Dépassons l’impasse belge

Par Pierre Hazette

Publié sur le site du Vif/L’Express le 4 février 2020

L’ancien ministre MR Pierre Hazette constate l’échec de l’Etat belge. Il faut « abattre le mur » au bout de l’impasse. Et le sud du pays doit prendre son destin en mains.

Naguère engagé dans l’action politique, je répétais à chaque scrutin que la campagne électorale, c’était la fête de la démocratie.

Désenchanté, je ne tiendrais plus le même langage aujourd’hui.

Les élections de mai 2019 constatèrent une poussée considérable de l’extrême droite en Flandre et de l’extrême gauche, héritière du communisme, en Wallonie.

Huit mois après le vote, les leaders des partis, qui récusent toute possibilité de gouverner avec les extrêmes de droite et de gauche, sont enlisés dans un jeu d’exclusives réciproques que se signifient à intervalles réguliers socialistes francophones et nationalistes flamands.

Ne serait-il pas temps de conclure qu’au bout de l’impasse, il faut démolir le mur ?

La Belgique a évolué depuis les golden sixties d’un état unitaire vers la reconnaissance des communautés linguistiques et culturelles distinctes, puis vers la création des Régions et, de réforme en réforme, vers le transfert progressif de compétences importantes de l’Etat central, qui s’appelle désormais fédéral, vers les Régions et Communautés.

En 1999, une large majorité s’exprima au parlement flamand en faveur du confédéralisme.

Le Petit Robert définit ce mode de gouvernement : « union de plusieurs Etats qui s’associent tout en conservant leur souveraineté ». Depuis ce vote, il est clair que la Flandre voit son avenir comme Etat souverain. Les nationalistes ne cachent pas que ce confédéralisme est une étape vers l’indépendance. C’est aussi le projet de l’extrême droite et l’alliance de ces deux partis est aujourd’hui proche de la majorité absolue au nord du pays.

Observons encore que la crise ouverte après le scrutin de mai 2019 n’affecte que l’Etat central.

Quelle conclusion tirer, sinon que l’Etat belge en tant qu’entité représentative de l’ensemble des citoyens est incapable, faute d’un consensus interne, d’assumer cette mission, essentielle à la promotion de l’intérêt général ?

Le divorce est profond, car en face de la majorité favorable au confédéralisme, constatée il y a vingt ans au Parlement flamand, on ne trouve, ni à Bruxelles, ni en Wallonie de revendication allant dans ce sens. C’est que l’économie wallonne ne s’est pas remise de la révolution industrielle qui a fermé les charbonnages, les usines sidérurgiques, les verreries et les manufactures lainières. La Flandre a prospéré après avoir été à la traîne pendant cent trente ans. La Wallonie a, à son tour aujourd’hui, besoin d’une solidarité que la nation flamande, en voie de parachèvement, ne lui accordera plus.

Pour les francophones, le problème majeur réside autant dans le refus du confédéralisme que dans l’impossibilité d’assurer les charges de l’indépendance.

Et pourtant, abattre le mur au fond de l’impasse, c’est dire bien haut que les entreprises wallonnes de haute technologie brillent, notamment, dans le domaine de l’aéronautique et de l’armement, que l’industrie alimentaire soutenue par une eau d’une qualité exceptionnelle peut affronter toutes les concurrences que l’on aille de l’eau de Spa ou de Villé au whisky de Fexhe, en passant par les bières aussi diverses que savoureuses ou par les vins blancs, rouges ou champagnisés, que les poutres en lamellé-collé d’Etalle ont été les premiers étais de sécurisation de Notre-Dame de Paris, que les panneaux photovoltaïques ou les éoliennes ou encore l’exploitation de la biomasse mettent la Wallonie sur la voie de la transition énergétique, que dans le secteur des biotechnologies, nos universités ont ouvert la voie à des entreprises de hautes performances, confirmant la vocation de nos chercheurs et de nos entrepreneurs dans la production de médicaments.

L’optimisme n’est pas béat : il repose sur les relations fortes établies par nos Instituts d’enseignement supérieur, nos Universités, nos Facultés, d’une part, et d’autre part, nos centres hospitaliers, garants de la qualité et de la proximité des soins dispensés. La Wallonie s’est aussi inscrite dans une stratégie réussie du transport multimodal : les aéroports de Charleroi et de Liège sont connectés aux voies ferrées et autoroutes et même, pour ce qui concerne Liège, la voie d’eau fait de son port fluvial un grand d’Europe. On ajoutera, en ces moments d’inquiétude climatique, que les réserves d’eau de la Wallonie pourraient devenir richesses si les prévisions de réchauffement climatique se confirment. Le tourisme wallon se présente lui aussi sous des auspices favorables : les massifs forestiers, les vastes prairies, la fraicheur des cours d’eau sont autant d’invitations à la promenade qu’agrémenteront, par ailleurs, des découvertes archéologiques, artistiques ou gastronomiques.

Et cela étant dit et tant de choses oubliées, la Wallonie ne peut négliger ses atouts. Elle ne peut s’accommoder du pourrissement de l’Etat.

La Wallonie fait partie intégrante d’un vaste espace linguistique et culturel. C’est probablement lorsqu’elle s’en souviendra qu’elle abattra le mur du fond, tout au bout de l’impasse.

Le raisonnement est différent pour Bruxelles. La ville et les communes qui lui sont intégrées dans la structure régionale ont acquis une dimension européenne et internationale. L’union européenne et l’OTAN y ont leur siège. La diversité culturelle y est florissante. Le destin de Bruxelles n’est pas lié à celui de la Wallonie, plutôt rurale, d’où n’émerge aucune ville de plus de 300 000 habitants. Il n’est pas davantage dans le statut de capitale d’un résidu de Belgique qu’ambitionne d’être la Flandre indépendante. Washington D.C. ne serait-il pas un modèle qui pourrait séduire l’Europe ?

Quant à la Communauté germanophone, elle est entourée d’amis qui lui ouvrent les bras : la Wallonie, d’abord, puis le Grand -Duché de Luxembourg ou le Land de Rhénanie-Westphalie.

Reconnaissons-le : notre pays piétine dans ses rancoeurs, dans des échanges venimeux de reproches, dans l’impossibilité de mettre en chantier de grands projets d’avenir. La dernière œuvre commune aux deux communautés fut l’Exposition Universelle de 1958.

Sur le plateau de cette manifestation d’union nationale, la Belgique est aujourd’hui incapable de se doter d’un stade digne de nos footballers.

Ouvrons les yeux : les déficits qui se profilent dans la gestion de l’Etat central comme dans la conduite des entités fédérées nous contraignent à la lucidité.

Ils nous poussent aussi vers le précipice.

11 réflexions sur « Dépassons l’impasse belge »

  1. Comment ne pas être totalement d’accord avec ce texte!
    Bien que j’utiliserais le terme « cul-de-sac » plutôt qu’impasse! C’est plus fort pour exprimer ce qu’est devenu ce pays, enfin cette « entité » qu’on appelle Belgique (ce n’est plus un pays depuis bien longtemps)! Ou en tout cas, ingérable et qui ne sert plus à rien!

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  2. L’article ne manque pas de bons exemples,de résumés corrects de situations passées et actuelles.Mais je n’ai pas réussi à comprendre ce que veut dire: La Wallonie devra comprendre qu’au bout de l’impasse,elle devra abattre le mur du fond….

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  3. Bonsoir, Pas d’inquiétude, en France c’est pire. J’aime dans vos propos, la mise en avant des réalisations effectuées en Wallonie et qui sont importantes. Il y a de quoi innover. 😊

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  4. Entièrement du même avis, il faut avoir le courage de le dire, mais ce qui me gêne aujourd’hui en France (bien que rattachiste) c’est le président actuel qui maintient la plupart des Françaises et et Français par un pouvoir violent et souvent dénué de raison…

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    1. On ne peut juger du bien-fondé d’un choix sur base d’événements de la brûlante actualité.Où en sera la France dans quelques années?

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  5. oui je vient de lire la lettre je ne conprent toujour pas les politicien wallons qui insiste de faire ce gouvernement qui ne fera que de ralentir re la séparation pour quel resont car il y a une moi je pence aux portefeuille et a évitée de perdre leur place car comme touts le sais une séparation ces comme si on ferme une usine et que elle est reprise par un autre pays ici je pence de tout mon ceaur que pour la Wallonie se sera la France forcement étant donner que il y a plus de ministre sénateur et aussi parlement pour un petit pays sa risque de faire mal et oui ces comme une usine qui a 500 personne qui arête et est reprise par une autre personne il y a toujour des personne en trop je sais pas peux etre de 500 il seront encore a 350 voir 400 reste 100 personne a dire aurevoir je pence bien que ici en Belgique ces sa que veule garder le plus lontent le place quitte de crouler sous les dettes eux il maite de cotée peux mal mai les citoyens eux quoi il payes oui pas le chois a mois que avent la catastrophe il y a une ou des personnes raisonnable qui feront ce qui faux faire pour ne pas arriver a ce moment crucial et mortelle pour la populations .
    van de moortele albert

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  6. L’édito, du 15/02/2020, de Monsieur Van de Woestyne (traduction: du désert), dans la Libre Belgique trouve mieux sa place sous ce titre que dans  » Vogue la galère ».

    UN PEU DE HAUTEUR

    L’auteur en avant dernier paragraphe pose la question:

     » Mais alors où est le problème ?  »

     » Dans l’impossibilité qu’ont les hommes et femmes politiques de s’entendre, de se comprendre, par-delà cette frontière linguistique, que certains voudraient voir comme un mur. Oui, il y a des différences. Mais ne sont-elles pas aussi une vraie richesse ?  »

    NDLR: Laissons de côté le poncif multiculturel actuel de la richesse des différences.

    Au quotidien, pour la masse des populations, la « richesse » des différences relève souvent d’une charge qui entraîne en réaction le rejet des « différents ».

    Par contre, oui il y a toujours de la richesse pour une minorité d’individus, des passeurs de messages, qui choisissent la curiosité, comme chez des artistes, des intellectuels de haut vol, des navigateurs, des importateurs, etc. qui vont au contact d’autres populations ou de continents par intérêt ( nb: sans connotation péjorative) ou par obligation professionnelle.

    Comprenez, chez nous depuis les siècles (depuis le 14e en fait) que divers princes et monarques coincent les Wallons et les Flamands dans des frontières politiques étriquées, ces derniers devraient avoir disparu dans un  » métissage hochepot riche des fameuses différences ». Or, ce n’est-pas le cas.

    Affirmer ainsi que la frontière linguistique se voit comme un mur relève de l’affirmation spécieuse.
    Personne n’a construit ce « limes » humain millénaire.
    Cette frontière est NATURELLE comme s’édifient les limites de territoires entre mammifères depuis que la vie existe sur la planète.
    Et, le fait politique d’acter cette frontière humaine dans une charte, dans une constitution, ne signifie en rien un geste nationaliste mais représente tout simplement un acte notarial authentifiant une limite de propriété; sans plus !

    Quant  » à l’impossibilité qu’ont les hommes et femmes politiques de s’entendre, de se comprendre, par-delà cette frontière linguistique » ne doit pas s’entendre comme de la mauvaise volonté, du refus, ou, qui sait, de la haine de leur part MAIS parce qu’ils agissent, enfin, en dignes représentants de leurs peuples dont les intérêts économiques profonds divergent pour toutes sortes de raisons.

    Sire, il n’y a pas de Belges ! Cette affirmation devrait enfin percoler dans l’esprit des romantiques, aveuglés par une propagande officielle éculée depuis 1830, qui tiennent lieu de boulets aux pieds de leurs concitoyens respectifs désireux du droit à l’autodétermination.

    Comme le prédisait feu Monsieur François Perin, même former un gouvernement fédéral paralytique sera un échec. Les votes différenciés entre Flandre et Wallonie prouvent bien l’existence de deux démocraties, de deux mondes culturellement différents.
    Le diktat du bilinguisme généralisé, même réussi, ne changerait rien. L’Europe de l’Est fut formatée à la langue russe de 1945 à 1991, que reste – t – il de l’ empire soviétique ?
    Pour la Belgique la même chose. Le rêve passe !

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