Vive le confédéralisme ?

Un article publié ce 2 décembre sur le site du Vif/L’Express :

La Belgique survivra-t-elle jusqu’en l’an 2030 ?

Par Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Francophones et Flamands ne s’aiment plus. Au mieux, ils s’ignorent. La Belgique va devenir une coquille (presque) vide. Et c’est tant mieux.

Le casse-tête belge se résume en deux phrases. La Wallonie est l’une des régions les plus à gauche d’Europe. La Flandre, l’une des régions les plus à droite. Ce grand écart pourrait encore s’accentuer en cas de scrutin anticipé.

Derrière la vitrine belge : le brol !

Bart De Wever a raison : il y a deux démocraties en Belgique. Les rêves de la majorité des Flamands ne sont pas les mêmes que ceux de la majorité des Francophones. Il est urgent d’en tirer toutes les conséquences. Et d’en finir avec la fiction noir-jaune-rouge.

Dans un avenir prévisible, la Belgique ne va pas être scindée en deux Etats indépendants. L’exemple de la Catalogne a montré que l’Union européenne mettrait son veto. Pas question de donner des « mauvaises » idées à d’autres régions en quête d’autonomie. Il subsistera donc une vitrine belge. Mais derrière la vitrine, juste quelques brols.

Sortir de l’hypocrisie belge

Partons d’un principe simple : tout, absolument tout, peut être scindé. La Justice, la Police, l’Asile, la Politique migratoire, la SNCB, la Poste, les établissements culturels et scientifiques fédéraux, la Santé publique dans son entièreté, le nucléaire… Pas de tabou. Même la sécurité sociale ? Oui, même la sécurité sociale. A peine les gérants de la vitrine belge garderaient-ils les compétences de la Défense, des Affaires étrangères et certains aspects des Finances.

Tout est permis pour sortir de l’hypocrisie belge. – « l’Union fait la force », la belle blague ! La Belgique va s’évaporer. Le scénario indépendantiste – sans l’indépendance formelle – est incontournable. Les francophones doivent travailler consciencieusement avec les Flamands pour réussir ce scénario. Et cesser de les diaboliser. Nos voisins du Nord veulent voler de leurs propres ailes ? Pourquoi pas ? Ce n’est pas grave. Ce sont des choses qui arrivent dans l’histoire des peuples. De Wever n’est pas un monstre. La Flandre n’est pas quadrillée de casques à pointe prêts à envahir la Grand-Place de Bruxelles.

Indépendance soft et solidarité

Tout est possible pour clôturer le mauvais film belge. A une condition : aucun des conjoints du ménage tricolore en crise ne peut sortir perdant du processus d’indépendance soft qui s’annonce. Le point le plus sensible a évidemment trait à la sécurité sociale. En cas de scission sèche, la région la moins riche, la Wallonie, sera à la peine. Ce n’est évidemment pas tenable. Ni pour les Wallons, qui verront leur niveau de vie baisser. Ni d’ailleurs pour la Flandre, qui n’a aucun intérêt à appauvrir la région voisine, qui est son principal partenaire commercial. Des nouveaux mécanismes de solidarité seront à prévoir, comme il en existe déjà aujourd’hui dans la complexe machinerie institutionnelle belge.

La question des mécanismes de solidarité – sur une longue durée – est centrale. Aujourd’hui, bon nombre de francophones s’accrochent à la chimère d’un statu quo institutionnel parce qu’ils ont le sentiment que les flamingants veulent les détrousser comme dans un bois. En résumé, piller la caisse commune et mettre la Wallonie au régime sec. Beaucoup de francophones craignent des lendemains qui déchantent en cas de nouveau round institutionnel. Voilà pourquoi ils veulent le maintien de la Belgique sous sa forme actuelle. Pas par sentiment patriotique belge. Encore moins par amour des Flamands. Mais uniquement par peur d’une dégradation de leur niveau de vie dans l’après-Belgique.

Fétichisme des mots

Le temps est venu d’en finir avec le fétichisme des mots. La Belgique de demain sera-t-elle confédérale ? Il est inutile de se quereller sur la terminologie. Mieux vaut admettre pour principe que Flamands et francophones continueront demain à cohabiter dans un territoire inchangé, mais qu’ils y vivront de façon presque totalement indépendante.

Nos toujours compatriotes du Nord veulent encore moins de Belgique et encore plus de Flandre. C’est leur droit. Plutôt que de multiplier les vains discours anticonfédéralistes, les francophones doivent en prendre acte. Et reconnaître comme recevables- même si elles ne nous font pas plaisir – les aspirations flamandes. A court terme, la formation d’un gouvernement fédéral en sera facilitée. A moyen terme, la nouvelle majorité, au-delà de la gestion socio-économique courante, préparera le grand deal de la législature 2024-2029 : la scission de quasiment toutes les matières « belges », en échange de nouveaux mécanismes de solidarité, solides et irréversibles. Et de garanties renforcées pour les droits des francophones dans les communes flamandes de la périphérie bruxelloise.

Pour une Belgique a minima

La Belgique survivra-t-elle jusqu’en l’an 2030 ? Sous sa forme fédérale, la réponse est négative. Ce ne sera pas la fin du monde. Ce ne sera pas davantage la fin de notre modèle de compromis. Certes, la Belgique deviendra toujours davantage une coquille vide. Mais une Belgique a minima est préférable à la paralysie actuelle, où Flamands et francophones se regardent en chiens de faïence et sont incapables de former un gouvernement.

6 réflexions sur « Vive le confédéralisme ? »

  1. Non au confédéralisme qui mettra la Wallonie dans un cul de sac et fera d’elle une forme de colonie de Flandre. Oui à l’alliance de la Wallonie avec la France !!!

    Aimé par 2 personnes

  2. Le Rassemblement Wallonie France, du 3 décembre 2019, titre:  » Demelenne baisse son froc devant les flamingants » (Filed under Etat belge, Wallonie).
    Tout à fait d’accord.  » Je dirais même plus » ( Dupont et Dupond), Monsieur Demelenne ne sera pas le seul !

    J’aime

  3. Exce. llent article de Henrik Vuye dans le Soir de ce jour, Après Leterme
    et De Wever les Belgicains donc les Wallons vautrés dans leur
    belgitude auront en face d’eux Tom van Grieken président du
    plus grand parti flamand le VB. Voilà de quoi réjouir tout vrai
    rattachiste, Avec Belgie barst ce será la fin d’un pays artificiel
    voulu par l’Angleterre pour se venger de Napolèon. Enfin
    de bonnes nouvelles pour les vrais rattachistes

    Aimé par 1 personne

  4. Vivement le confédéralisme ! Pour commencer.

    Le délitement du royaume de Belgique peut apparaître sous différentes facettes.

    La meilleure vient de Flandre: (Belga le 10/12/2019)

    Dans une lettre ouverte, 42 enseignants de la langue française de 14 hautes écoles et universités en Flandre tirent la sonnette d’alarme . L’ensemble de la filière d’apprentissage du français est menacé par le manque de soutien dans l’enseignement primaire pour poser les fondamentaux de l’apprentissage du français. Dans l’enseignement secondaire l’apprentissage de la langue française subi la réduction du nombre d’heures hebdomadaires. « Le niveau de langue des étudiants a fortement chuté ».

    Ouf! Moins les Flamands connaitront le français plus ils percevront les Wallons comme des étrangers à repousser loin d’eux.

    La pire nous arrive de Bruxelles, comme il fallait s’y attendre (MBs le 11 /12/2019):

    Tous les Bruxellois trilingues (NL-F-Anglais) à 18 ans(?): telle est l’ambition du nouveau ministre bruxellois du Multilinguisme, l’Open VLD Sven Gatz. (ndlr: Madame Onkelinx les voyait déjà bilingues NL/F) .

    Madame Caroline Désir, la ministre (PS) de l’Education de la « Communauté française / Wallonie-Bruxelles » , tend la main au ministre du Multilinguisme « Le multilinguisme est en effet un enjeu très important, dit-elle. A Bruxelles comme en Wallonie (sic), et je ne peux que me réjouir que le ministre bruxellois (VL) du Multilinguisme s’empare de cette question. » « Cela passe par l’éveil aux langues dès la maternelle et de prévoir des cours de langues de manière plus précoce dans le tronc commun réformé, ou encore par le soutien à la création d’écoles bilingues.

    Le danger vient toujours des politiciens francophones de Bruxelles, belgicains dans l’âme, toujours prêts à aider la Flandre à néerlandiser les Bruxellois… et les Wallons. Pour ces politiciens francophones tout semble acceptable même d’ignorer la Constitution et la régionalisation, alors qu’ils invectivent la NVA et le VB.

    Cette politique bruxelloise pan-néerlandaise met en danger la liberté des Wallons non point dans le refus du multilinguisme mais bien dans le choix des langues utiles et nécessaires à leur avenir.

    Tout semble acceptable aux Bruxellois pour maintenir les Wallons sous influence néerlandaise afin de perpétuer « l’âme belge ».

    Aimé par 1 personne

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