8 février 2018 | Auteur : Bart Maddens | Traducteur : Herve Voglaire Sanchez | Temps de lecture : 2 minutes. Lu sur Daardaar
Après un long temps d’attente, la septième réforme de l’État est enfin une réalité. Vous avez bien lu : la proposition de loi spéciale a été déposée le 23 janvier à la Chambre et signée par pratiquement tous les partis, N-VA et PS compris. Dès lors, la majorité des deux tiers requise au sein de chaque groupe linguistique sera également acquise sans peine.
Nombreux sont ceux qui craignaient qu’aucun nouveau transfert de compétences ne voie le jour durant cette longue période de cessez-le-feu communautaire. Ladite proposition vient dissiper cette inquiétude. C’est reparti pour un tour !
Ne nous emportons pas pour autant. Il y a plutôt lieu de parler d’un transfert de compétence, au singulier. Et peut-on bel et bien le qualifier de transfert de compétence ? Oui, si ce n’est qu’il s’agit d’un transfert qui semblait entériné depuis belle lurette. Dix-sept ans, pour être précis.
Des faits qui remontent à 2001, quand tout le monde supposait que l’accord du Lambermont prévoyait déjà le transfert des règles régissant la campagne des élections communales. Ces règles ont par ailleurs été inscrites dans les décrets électoraux des Régions wallonne et flamande. Pourtant, lorsque le gouvernement flamand a souhaité modifier lesdites règles en 2016, le Conseil d’État en a subitement décidé autrement, à la surprise générale. Il semblerait que, pour finir, les régions soient uniquement compétentes pour veiller au bon respect des règles, non pas pour les dicter. Chasse gardée du fédéral, comme c’est également le cas pour les élections régionales.
Il en résulte une situation pour le moins étrange. Les lois déjà approuvées par les parlements régionaux gardent en principe leur force, n’ayant fait l’objet d’aucune objection de la part de la Cour constitutionnelle et, par conséquent, d’aucune abrogation. Or maintenant qu’il est établi que les régions ne sont pas compétentes, tout amendement de la réglementation devra à l’avenir transiter par l’échelon fédéral. Partant de ce principe, il faudrait déterrer une vieille loi fédérale datant de 1994.
La septième réforme de l’État résout le problème d’un tour de passe-passe en régularisant, en quelque sorte, l’excès de compétences du passé. À présent, les régions deviennent compétentes pour les règles proprement dites, pas uniquement pour le contrôle de celles-ci. Une réforme tout sauf spectaculaire, certes. Néanmoins, ne sous-estimons pas à nouveau l’importance de ces lois. Elles constituent un sous-groupe significatif de la législation électorale.
Et maintenant ? Que faut-il penser de cette affaire ? Qu’en période de cessez-le-feu communautaire, de telles mini-réformes de l’État restent possibles. Un constat déjà observé en 2015, lorsque le système de financement de la Communauté germanophone a été modifié sans faire de bruit. Une légère erreur de calcul s’était apparemment glissée dans la sixième réforme de l’État.
De toute évidence, les partis sont enclins à se débarrasser des anomalies gênantes présentes au sein de la structure de l’État. Les partis francophones sont également demandeurs. C’est dire. Ils sont en effet favorables à ce que les régions soient pleinement compétentes en matière d’élections locales, sans exceptions obscures. Or si tout cela est de l’ordre du possible, pourquoi des transferts de compétences plus étendus relèvent-ils du tabou ?
La structure de l’État belge regorge d’absurdités et de règles inextricables. Les Flamands ne pouvaient-ils pas joindre la question des élections locales et de la modification de la loi spéciale de 1980 à la résolution de quelques autres points institutionnels sensibles ? Ou ne feraient-ils pas mieux de laisser perdurer ces anomalies afin de s’en servir, ultérieurement, comme levier dans l’optique d’une réforme plus substantielle ?
Questions épineuses s’il en est, qui ne doivent toutefois pas gâcher la joie flamande née de ce transfert de compétence. Une septième réforme de l’État qui ne dit pas son nom !
BART MADDENS SE REJOUIT. ALORS, NOUS AUSSI !
En voilà une réforme qui nous arrive par les coulisses…
(Lu ce 16/02/2018 sur le site du VIF)
« Si le Rafale n’est pas choisi, le MR devra s’en expliquer en Belgique francophone »
Le gouvernement a le choix entre deux appareils qui peuvent remplacer nos F16, mais les Français tentent également de s’immiscer dans la course.
« Quoi qu’il en soit, ce dossier a traîné trop longtemps », estime le professeur en finances publiques Herman Matthijs.
Au milieu des années 1970, il y a eu une vive discussion au sujet du remplacement de l’avion de combat ‘Starfighter’. Finalement, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark ont choisi le F-16 actuel. À l’époque aussi, les Flamands étaient majoritaires dans le gouvernement chrétien-démocrate-libéral dirigé par le Premier ministre Leo Tindemans. Les partis francophones, dont le Rassemblement Wallon, étaient pour le Mirage F1 du Français Dassault. 35 ans plus tard, l’histoire repasse les plats.
La procédure de remplacement du F-16 a certainement été transparente et ouverte. C’est sans conteste le mérite de l’actuel ministre de la Défense : Steven Vandeput (N-VA). Il n’en a pas toujours été ainsi dans l’histoire des achats militaires.
Pour le remplacement du F-16, les ‘Best And Final Offers’ (BAFO) se jouent entre deux candidats : l’Eurofighter, construit par un consortium britannico-germano-italiano-espagnol, et le F-35 américain de Lockheed Martin.
L’Eurofighter est utilisé par quatre pays européens: l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne. Si la Belgique choisit cet appareil, la force aérienne met fin à sa coopération avec les Pays-Bas et opte pour une collaboration avec l’Allemagne et l’Espagne. Si la Belgique choisit le F-35, c’est une répétition des années 70, parce qu’alors nous achèterions les mêmes appareils que les Pays-Bas, la Norvège, et le Danemark.
Et puis il y a l’appareil français, le Rafale de Dassault, même si juridiquement il n’est plus en compétition parce que les Français n’ont pas respecté la procédure officielle. Ils se profilent comme candidat auprès du gouvernement et proposent une collaboration structurelle. Cela reviendrait à ce que la force aérienne belge fasse partie de la « Force Aérienne de la République française ».
Jeu politique
En Europe, le Rafale est uniquement utilisé par les Français et on peut difficilement le qualifier d’appareil européen. Mais vu les liens politiques entre la Belgique francophone et Paris, cet appareil a tout de même des fans au sein du gouvernement belge, et surtout au MR. Dans cette coalition suédoise, le MR est le seul parti francophone à pouvoir participer à la décision de cet achat militaire du siècle et c’est le MR qui entretient les meilleurs liens avec le président français Emmanuel Macron. Si le Rafale n’est pas choisi, le MR devra s’en expliquer en Belgique francophone.
Les partis flamands et particulièrement la N-VA ne peuvent convaincre leur base électorale de l’achat du Rafale. Si le MR ne décroche pas le Rafale, il demandera quelque chose en échange – il y a suffisamment de possibilités : un futur commissaire européen pour la Belgique, le contrat d’entretien des nouveaux appareils, de futurs achats, etc.
La feuille de route de l’achat fixe les paramètres sur lesquels il faut baser le choix: la capacité pèse 57%, le prix 33% et la compensation 10% dans la décision juridique. Ce dernier pourcentage est bas, mais quand les politiques devront trancher, ces compensations économiques seront décisives.
Compensations économiques
Le prix de l’appareil pèse donc pour 33% dans la décision, et le cours du change joue un rôle important, tout comme les coûts d’entretien postérieurs et les « mises à jour ». Étant donné que le F-35 affiche les chiffres les plus élevés de vente dans le monde, les coûts pour l’avenir sont les plus réduits. Théoriquement, les Américains devraient pouvoir proposer un prix d’achat plus bas grâce à leur plus grande production de masse. Reste aussi le paramètre décisif de la capacité, dont les systèmes d’armes et le radar. Il s’agit notamment de la présence de technologie furtive et la possibilité de transporter des armes nucléaires. Beaucoup d’encre a déjà coulé à ce sujet, mais jusqu’à nouvel ordre, Peer/Kleine Brogel abrite des armes nucléaires, et ce depuis les années cinquante. Aucun gouvernement belge n’a voulu modifier ou résilier cet accord, et donc la Belgique doit disposer d’avions pour éventuellement transporter ces armes nucléaires. C’est aussi ce qui donne du pouvoir à notre pays, car sans ces avions belges, les armes nucléaires américaines ne peuvent voler.
Politiquement, le remplacement du F-16 est surtout une affaire de compensations économiques. La Commission européenne nous surveille, parce que les compensations pourraient entraver la libre concurrence – mais si notre pays peut démontrer que ces compensations concernent des « intérêts essentiels pour la sécurité », il n’y a pas de problème. Récemment, la Commission européenne a tout de même lancé des procédures contre les Pays-Bas et le Danemark pour cause d’achats militaires. Évidemment, elle laisse les grands états membres tranquille.
Au fond, la Défense ne relève pas de la compétence de l’UE, et c’est de la faute de la Commission s’il n’y a toujours pas d’avion de combat européen. Récemment, on a lancé un plan pour un fonds de défense européen, mais cette proposition ne mènera pas à une politique de défense globale européenne. Au fond, il faudrait déjà commencer les préparations pour un appareil de sixième génération, dont nous aurons besoin en 2040.
Pour le F-35, l’OTAN peut fermer les yeux
La Belgique reste l’un des plus mauvais élèves de la classe de l’OTAN. Lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en 2014, il a été convenu que d’ici 2024 les états membres doivent augmenter leurs budgets de défense jusqu’à 2% de leur PIB. Pour l’instant, seuls les États-Unis, le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie, la Roumanie et la Grèce remplissent cette exigence. D’après le planning actuel de l’OTAN, seuls 15 états membres sur 29 respecteront la norme en 2024. La Belgique tournera autour des 1,3% du PIB. Un choix en faveur du F-35 représenterait un avantage budgétaire en ce sens que l’OTAN surveillerait moins strictement le budget de défense belge.
Certains suggèrent de ne pas acheter d’avions en remplacement du F-16, ce que l’industrie aéronautique belge n’apprécierait évidemment pas. Et qui surveillera l’espace aérien belge ? Si notre pays délègue cette tâche à un autre pays, cela coûte de l’argent aussi, et nous perdons à la fois la souveraineté et l’information. En outre, la loi du 23 mai 2017 a fixé la programmation pour les investissements militaires de 2016-2030. En euros constants de 2015, il s’agit de 9,2 milliards d’euros. De l’argent a donc été affecté pour l’achat de 34 avions de combat. Si on réussit à négocier un prix d’achat de 90 millions d’euros par appareil, on aboutit à une facture d’environ 3 milliards d’euros, ce qui est autant que les dotations annuelles aux chemins de fer.
Il faut également noter que la situation géopolitique autour de l’UE est très instable et dangereuse. Il ne fait pas de doute qu’une Europe militaire plus forte peut contribuer à plus de stabilité. Sans cette stabilité géopolitique, la prospérité d’Europe occidentale risque de devenir très problématique.
Conclusion
En principe, le gouvernement fédéral doit choisir entre les deux appareils restants, le F-35 et l’Eurofighter. Il sera important de voir combien le MR demandera pour dire non à face à la pression de Paris pour choisir le Rafale.
Quoi qu’il en soit, la Belgique a trop traîné dans ce dossier et a manqué le train de la phase de développement. Nous aurions dû faire un achat groupé avec les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark il y a dix ans. Nous aurions économisé beaucoup d’argent et acquis des connaissances technologiques.
En dernier lieu, le gouvernement pourrait décider de ne rien acheter ou de lancer une nouvelle procédure. Cependant, les partis du gouvernement ne vont concéder un tel cadeau politique ni à l’opposition ni au prochain gouvernement, dont ils ignorent s’ils en feront partie. Le Premier ministre Michel devra annoncer sa décision avant le sommet de l’OTAN à Bruxelles début juillet, car sinon la Belgique se verra présenter la facture diplomatique.
A bon entendeur, salut !
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» En Europe, le Rafale est uniquement utilisé par les Français et on peut difficilement le qualifier d’appareil européen. » Il est gonflé le Flamand de service ! Alors le F35 serait plus européen que le Rafale ? Sans doute par le nombre d’acquéreurs européens ?
Et l’anglais Eurofighter serait-il plus européen parce qu’il associe des « adversaires » séculaires de la France ?
Du vent ! Oui.
Par contre comment peut-il affirmer que le » MR (…)entretient les meilleurs liens avec le président français Emmanuel Macron. » Ici, en Wallonie nous ne le constatons par vraiment…
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En matière de » Réforme de l’Etat » voici quelques renseignements sur les communes à facilités. Et, là encore, tout n’apparaît pas comme certains nous mettent au défi de le croire.
Les votes francophones ont diminué de moitié à cause de la scission de BHV
– Lu sur Daardaar – 22 février 2018 | Auteur : Peter De Lobel | Traducteur : Fabrice Claes | Temps de lecture : 3 minutes
La scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde a causé une perte de 50 % des voix pour les francophones. Dans les communes à facilités, trois quarts des électeurs votent francophone, surtout pour le MR.
Il fallait s’y attendre : après la scission de BHV, le nombre de voix pour les partis francophones a chuté. En effet, depuis 2014, seuls les francophones des communes à facilités de la périphérie bruxelloise pouvaient encore voter pour les ténors des listes bruxelloises. Une étude de l’institut Vives, menée par Bart Maddens et Gert-Jan Put, détaille la répartition des voix.
Les voix en faveur des partis francophones ont diminué de moitié. Il est certes difficile de comparer exactement les dernières élections à celles de 2010, car les frontières des arrondissements électoraux diffèrent. Néanmoins, on observe que dans cet arrondissement, un électeur sur cinq (21,2 pour cent) a voté pour une liste francophone en 2010, contre seulement 9,2 en 2014.
Il s’agit avant tout d’un effet « mécanique » de la scission de BHV. Avant, des personnalités comme Joëlle Milquet (CDH), Laurette Onkelinx (PS) et Olivier Maingain (FDF) pouvaient attirer des voix dans tout BHV. Depuis la scission, les électeurs des communes à facilités doivent choisir entre une liste bruxelloise et une liste du Brabant flamand.
En 2014, seul le FDF (aujourd’hui Défi) a présenté une liste dans le Brabant flamand. Les autres partis francophones n’ont plus fait cet effort. Ils considéraient qu’ils n’avaient en effet aucune chance d’obtenir le moindre siège à la Chambre dans cet arrondissement. « Les électeurs francophones qui n’adhéraient pas aux idées du FDF se sont donc résolus à voter pour une liste flamande ou se sont abstenus », analyse Gert-Jan Put, un des auteurs de l’étude.
Trois quarts de francophones
Aux élections fédérales de 2014, dans toute la périphérie flamande, 14,5 pour cent des électeurs ont voté pour une liste francophone. Dans les communes à facilités, où il est possible de voter pour des personnalités bruxelloises, on atteint des pics de 62,4 pour cent, avec le MR qui dépasse de loin les autres partis.
C’est à Linkebeek et Kraainem que la francophonisation des électeurs est la plus forte. Dans ces communes, jusqu’à trois quarts des électeurs votent pour une liste francophone à Bruxelles. Par contre, dans des communes comme Asse, Merchtem et Meise, où le FDF était le seul choix en 2014, on ne vote quasiment pas francophone. Autrement dit, ce sont des voix perdues pour ce parti.
Malgré tout, Défi est bien décidé à représenter une liste dans le Brabant flamand. « Pour nous, c’est une question de principe, explique Sophie Rohonyi, la responsable du parti en périphérie. Nous voulons offrir aux francophones de la périphérie la possibilité de voter pour un parti francophone, tout comme avant. Même si nous savons que nous avons très peu de chances d’obtenir un siège. »
Un symbole pour la N-VA
A l’inverse, depuis la scission de BHV, il est pratiquement impossible pour un parti flamand d’obtenir un siège à Bruxelles. Quoique… La N-VA et le Vlaams Belang ont obtenu en 2014 respectivement 23,5 et 32 pour cent des voix flamandes de la capitale pour la Chambre. Pourtant, en théorie, ces voix seront perdues aussi. « Mais il n’est pas impossible de dépasser le seuil d’éligibilité. Les derniers sondages indiquent que la N-VA a beaucoup de succès à Bruxelles. Le parti pourrait appeler ses électeurs des communes à facilités à voter pour sa liste », explique Gert-Jan Put.
Bien entendu, ces électeurs ne pourront voter qu’une seule fois pour la Chambre : soit pour la liste bruxelloise, soit pour la liste du Brabant flamand. Les partis devront donc faire le bon choix. « Symboliquement, il est peut-être plus intéressant pour la N-VA d’obtenir un siège en tant que parti flamand à Bruxelles-Capitale, mais le pari est risqué. »
Le MR en tête
Dans les communes à facilités, c’est le MR – dont le président de l’époque était Charles Michel – qui a tiré le gros lot avec 26,7 pour cent des voix. Le FDF occupait la deuxième marche du podium avec seulement 17 pour cent. Il était suivi par l’Open VLD (12,8 %) et la N-VA (10,3 %), tous deux devant le PS (8,3 %).
En 2019, la bataille sera serrée. Après la tentative ratée du CDH d’évincer le PS de la majorité bruxelloise l’été dernier, c’est Olivier Maingain et son parti Défi qui ont tiré les marrons du feu. En effet, Défi est sorti en tête du sondage d’octobre De Standaard/VRT/La Libre/RTBF, et Olivier Maingain est devenu l’homme politique le plus populaire de Bruxelles. Et il est permis de penser qu’il en sera de même dans son fief, à savoir les communes à facilités.
Intéressant, n’est-ce pas !
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L’autonomie flamande: pas à pas ou en attendant Godot ?
Il nous semble bien étrange, à nous Wallons incertains de notre avenir, d’observer un certain attentisme chez nos voisins par-delà la Frontière Linguistique. Pourtant, à les lire ou les entendre, ils avancent fiers comme Artaban vers l’indépendance, prêts à nous jeter par-dessus bord dès le naufrage de la Belgique.
Apparemment, selon le présent article, rédigé par le député CD&V, Hendrik Bogaert (qui est loin d’être un second couteau), dans le journal Doorbraak ( porte-voix du Mouvement Flamand), Mère Flandre présente des symptômes normands: Y vais-je ou n’y vais-je pas ? c’est au point un choix cornélien que le député Bogaert en appelle presqu’aux armes.
En avant partis flamands, sortez de vos tranchées !
Hendrik Bogaert, député CVP, Doorbraak, communautair, le 12 mars 2018.
Jamais auparavant, il n’y a eu dans l’histoire flamande d’après-guerre un moment où la perspective de plus d’autonomie flamande fut si réduite. C’est un grand paradoxe parce qu’il ne nous manque pas de conscience flamande. Peut-être qu’elle n’a même jamais été aussi grande qu’aujourd’hui mais les étapes concrètes vers plus d’indépendance semblent très lointaines.
Cependant comment atteindre cette autonomie flamande ? Il existe deux méthodes disponibles dans le contexte actuel. La première méthode est celle du «Big Bang» communautaire. C’est la méthode qui repose sur l’espoir d’obtenir une majorité parlementaire au sein du Parlement flamand. Ce faisant, le degré d’autonomie désiré est plus ou moins unilatéralement proclamé.
La deuxième méthode est celle du «gradualisme» qui comprend des négociations lesquelles, étape par étape, approfondissent l’autonomie. Il y a un certain nombre d’avantages à énumérer concernant cette approche graduelle. D’abord et avant tout, il y a un argument politico-philosophique général. Edmund Burke, homme politique conservateur, était un fervent partisan du gradualisme. Dans ses lettres « Réflexions sur la Révolution en France », il préconise un processus de réformes étape par étape. Quel est l’intérêt de tout jeter, le bon comme le mauvais, dans une révolution ? N’est-il pas préférable de prendre des mesures rapides dans une optique évolutive ? Après tout, il faut éviter les inconvénients d’une révolution.
Le gradualisme
Cette approche a aussi servi à l’édification de l’autonomie. Aujourd’hui, la Flandre dispose d’un certain degré d’autonomie, son propre Parlement et des pouvoirs importants tels que l’enseignement, les travaux publics, le bien-être, pour n’en nommer que quelques-uns. Cette autonomie n’aurait pas abouti si, dans le passé, les politiciens avaient choisi la stratégie du «tout ou rien». Le rôle du CD&V a été particulièrement important et visible pour tout observateur objectif. Cinq des six réformes institutionnelles réussirent sous la direction des démocrates chrétiens.
En outre, grâce à cette approche, les montants des transferts communautaires plafonnent à moins de deux milliards d’euros par an par rapport à ce qu’ils auraient été dans une Belgique totalement unitaire. Il s’agit d’un argument important pour les compromis autrement vulnérables qui ont été conclus dans le passé. Lorsque l’on prend l’ensemble des six réformes institutionnelles, le principe de base du dénuement sur lequel la Wallonie insiste toujours, et c’est typique de la Belgique unitaire, est partiellement abandonné. Le principe du revenu – le revenu provient aussi du lieu où l’impôt est perçu – présente un impact significatif dans les différentes lois de financement.
Entre-temps, en Belgique, les régions gèrent environ 80 milliards des 200 milliards euros du budget de l’Etat, soit 40%. Il reste donc encore un long chemin à parcourir, mais un certain degré d’autonomie brille déjà sur le tapis. Il a été réalisé grâce à des accords qui ont parfois pu être interprétés comme honorables et à d’autres moments comme déshonorants mais qui ont toujours eu comme but ultime : une autonomie appropriée, adaptée aux Régions .
Le Big Bang
Les inconvénients de la méthode du «Big Bang» sont faciles à énumérer. D’abord, il n’est pas réaliste d’atteindre une majorité flamande au sein du Parlement flamand qui proclamerait unilatéralement l’autonomie. Dans les derniers sondages aussi, on n’atteint pas cette majorité. On devrait alors opter pour des scénarios extrêmes, par exemple : espérer une erreur stratégique ou émotionnelle de la part des partis francophones. Dans ce dernier cas, il faudrait compter sur un renversement d’opinion, sous le coup de l’émotion, pour prendre immédiatement de grandes décisions. Rien n’est exclu en Belgique mais compter sur un tel «Big Bang» ressemble fort à attendre Godot…
Les leçons de la Catalogne
Aujourd’hui, le mouvement flamand et quelques partis flamands soutiennent à juste titre l’affaire catalane, ils ont à cet effet un réflexe émotionnel et politique correct. Les prisonniers politiques en Espagne doivent en effet être libérés immédiatement et l’UE doit intervenir si elle veut être une Union de valeurs. Des négociations raisonnables avec des concessions mutuelles en vue d’une plus grande autonomie pour la Catalogne peuvent et doivent être entamées. Mais quelque juste que soit la préoccupation pour la cause catalane, elle ne doit pas nous distraire de notre propre recherche constructive vers plus d’autonomie.
Comment pouvons-nous concrètement aborder ce «gradualisme» ?
Y a-t-il vraiment tant de négociateurs prêts à s’attaquer à une nouvelle réforme majeure ? Non, mais ce n’était pas plus le cas les dernières fois. Nous nous plaignons opportunément à propos du droit de veto des partis francophones contre la formation du gouvernement mais les partis flamands détiennent le même droit de veto. Un coup d’œil aux derniers sondages en dit suffisamment : il suffirait que la NVA et le CD&V soient de bonne foi pour agir de concert. Ils pourraient – uniquement sur ce plan – décrocher un accord informel et remettre sur le chantier une nouvelle réforme institutionnelle.
En avant partis flamands, sortez de vos tranchées !
Tout un programme…
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