Un de nos membres français attire notre attention sur un livre bien intéressant de la journaliste canadienne Diane Francis. C’est un ouvrage de référence pour les » réunionistes canadiens », mais je dirai que ce livre est également très utile dans le débat sur l’avenir du Canada et particulièrement de nos amis québécois. La relation avec le débat indispensable du réunionisme wallon dans le projet d’intégration-autonomie de la Wallonie dans la République française est évident.
Notre ami français nous écrit ce qui suit :
« Chose peu connue en Europe : le courant canadien dit « annexionniste », partisan d’un rapprochement avec les États-Unis, est pour ainsi dire aussi ancien que le pays lui-même.
En 2013, une étape a été toutefois franchie, avec la publication de : Merger of the Century : Why Canada and America should become one Country, de Diane FRANCIS, journaliste canadienne née à Chicago en 1946, de tendance conservatrice modérée (éditions HarperCollins Publishers Ltd).
Dans ce livre, l’auteure rappelle brièvement les profondes similitudes entre les deux pays, qui partagent la même civilisation nord-américaine, au-delà des histoires politiques et étatiques particulières. Les échanges commerciaux, culturels, artistiques, ou tout simplement humains (migrations quotidiennes ou définitives) sont d’ores-et-déjà considérables. Mais elle actualise les arguments en faveur de l’union.
L’objectif affiché est très « américain » : il s’agit de conserver ou de retrouver une place prépondérante dans le monde, si possible la première, pour la technologie, l’énergie, l’agriculture (et l’agro-business), l’industrie (notamment automobile), ou encore la monnaie.
Cette intention se veut une réponse à un contexte international où se mêlent considérations économiques et géo-stratégiques. Certains gouvernements sont clairement désignés : la Chine, la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite ou le Qatar mènent des politiques visant à contrôler des ressources ou des activités en fonction de leurs intérêts propres. Achats massifs de terres agricoles à travers le monde (exemple de Madagascar), participations directes ou indirectes via des fonds d’investissements dans des secteurs stratégiques (mines, énergie) : l’Amérique du Nord est l’une des cibles de cette « offensive » relevant du « soft power » (action stratégique par des moyens non-armés). Le Canada est vulnérable en Arctique, où les Russes cherchent à élargir leur influence. Souvent, l’Amérique du Nord fait preuve de naïveté, et a du mal à répondre à ce « capitalisme d’Etat » offensif, dont D.FRANCIS constate l’efficacité.
La fusion est donc un moyen de faire poids et d’imposer des règles de bonne conduite équitables à l’échelle de la planète, ce que les instances internationales sont aujourd’hui incapables de faire.
Mais devenir une seule nation présenterait également des avantages domestiques. Tout au long de la frontière, d’est en ouest, les contrôles douaniers, délais d’attente, files interminables, problèmes d’infrastructures etc… engendrent des surcoûts importants. La gestion de certains points de passage est désastreuse, comme entre Detroit (E.-U.) et Windsor (CAN). Le tourisme souffre aussi de la situation. Le « 11 septembre » n’a rien arrangé, en entraînant une « militarisation » relative de la zone frontalière états-unienne.
Pourtant, des dossiers tels que le terrorisme, l’immigration ou les drogues auraient intérêt à être gérés de façon davantage coordonnée. Plus généralement, les différences dans les politiques menées entravent souvent les relations bilatérales, même si des convergences législatives ont été observées (sécurité, usage du cannabis…). Au final, selon D.FRANCIS : « la seule solution est d’effacer complètement la frontière ».
Elle se penche sur les modalités concrètes de la fusion, en présentant pas moins de cinq options, avec des degrés d’intégration plus ou moins poussés, sans se focaliser sur un seul choix. Elle raisonne par analogie avec les fusions du monde de l’entreprise, et n’hésite pas à aborder les aspects financiers.
L’environnement juridique et constitutionnel n’est pas un obstacle insurmontable, dans la mesure où les institutions sont des deux côtés fédérales. Cependant D.FRANCIS évoque, pour le Québec, un statut de « Commonwealth » semblable à celui de Porto Rico, capable notamment de préserver l’usage de la langue française. Point de vue respectable, mais qu’un francophone n’est pas obligé de partager…
Il est tout à fait possible d’appliquer au Canada les catégories politiques états-uniennes (Démocrates et Républicains), sauf que les idées démocrates y ont un net avantage : il faut donc insister sur les effets stratégiques, économiques et territoriaux pour séduire le camp républicain « US ».
Diane FRANCIS fait preuve de lucidité et d’honnêteté intellectuelle, en soulignant les défauts de ses deux patries, et en ayant le souci de prendre le meilleur des deux systèmes. Elle dénonce ainsi le coût et l’injustice du système de santé états-unien (la réforme Obama mettra des années à porter tous ses fruits), le poids excessif de l’appareil militaro-industriel, et critique la tendance de ses voisins à se voir comme une « nation élue ».
En conclusion, voici donc un essai de bonne facture, très « américain » dans la forme : style simple et direct, nombreuses données chiffrées et factuelles. Les quelques réserves légitimes s’agissant de l’avenir du Québec ne doivent pas empêcher un échange d’idées et d’expériences entre ce réunionisme là et le nôtre.
la Wallonie est trop petite pour jouer un rôle mais en France existe-t-il encore une « Lafayette » près à se dévouer à cette cause. Au lieu de jouer la carpette, le France pourrait tenir un rôle de « lobbyiste » dans un esprit d’échange: « je t’aide et tu m’aideras ».
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Navré pour les fautes de frappe; il faut lire : un « Lafayette » prêt à se dévouer. Il faut aussi lire : la France pourrait tenir…
Profondes excuses.
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Merci à Valmy pour les corrections des erreurs de frappe.
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