé de la faculté que lui donnait le législateur de fusionner ses institutions. La Région fut ainsi absorbée par la Communauté. Efficacité et économie des moyens : un gouvernement unique, un Parlement unique, le tout établi à Bruxelles, capitale de la Flandre.

La Belgique à 4 Régions sous-entend la suppression de la notion de Communauté. En tant que Flamand, Philippe Van Parijs ne peut que se réjouir de l’élimination de la Communauté française, ce lien organique entre la Wallonie et Bruxelles. Et avec sa proposition visant à faire de l’anglais la langue de la Belgique, il mise sur l’affaiblissement progressif de la langue française à Bruxelles.

Mais il est confronté ici à une donnée essentielle. Jamais la Flandre ne consentira à supprimer  « sa » Communauté, qui lui permet, via l’exercice des matières dites « personnalisables », d’encadrer sa minorité bruxelloise du berceau jusqu’à la tombe.

Philippe Van Parijs n’ignore pas que l’option confédéraliste qui fut lancée au début des années 90 par le ministre-président flamand CVP Luc Van den Brande et avalisée par le Parlement flamand en 1999, repose sur deux piliers, la Flandre et la Wallonie, assurant la cogestion de Bruxelles.

C’est exactement cela que la N-VA propose aujourd’hui. Selon Bart De Wever, chaque Bruxellois, indépendamment de sa langue et de son origine, devrait choisir entre le paquet flamand et le paquet wallon pour ce qui concerne les matières dites personnalisables : impôt des personnes, soins de santé, immigration/intégration,… 

Sur ce point, N-VA et CD&V restent soudés.

On a ainsi vu récemment la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), faire état d’un « modèle 2+ 2 », entendez deux entités fédérées (deelstaten) – Flandre et Wallonie –  et deux sous-entités (deelgebienden) – Bruxelles et Ostbelgien.

En fait, il suffirait que la Flandre, suivant en cela l’exemple francophone, rebaptise sa Communauté « Federatie Vlaanderen-Brussel » pour que le chemin de ce confédéralisme à deux soit tracé.

C’est d’ailleurs ce qu’avait déclaré feu Jan Verroken – le tombeur du gouvernement Vanden Boeynants sur l’affaire de Louvain en 1968 – dans sa dernière interview, accordée à « Doorbraak » en 2017 :

Si j’étais encore au CVP, je me battrais pour faire la même chose que les Wallons. Les Wallons font le Fédération Wallobrux. J’aurais fait depuis longtemps une Fédération Flandre-Bruxelles. Il faut toujours faire la même chose que son adversaire. Ils ne peuvent tout de même pas nous reprocher de vouloir faire la même chose qu’eux. Et c’est ainsi qu’on est encore à mille lieues du confédéralisme. 

Une Fédération Wallonie-Bruxelles vs een Federatie Vlaanderen-Brussel : Bruxelles se retrouvant dans les deux équations, est de facto cogérée… CQFD.

Une chose est sûre : on peut encore s’attendre à de belles escarmouches, le jour où l’on entrera vraiment dans le vif du sujet  de cette 7ème réforme de l’Etat.

Philippe Van Parijs, nous l’avons dit, considère que le Flandre est une Nation. Il devrait aussi savoir que l’évolution normale, logique, d’une Nation est de devenir un Etat souverain.

Qui vivra verra…

En attendant, la Flandre n’a nulle envie de continuer à se montrer solidaire d’une Wallonie qui, à ses yeux, n’adopte pas la gestion politique appropriée pour se redresser. Une Wallonie dont, aux dires de son ministre-président Elio Di Rupo, la situation budgétaire est abyssale et se verra encore aggravée par l’extinction programmée des transferts financiers en provenance de Flandre (quelque 7 milliards d’euros par an !).

Réunionisme et valeurs républicaines

Monsieur Cédric Chopin nous écrit de France. Alors que la République française est mise sous pression par la menace islamiste, il souhaite attirer notre attention sur la revue Front populaire fondée par Michel Onfray. Une telle revue, ouverte à l’expression libre et au débat, devrait permettre à notre mouvement de mieux se faire connaître en France.

Monsieur Chopin rappelle à nos consciences « l’un des objectifs du mouvement réunioniste : agir aux côtés de tous ceux qui œuvrent pour la refondation d’une France républicaine, en prenant appui sur son histoire et ses valeurs. »

Il poursuit de la sorte :

« A ce propos, je me permets de revenir sur la revue Front populaire, fondée par Michel ONFRAY.

« On peut – comme c’est mon cas – être en désaccord avec certains articles, et dubitatif quant à la trajectoire de certains intervenants, mais dans l’ensemble ce projet dégage des perspectives stimulantes.

« Je cite une petite partie de l’éditorial de M. ONFRAY du numéro 2 de la revue :

« (…) à Front Populaire, nous voulons les droits de l’homme sans le droit de l’hommisme, la liberté sans la licence, l’égalité sans l’égalitarisme, la fraternité sans l’obligation, la laïcité sans le dogme, la propriété sans le monopole, le féminisme sans la guerre des sexes, la différence sans l’inégalité, les minorités sans leur tyrannie, les majorités sans leur hégémonie, la communauté sans le communautarisme, la sûreté sans le césarisme, la raison du peuple sans l’instinct de la populace, l’autorité sans l’autoritarisme, la démocratie sans la démagogie, la dialectique des droits et des devoirs, l’équilibre entre l’individu et la société, la loi sans l’arbitraire, la police sans la milice, la liberté d’expression sans le mépris, la paix sans craindre la guerre, la nation sans l’oubli des régions, le local avec le global, l’Europe avec la souveraineté des nations, le politique sans la politique : voilà ce qui définit la République à laquelle nous aspirons. Voilà qui n’est ni rouge, ni brun, mais tricolore. 

« Programme pour le moins ambitieux, mais ô combien nécessaire !

« Si j’ai bien compris l’esprit de la revue, toute personne peut proposer un article, dans la version numérique ou la version papier.

« Vous devinez sans doute mon cheminement : oui, je pense en effet qu’un article consacré au réunionisme aurait toute sa place au sein de Front Populaire ! C’est même, selon moi, une évidence, tant les effets géopolitiques potentiels de la réunion rejoignent les aspirations souverainistes, au sens le plus noble du mot, de la revue !

« En ma qualité de simple adhérent, je suis légitime à vous faire part de mon sentiment : qu’il est du devoir de l’Alliance Wallonie France de prendre une telle initiative !

« Quelle forme pourrait prendre cet article : collectif, ou écrit par une seule personne ? Sous quel angle le sujet pourrait-il être abordé : la géopolitique de la réunion, la volonté de participer à la renaissance républicaine française, l’histoire… tout cela à la fois ?

« Il faut juste avoir à l’esprit que, sauf exceptions (notamment frontalières), la situation politique de la Belgique demeure une totale inconnue pour la grande majorité des Français, de même que le mouvement réunioniste lui-même (si le projet d’article aboutit, la plupart des lecteurs apprendront son existence à cette occasion !)

« Je ne doute pas un seul instant que vous transmettrez cette idée à toutes les personnes capables de la faire avancer (vous pouvez utiliser le présent message à cette fin, vous avez mon accord).

« Ensuite, évidemment, rien n’est acquis ni garanti : ce sera une sorte de combat, ne serait-ce que pour percer le mur de l’indifférence, côté français, qui décourage parfois les militants de la cause wallonne (et bruxelloise, car d’un point de vue géopolitique – encore et toujours ! – la France ne pourra pas se permettre de « perdre Bruxelles » en cas de disparition de la Belgique).

« Ce « combat » pour la publication de l’article peut être gagné ! »

Pays-Bas et plat pays : une tendance lourde

Par Claude ROLAND

Le rapprochement entre la Flandre et la Hollande, incluant de fait aussi la Belgïe est en progression constante.

Le général en chef néerlandais est venu à la VRT plaider pour l’achat du F35, afin de faciliter l’intégration de la force aérienne dans l’armée néerlandaise. Bien sûr, la RTBrux, qui partage le même bâtiment que la VRT, avec laquelle elle entretient des liens étroits, était donc au courant et n’en a dit mot. Et on a acheté le F35.

La « néderlandisation » des ambassades belges est un fait, même si nos médias bruxellois évitent d’en parler.

De gros investissement ferroviaires et maritimes sont réalisés, aux frais du fédéral, pour rapprocher la Flandre et la Hollande.

Cette union est décrite comme étant celle de 2 pays (Flandre & Hollande) avec éventuellement 2 régions (Bxl et la Wallonie). Ce qui signifie que dans cette union, la Flandre resterait Flandre et ne deviendrait pas Hollande. Voilà qui devrait rassurer les Flamands. Par contre, elle serait défavorable aux Wallons puisque là où la Flandre serait un pays, Bxl et la Wallonie ne seraient que 2 régions.

Et la Belgïe ? Une coquille quasi vide qu’on garderait si sa suppression est trop compliquée. Ce qui rassurerait les belgicains et qui permettrait aussi à la Flandre de garder la main sur Bxl et la Wallonie.

On le voit, la Flandre peut jouer sur plusieurs tableaux : la Belgïe qu’elle domine, une Flandre indépendante et l’union avec la Hollande.

Et la Wallonie ? Engluée dans le brol communauté bruxello-française, elle se laisse étouffer par l’intelligentsia bruseleer et ses médias (RTBrux, Le Soir, La Libre…) qui font tout pour l’enchaîner à BXL, à sa communauté française, à ses dettes avec ses CPAS débordés qui poussent leurs allocataires sociaux à déménager vers la Wallonie, et son Vivaqua Bxl qui pompent sans restriction les eaux de source wallonnes au point de provoquer des pénuries dans les communes avoisinantes.

Un tout Bruxelles qui, à l’aide de ses médias (pourtant financés par la Wallonie), efface l’identité wallonne. Nous ne sommes plus des « Wallons », mais des « francophones indéfinis » du « sud de Bxl ». Alors que dans le même temps, les Bruxellois affirment et renforcent leur identité bien bruxelloise. Et la Wallonie rebaptisée « sud de Bxl » devient ainsi une extension de Bxl. Tandis que Bxl s’affirme comme « Bxl c’est la Belgique et la Belgique c’est Bxl ». Un Bxl qui s’impose partout dans nos médias. Avec l’ULB dont la RTBrux fait la promotion, aux dépens des universités wallonnes qui restent anonymes. Avec l’aéroport flamand de Zaventem, mensongèrement présenté comme aéroport national bruxellois qu’il est bon de promouvoir, etc.

Et quand, parfois, un politique wallon ose affirmer son régionalisme wallon, il est de suite vilipendé par nos médias bruseleer comme « traitre » à l’union avec Bxl. Car pour l’intelligentsia bruxelloise, la Wallonie doit rester scotchée à Bxl et donc à la Belgïe. Ainsi Bxl reste le centre, la CAPITALE de la Belgique et de l’Europe. Et surtout ainsi la Wallonie reste solidaire du financement des institutions bruxelloises, de l’enseignement (un gouffre !), de la culture, des médias (dont la trop bruxelloise RTBrux), etc.

Et vu que la Flandre avance dans l’union avec les Pays-Bas, Bxl prend le pli et suit, sans faire de vagues. Et dans son sillage, Bxl entraîne la Wallonie afin de garder à Bxl son statut de CAPITALE d’une certaine Belgique et de garder la Wallonie sous sa coupe, de celle de la Flandre et progressivement de celle des Pays-Bas. D’autant que la Wallonie, avec ses espaces libres, ses ressources forestières, ses eaux de source, intéresse grandement les Pays-Bas et la Flandre.

Le Boerenbond, le Voka, Unizo ont déjà commencé à « coloniser » des espaces wallons. Ex. : les villages néerlandais, réservés uniquement aux Flamands et Hollandais, aux Barrages de l’Eau d’Heure. Ou encore, certains domaines et zones touristiques des Ardennes wallonnes rebaptisées Ardennen. Ex. : le parc d’attraction et son village à Barvaux, avec du personnel flamand. Il en va aussi de zonings industriels, où s’implantent des industries flamandes, avec en prime des subsides wallons, bien que le personnel soit majoritairement flamand. Idem pour le Boerenbond, qui étend ses exploitations agricoles en Wallonie.

Il est clair que la Wallonie ne peut plus laisser les Bruseleers décider de son avenir et de sa stratégie. Plus encore, laisser les Brusellers et leurs médias détruire notre identité et notre image.

On ne peut plus non plus laisser notre enseignement aux mains de Bxl. On n’a plus non plus les moyens de financer les dettes abyssales de Bxl. Dans cet ensemble confédéral progressivement néerlandais, la Wallonie doit renforcer son image et son identité, notamment en renforçant ses médias (en ne finançant plus ceux de Bxl).

Une identité plus forte engendrera un régionalisme plus fort qui permettra aux Wallons de mieux défendre leurs intérêts et aussi d’exister par rapport aux pays voisins, sans plus passer par la Belgïe dominée par la Flandre ou par la communauté dite « française » dominée par Bxl.

Par ex : On pourrait se passer du véto flamand qui bloque les chemins de fer luxembourgeois qui veulent desservir la Wallonie.

Ou encore se passer du travail de sape de la RTBRux envers les liaisons ferroviaires directes entre la Wallonie et la France, qui Oh hérésie, ne passent pas par BXL le centre de tout.

Enfin, la Wallonie pourrait refuser de se laisser entraîner vers l’union néerlandaise, n’en déplaise aux Bruseleer belgicains.

Car, ne soyons pas dupes, la Belgique d’aujourd’hui n’est déjà plus celle d’hier. Dès la naissance, Wallons, Flamands, Bruxellois francophones n’ont pas la même langue, pas la même culture, pas les mêmes allocations familiales. Ensuite, ils n’ont pas les mêmes enseignements (qualités et niveaux différents), ils ne payent pas les mêmes taxes, n’ont pas le même niveau de vie, n’ont pas les mêmes salaires (même à job égal dans la même entreprise), n’ont pas les mêmes carrières (la majorité des entreprises sont dirigées par des cadres du VOKA). Et enfin, ils n’auront bientôt plus les mêmes pensions, quoi que c’est déjà la cas, vu que les Flamands bénéficient de salaires supérieurs, surtout en fin de carrières.

Alors c’est quoi cette Belgique que nous louent les Belgicains ?

Tout comme à quoi sert le brol wallo-brux, si ce n’est à enfoncer d’avantage la Wallonie !

On le voit, l’avenir de la Wallonie est en danger.

Les Wallons doivent se réveiller. A l’instar des Flamands, les Wallons doivent construire leurs organismes régionaux dans le genre des Voka, Boerenbond, Inizo, In de Warande, NVV, OVV, KBC.

Et de même que la Flandre se rapproche des Pays-Bas, la Wallonie doit se rapprocher de la France, n’en déplaise aux Bruseleers, dont il est urgent de se libérer de leur influence.

B Plus ou le refus de voir la réalité

Par Jules Gheude

C’est avec grand intérêt que j’ai pris connaissance de la carte blanche de Frédéric Amez, Vice-président de B Plus, publiée sur « Le Vif », ce 27 juillet (https://www.levif.be/actualite/belgique/fin-imminente-de-la-belgique-le-reve-et-la-realite-carte-blanche/article-opinion-1314123.html)

Selon M. Awez, la crise que traverse actuellement la Belgique n’a rien d’inédit et il est excessif d’en tirer argument pour convaincre l’opinion publique wallonne qu’il ne sert à rien de compter sur l’avenir de la Belgique.

Je ne souhaite pas refaire ici l’historique du Royaume de Belgique. Je rappellerai tout simplement qu’il naquit en 1830 de la volonté des grandes puissances européennes de l’époque, l’Angleterre notamment, pour faire barrage à la France. Les populations concernées n’eurent pas voix au chapitre. Le Congrès national belge fut le fruit d’un vote d’à peine 2% de la population. Quant au choix du souverain, il nous fut imposé par Londres.

Dès les premières années d’existence du pays, un Mouvement populaire flamand vit le jour, afin de s’insurger contre le sort fait à la langue et à la culture flamandes. De nature romantico-littéraire à ses débuts, il ne tarda pas à acquérir une dimension sociale et politique.

Au terme d’un combat de nombreuses décennies, les premières lois linguistiques furent acquises et la Flandre finit par obtenir ses lettres de noblesse sur l’échiquier politique belge.

Tout cela laissa des traces durables, comme on put le constater lors des deux conflits mondiaux du 20e siècle. Il en résulta, en tout cas, au Nord du pays, un sentiment collectif et puissant d’appartenance, transcendant les clivages politiques, et qui finira par déboucher sur le concept de Nation.

Sous sa forme unitaire, le Royaume de Belgique ne parvint pas à souder les Communautés belges de façon harmonieuse. La question royale et la guerre scolaire virent s’entre-déchirer le Nord et le Sud.  La fixation de la frontière linguistique, en 1962, afficha clairement la dualité du pays. Quant au « Walen buiten » de Louvain, en 1968, il entraîna la scission du parti social-chrétien en deux ailes linguistiques (les libéraux et les socialistes suivront le mouvement, respectivement en 1972 et 1979).

Après de longues années de palabres, la Constitution belge finit par intégrer une Belgique fédérale, composée des Régions et des Communautés.

Mais dès cette époque, le ministre-président flamand Luc Van den Brande lança l’idée d’un confédéralisme à deux Etats, Flandre et Wallonie, avec cogestion de Bruxelles. Cela fut repris dans les cinq résolutions votées par le Parlement flamand en 1999. Cela est aujourd’hui au cœur du débat politique.

Echec de la Belgique fédérale, après celui de la Belgique unitaire…

C’est ce que M. Amez résume par cette phrase : Force est de constater que, de crise en crise, la Belgique malmenée, réformée, rafistolée d’une manière pas toujours très heureuse, est toujours là.

Certes, elle est toujours là. Mais, depuis décembre 2018, elle ne parvient pas à se trouver un gouvernement de plein exercice pour la gérer.

Contrairement à ce que pense M. Amez, la crise actuelle n’est pas politique. Elle est bien existentielle, dans la mesure où l’existence d’une Nation flamande s’avère inconciliable avec le maintien du royaume.

M. Amez se plaît à rappeler que seule une minorité de Flamands souhaitent la scission de la Belgique. Il cite le chiffre de 16%. Il doit cependant savoir que les électeurs sont censés voter en connaissance de cause. Selon les derniers sondages, plus de 47%  se prononcent en faveur de la N-VA et du Vlaams Belang, formations ouvertement indépendantistes. Le jour où leurs élus constitueront la majorité absolue au sein du Parlement flamand, ils auront toute légitimité démocratique pour proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre. Il sera alors trop tard, pour certains électeurs, de s’indigner en disant : « Ce n’est pas pour ce que nous voulions ! ».

M. Amez dénie au Parlement flamand cette légitimité démocratique et cite le cas de la Catalogne. Mais les deux situations ne sont en rien comparables.

La Catalogne ne représente que 1/15e du territoire espagnol. En partant, elle ne met pas fin à l’Espagne ni au pouvoir en place à Madrid, qui peut évidemment s’opposer à sa reconnaissance.

Si la Flandre largue les amarres, c’est la déstabilisation complète de la Belgique et… l’absence de tout pouvoir à Bruxelles pour réagir. L’Union européenne ne pourrait qu’acter la chose.

M. Amez souligne qu’une telle décision serait si manifestement inconstitutionnelle que l’assemblée se mettrait irrévocablement hors-la-loi, préférant la révolution à l’Etat de droit. Mais qu’est-ce qu’un Etat qui ne parvient plus à constituer un gouvernement, si ce n’est un Etat qui n’existe plus ?

Je remercie M. Amez de citer François Perin. Avec la lucidité et la clairvoyance qui le caractérisaient, celui-ci avait annoncé, dès 1981, l’évolution actuelle : A un moment donné, le malheureux chef de l’Etat se mettra à courir après un gouvernement introuvable. La Belgique peut disparaître par implosion. Qu’est-ce qui empêcherait les Flamands de proclamer unilatéralement leur indépendance et d’affirmer leur nation ? Ils ont créé tous les instruments de leur future légitimité.

Ne sommes-nous pas arrivés à stade ?

Lors de la crise de 2010-2011, la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française avait jugé la situation belge suffisamment inquiétante pour dépêcher deux de ses membres à Bruxelles. Dans leur rapport, ceux-ci constatèrent que la division de la Belgique en deux groupes linguistiques de plus en plus cohérents et dissemblables rendait son existence de moins en moins probable.

B Plus n’est-elle pas dans le rêve en  plaidant pour une Belgique rénovée, fédérale et solidaire. Pour M. Amez, cela peut passer notamment par une refédéralisation de certaines compétences, notamment en matière de soins de santé. Mais les ténors du CD&V et de la N-VA ont déjà clairement fait savoir qu’il ne pouvait être question de remettre le dentifrice dans le tube. On connaît la formule : ce que la Flandre fait elle-même, elle le fait mieux.

Quant à une réforme qui consisterait à bâtir la Belgique sur quatre régions, elle s’avère chimérique quand on connaît l’aversion que la Flandre a toujours eue pour Bruxelles, région à part entière.

Je n’ai jamais tenu de discours hostile à l’égard de la Flandre. Au contraire, je me suis toujours efforcé de comprendre sa sensibilité profonde. Voilà plus de quarante ans que je lis quotidiennement la presse flamande et je suis régulièrement invité à donner des conférences (je le fais en néerlandais !) au Nord du pays. J’y suis toujours accueilli avec cordialité et respect. 

En ce qui concerne le sujet réunioniste, il ne s’agit nullement d’une obsession dans mon chef. Mon souci est de réfléchir au meilleur scénario post-belge pour la Wallonie, le jour où nous serons confrontés à l’inéluctable.

Au terme d’études approfondies, qui ont été publiées et que l’on peut consulter sur la toile, seule l’option d’une intégration de la Wallonie à la France, avec un statut particulier, paraît de nature à garantir un avenir pérenne à la population wallonne.

M. Amez brocarde ce scénario. La Wallonie n’a aucun lien historique avec la République française, affirme-t-il. Et de parler de l’une ou l’autre spéculation sur la possibilité pour le droit constitutionnel français d’accueillir la Wallonie au sein de la République française tout en lui accordant une autonomie relative.

Je laisserai à l’historien namurois Félix Rousseau le soin de répondre au premier point : Dès le XIIIe siècle, c’est le français qui est adopté partout comme langue littéraire. Voilà le fait capital de l’histoire intellectuelle de la Wallonie. Sans aucune contrainte, de leur pleine volonté, les Wallons sont entrés dans l’orbite de Paris et, depuis sept siècles, avec une fidélité qui ne s’est jamais démentie, n’ont cessé de participer à la culture française.

Notons au passage que M. Amez plaide pour un investissement dans l’apprentissage du néerlandais afin d’apprendre aux jeunes Wallons à connaître et apprécier comme il se doit leurs compatriotes du Nord. Apprendre le néerlandais, donc, pour « rester » avec la Flandre. Mais le fait que le français soit notre mode d’expression et de pensée depuis le XIIIe siècle ne nous « lie » en rien à la France…

Pour ce qui est du scénario « intégration-autonomie », je tiens à fournir à M. Amez les éléments suivants.

Ce scénario fut présenté par Jacques Lenain, haut fonctionnaire français aujourd’hui retraité, lors des Etats généraux de Wallonie qui se sont tenus à Liège, le 9 mai 2009.

Pour l’intéressé, il s’agit de concilier une intégration étatique à la France avec une forte autonomie au sein de celle-ci, tout en garantissant, par l’exercice de la solidarité financière nationale, l’équivalence des services publics et des systèmes sociaux. Entité régionale maintenue, la Wallonie conserverait ainsi ses organes d’auto-administration actuels. Ses compétences seraient maintenues et même élargies à celles exercées actuellement par la Communauté française, qui aurait de facto cessé d’exister. Quant au droit ex-fédéral belge, conservé, sauf exceptions, il se trouverait placé sous la responsabilité du législateur français.

Certes, il faudrait bien rendre des comptes à l’État central français, qui s’arroge en particulier le pilotage et le contrôle des dépenses sociales et qui veille à un traitement équitable des populations tant en matière de prestations reçues que d’impôts et cotisations prélevés. On peut donc présager que l’État français poserait comme préalable à l’effort pérenne de solidarité nationale l’engagement des responsables wallons sur des réformes susceptibles d’aboutir à une diminution progressive ou, à tout le moins, à une stabilisation des concours financiers en cause. Pour autant, cette exigence légitime de rigueur, qui devrait satisfaire les Wallons qui attendent plus d’efficacité de la part de leurs institutions, ne remettrait jamais en cause l’existence même des services publics et des prises en charge sociales en Wallonie, ainsi que leur équivalence avec les services et prestations assurés sur le reste du territoire français. Loin de perdre leurs acquis, représentatifs de ce qu’ils sont et résultat de leur histoire et de leurs luttes, les Wallons pourraient donc les conserver et mieux les faire fructifier au sein de l’État français.

Comment, pratiquement, les choses pourraient-elles se concrétiser ?

Lorsqu’il sera devenu pour tout le monde évident que les carottes belges sont cuites, les autorités wallonnes – après avoir écarté les options jugées irréalistes et financièrement non viables – négocieront avec Paris un cadre d’intégration, basé sur une grande autonomie. Une fois que les parties concernées se seront mises d’accord sur un projet, celui-ci sera soumis à un référendum, tant en France qu’en Wallonie. Rien ne sera donc imposé.

Une fois que les populations auront accepté cette « intégration-autonomie », c’est à la France qu’il reviendra de négocier avec la Flandre les modalités pratiques de la partition.

Aujourd’hui, la Wallonie coûte chaque année quelque 7 milliards d’euros à la Flandre. Mais le maintien du cadre belge est aussi fondé sur l’extinction progressive de ces transferts, alors que le cadre français garantira toujours aux Wallons le maintien, à parité égale, des services publics et des prestations sociales avec ceux de la République.

Certes, explique Jacques Lenain, il y aura un impact financier, mais pas de quoi inquiéter Bercy : cela coûtera moins cher que la suppression de la taxe d’habitation.

Pour ce qui est de la reprise de la part wallonne de la dette belge, Jules Gazon, professeur émérite d’Economie à l’Université de Liège, précise : Le PIB de la France « augmentée » de la Wallonie serait égal à 24 fois le PIB wallon. L’amplitude des effets en termes de déficit public et de dette publique par rapport au PIB serait divisée par 24. Elle serait marginale.

Jacques Lenain a soumis son projet au constitutionnaliste français Didier Maus, qui en a confirmé la faisabilité (http://www.belgique-francaise.fr/notes-complementaires/wallonie-francaise—cadre-constitutionnel—entretien-avec-didier-maus-constitutionnaliste-francais) : Il serait parfaitement possible de créer un titre spécial “De la Wallonie” qui contiendrait une mini-Constitution sur mesure pour cette région. Il en découle que, sur le fondement de cette mini-Constitution, il serait parfaitement réalisable de conserver en l’état, au moins pour l’essentiel, et pour une durée à déterminer le droit belge du travail, celui de la sécurité sociale, et certains droits « connexes », des pans du droit fiscal, le droit des affaires, du commerce, etc. La région wallonne, et aussi la région bruxelloise si la question était posée, conserveraient les compétences qui sont aujourd’hui les leurs, y compris le système éducatif, avec l’enseignement supérieur. Ce ne serait pas une difficulté de faire de la sorte puisqu’il en est déjà ainsi, même si c’est avec moins d’ampleur, dans certains territoires français, qui, selon les cas, disposent d’une sécurité sociale propre (Polynésie, Calédonie…), d’un droit du travail propre (même s’il est largement copié sur celui de la métropole), de nombre de dispositifs fiscaux particuliers, et d’autres régimes spéciaux dans divers domaines (en Corse comme en Outre- mer).

M. Amez parle encore de la scission présentée comme subie. Que fait un couple quand il ne parvient plus à s’entendre ? Il se sépare. Soit d’un commun accord, comme la Tchéquie et la Slovaquie l’ont fait, soit de la volonté d’un seul conjoint. Si le blocage belge persiste, soit le partenaire flamand, après l’avoir constaté, en tire seul les conséquences et décide de suivre son propre destin, soit les Flamands et francophones se mettent ensemble autour de la table pour acter la séparation et en discuter sereinement les modalités pratiques.

Dans la préface à mon livre « L’incurable mal belge sous le scalpel de François Perin » (Editions Mols, 2007), feu Xavier Mabille, président du CRISP, a toutefois tenu à rappeler ce principe essentiel : La Flandre – ou du moins une majorité parmi les personnes et les institutions qui en assurent l’expression politique – pourrait décider de son autodétermination. Elle ne déciderait pas pour autant du même coup du destin de la Wallonie ni de celui de Bruxelles.