Par Georges-Henry SIMONIS
En 2016, j’avais publié une petite brochure sur le confédéralisme*, divers Ministres, dont André Flahaut, Ministre du Budget, dénonçant à l’époque une poussée flamande de plus en plus importante tandis que le silence des francophones restait assourdissant. Cette pression flamande a été confirmée par les urnes en mai 2019, devenant majoritaire en Flandre si l’on additionne les succès de la N-VA, du Vlaams Belang, et les voix plus occultes mais bien présentes au sein des autres partis flamands. De nouvelles élections confirmeraient assurément l’évolution.
La suite ?
Fidèle à ses objectifs fondateurs, la N-VA poursuit sa quête d’un fédéralisme à deux, sans le moindre égard pour la Région bruxelloise qui a cependant conquis son statut de région à part entière. Ne resterait, selon ce schéma, qu’une Belgique résiduaire avec six ou sept ministres « fédéraux » – finances, affaires internationales, armée, et un ministre pour chaque région -, et ce sous la houlette ou le contrôle d’un parlement de cent députés dont je vois mal le rôle : s’occuper uniquement des matières restant fédérales ? Dommage que Bart De Wever et ses acolytes n’évoluent pas… A moins qu’une négociation habile avec le nouveau Ministre-Président DI RUPO ne fasse vaciller les certitudes…
D’autres intellectuels flamands, comme Frank Vandenbroucke**, ont l’objectivité et le courage d’écrire que les principes nationalistes flamands d’il y a trente ans ne sont plus d’actualité, et qu’il faut accepter Bruxelles comme un troisième interlocuteur à part entière. Il poursuit : « la lutte flamande pour l’émancipation a été un fantastique émancipateur… Et que, si le mouvement flamand veut continuer ce rôle, il doit changer son mode de pensée… Un confédéralisme qui ignore à la fois Bruxelles et l’Europe est une voie sans issue, un mirage qui ne pourra jamais se réaliser. » Une nouvelle pensée flamande sur Bruxelles conduirait Anvers à devenir la capitale incontestée de la Flandre, ce qui est conforme à son histoire et à son importance économique majeure en Belgique et dans le monde. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle depuis longtemps « la Métropole »…
Et Bruxelles ?
La Région continue de se chercher : suppression de la Communauté française, redéfinition des limites géographiques par un vaste élargissement, augmentation du nombre d’habitants, accords de coopération avec la Wallonie pour la culture et l’enseignement, mais aussi pour la francophonie qu’il faut défendre (Bozar, Kanaal, Devos & Lemmens…).
L’enjeu est clair : une vraie métropole européenne et multiculturelle, où il fait bon vivre et respirer un air purifié.
Il n’y aura bientôt plus que Défi (ex FDF) pour refuser l’autonomie de la Région bruxelloise.
La Région wallonne
Déjà en 2016 se profilaient en Région wallonne la poursuite et l’approfondissement de l’indispensable redressement économique. L’idée d’un élargissement de la majorité gouvernementale P.S. aux partis alors dans l’opposition progressait, notamment au MR avec Jean-Luc CRUCKE, jusqu’au coup de force inattendu du Bastognard… L’idée d’un élargissement PS/Ecolo/MR revient aujourd’hui en 2019, peut-être plus par nécessité arithmétique que par choix… C’est peut-être une chance pour la Wallonie.
Celle-ci pourra plus facilement poursuivre ses réformes structurelles (Communauté, Provinces, Intercommunales, piliers archaïques et dispendieux…), et assainir ses finances !
Autre réforme : l’axe nord/sud Anvers-Bruxelles-Charleroi, qui a fait les belles heures des siècles derniers, devient est/ouest et va de Liège à Charleroi, autour de ces deux métropoles majeures que sont devenues ces deux villes. Avec Bruxelles capitale européenne, et Anvers, capitale de Flandre, Liège et Charleroi seront les piliers de cette métropole wallonne que l’on attend et que l’on espère dans le cadre de l’Europe des Régions en train de naître.
Pour mémoire, il ne faut pas oublier la Région de langue allemande, qui semble aujourd’hui heureuse en toute discrétion, avec des finances saines…
Malheureusement, les relations de la Région wallonne avec la France, et spécialement avec les deux Régions françaises frontalières, restent timides. Mais il a y a des éléments de progrès, comme le contournement autoroutier de Couvin qui nous rapproche singulièrement de Reims, ou la courte liaison tant attendue entre Maubeuge et Charleroi.
Bruxelles-Strasbourg
Ce vieux serpent pourrait enfin sortir du terrier dans lequel on l’a enfui depuis des décennies, au grand dam des finances européennes et au mépris du confort de travail des personnes concernées. Il serait bien d’entreprendre à ce sujet un dialogue apaisé, à la faveur de la désignation de Charles MICHEL, comme Président du Conseil européen, et de Didier REYNDERS comme Commissaire européen.
Bruxelles doit devenir le seul siège des Communautés européennes.
Les Villes de Bruxelles et de Strasbourg doivent s’adapter aux réalités d’aujourd’hui et y trouver des avancées nouvelles. Le voyage royal récent de Bruxelles à Luxembourg, en train spécial, a rappelé cruellement la vieillesse de cette infrastructure.
Bruxelles bénéficiera d’un urbanisme renouvelé.
Strasbourg, forte de son histoire multiculturelle, pourrait devenir une Capitale mondiale des Droits Humains, domaine dans lequel elle bénéficie déjà d’un socle fondamental grâce au Conseil de l’Europe qui devrait être élargi et approfondi, grâce à sa situation géographique centrale, et grâce à des ressources universitaires œcuméniques et religieuses importantes.
Ce ne sont probablement ni Ursula von der LEYDEN, la nouvelle Présidente allemande de l’Europe, ni la chancelière Angela MERKEL, ni le Président français Emmanuel MACRON, qui s’y opposeront.
Voilà un bel objectif pour leurs mandats européens.
Quant à l’Alliance Wallonie-France, elle va préparer son programme CAP 2020 : on peut relire utilement le « CAP 2015 » qui figure toujours sur notre site, et qui mérite d’être concrétisé !
Le 18 octobre 2019
* « L’après confédéralisme belge », préfacé par Pierre Hazette
** »s’il le faut, on se passera de la N-VA »- le Vif du 01/O8/2019
Effectivement Frank Vandenbroucke n’est pas le seul intellectuel de Flandre à se pencher sur son identité néerlandaise, plus proche de la réalité historique que le canevas belgo-flamingant toujours imprégné du désuet catholicisme anti-calviniste.
Il faudrait effectivement accepter Bruxelles comme un interlocuteur à part entière, comme au 16e siècle lorsqu’elle combattait au côté de la Flandre et des autres provinces néerlandaises contre l’Espagne.
Ne jamais oublier que l’unification des actuels Pays-Bas ne s’accomplit qu’ au 19e siècle sous le Premier Empire français.
Une nouvelle pensée flamande sur Bruxelles conduirait Anvers à redevenir la capitale incontestée de la Flandre, ce qui est tout simplement conforme à son histoire. Il semble étrange que les nationalistes flamands feignent d’oublier que « la Métropole » fut la première capitale de la Nation néerlandaise, Les Provinces-Unies, « confédérée » avant l’apparition du terme.
D’autant plus qu’aujourd’hui, même autonome, la Région de Bruxelles resterait vassale de la Région flamande. La présence physique du gouvernement de Flandre n’est plus vraiment nécessaire sauf peut-être symboliquement sur la « fameuse » place des Martyrs.
A cet effet un livre très intéressant : » Les identités néerlandaises
De l’intégration à la désintégration ? » ( Lettres et Civilisations des Flandres et des Pays-Bas, Édité par Thomas Beaufils, Patrick Duval;
Édition Première édition;Éditeur Presses Universitaires du Septentrion)
Ce livre étudie les doutes et les interrogations des sociétés néerlandaises sur ses fondements et ses perspectives d’avenir.
L’identité néerlandaise n’avait encore jamais fait l’objet en France d’une étude interdisciplinaire. Ce fut l’enjeu d’un colloque organisé à Metz et à Strasbourg du 3 au 5 décembre 2003, en coopération avec les départements de néerlandais des Universités Paul Verlaine de Metz et Marc Bloch de Strasbourg.
Bart De Wever l’historien pourra encore remercier les Français de lui ouvrir la voie vers la Grande Néerlande, seule voie praticable pour arracher au Belgium et à l’Europe une autonomie totale, une indépendance légitime. Benelux pourrait lui offre un cadre confédéral adéquat avec le royaume des Pays-Bas MAIS SANS LA WALLONIE BIEN EVIDEMMENT !
NDLR: Groot Nederland / Grande Néerlande signifie le Royaume des Pays-Bas plus l’actuelle Région Flamande.
Heel Nederland/La Néerlande globale signifie l’entité bénéluxienne plus les Hauts de France.
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Je regrette toujours la disparition du RWF… Depuis, je n’ai plus aucune conviction politique… Je maintiens que la volonté de créer de nos jours un gouvernement fédéral est devenu une aberration constitutionnelle… 5 gouvernements suffisent administrativement aujourd’hui d’autant que l’union fait depuis longtemps » la farce » en ce non-pays…
De surcroît, mes idées rattachistes se voilent tant que la République sera dirigée par un président comme Macron qui est une véritable erreur de l’histoire de France…
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Veuillez m’excuser Monsieur SIMONIS mais je ne parviens pas à vous suivre.
A vous lire vous semblez déplorer « Cette pression flamande confirmée en mai 2019, devenant majoritaire si l’on additionne les succès de la N-VA, du Vlaams Belang, et des voix plus occultes au sein des autres partis flamands ». Vous réagissez un peu comme le plus que belgicain André Flahaut.
La suite ?
Mais peu nous importe à nous Wallons le manque d’égard de la NVA envers Bruxelles/Brussel. Cessons donc de nous occuper de ce qui se passe au nord de la frontière linguistique/ frontière régionale…bientôt d’Etat. Rappelons-nous que l’affirmation et l’opposition des mouvements flamand et wallon débouchèrent en 1931sur l’édification de la frontière linguistique administrative. De grâce, ne rééditons pas nos erreurs des années 1917 (le refus par les Wallons de la séparation administrative, exigence wallone, mais mise en œuvre par les Allemands. Pour une fois qu’ils nous donnaient un « coup de mains ») et 1930 (La lutte aussi épuisante qu’inutile pour l’Université de Gand enfin néerlandisée selon la volonté et dans l’intérêt du peuple de Flandre ). Une fois pour toute vis-à-vis de la Wallonie, Bruxelles/Brussel est une terre étrangère que le Belgium existe ou disparaisse.
Si La francisation de la ville de Brussel démarra au XVIIIe siècle, elle ne prit toute son ampleur qu’avec la création de la Belgique indépendante . La langue française seule langue officielle en dépit de la majorité flamande devint la langue des tribunaux, de l’administration, de l’armée, de la culture, des médias et de l’enseignement. Gendebien et le Cardinal Mercier, pour ne citer qu’eux, soutenaient un effacement généralisé de la culture néerlandaise au détriment de toute une population. Aujourd’hui, il n’existe aucun fondement juridique ou humain pour soutenir le phénomène de la « tache d’huile » (« olievlek »).
Selon vous, « fidèle à ses objectifs fondateurs, la N-VA poursuit sa quête d’un fédéralisme à deux ». Mais si les Régions allemande et wallonne exigent comme préalable à toute discussion la création d’un Belgium à quatre composantes, pensez-vous réellement que les Flamands ne transigeront pas ? Dommage que le PS wallon se révèle plus protecteur du Belgium que bouclier et fer de lance d’une Wallonie Libre.
D’ailleurs vous signalez que des « intellectuels flamands ont l’objectivité et le courage d’écrire que les principes nationalistes flamands ne sont plus d’actualité et qu’il faut accepter Bruxelles/Brussel comme un interlocuteur à part entière. Une nouvelle pensée flamande sur Bruxelles/Brussel conduirait Antwerpen, « la Métropole », à devenir la capitale incontestée de la Flandre, ce qui est conforme à son histoire et à son importance économique majeure en Belgique et dans le monde. » Il faut effectivement rappeler que Brussel ne fit jamais partie du Comté de Flandre mais bien du Duché de Brabant (de Sint-Genesius-Rode à ‘s-Hertogenbosch ). Et que dans le Duché de Brabant, elle tenait déjà de l’électron libre mais qu’au 16e siècle elle lutta avec le Comté de Flandre contre l’Espagnol ! En vérité, les « Hollandais » devraient revendiquer Antwerpen et Brussel que leur ravirent, par les armes, les catholiques espagnols !
Et Bruxelles ? Que les régionalistes bruxellois montent aux créneaux avant d’échafauder, pour eux, d’illusoires options que la Flandre refusera à juste titre ! L’enjeu pour les Wallons est clair , Bruxelles/Brussel n’est plus qu’ une marmite multiculturelle où il ne fait plus bon vivre ( ndlr : j’y habite).
Selon vous Bruxelles/Brussel devrait demeurer le siège des Communautés européennes. Mais, alors que la Grande-Bretagne quitte l’Europe, pourquoi trahir Strasbourg au profit d’une ville « carpette historique anglo-saxonne depuis 1815 » ? Strasbourg, symbole puissant de l’histoire germano-française et européenne occidentale doit détenir le siège du parlement et de l’exécutif européen; que le reste soit partagé entre les autres membres de l’Union.
La Région wallonne ? La Wallonie ne doit pas paniquer à l’idée de perdre les « liards » de la sécurité sociale. La sécurité sociale, pseudo ciment résiduaire du Belgium, se délite avec ou sans (con)fédéralisme. Mais comme en 1830, entre Pays-Bas et Belgique, les plénipotentiaires wallons, flamands, allemands et bruxellois discuteront chiffres avant de signer un protocole de désunion définitive.
Sans snober la liaison navigable entre Anvers, Bruxelles et Charleroi, toujours d’actualité commerciale, il devient de fait urgent de forger l’axe wallon est – ouest de Liège à Charleroi, redevenues deux métropoles majeures, autant pour notre avenir wallon que pour celui de la France.
Il devient important que la France relie Charleroi à Dunkerque et au Havre dans une optique stratégique européenne de liaison à grand gabarit vers le Rhin !
Et maintenant ?
Laissons de côté l’Europe des Régions et regrettons qu’en Wallonie des esprits chagrins et provincialistes revanchards retardent et freinent les relations de la Région wallonne avec la France. Heureusement, pour une fois, les intérêts des Hollandais (Rotterdam) bousculent les réticences wallonnes et font avancer le contournement autoroutier de Couvin, qui nous rapproche singulièrement de Reims, et la courte liaison tant attendue entre Maubeuge et Charleroi. Il ne faut surtout pas oublier la liaison ferroviaire Namur – Givet et Namur – Luxembourg – Strasbourg.
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