C’est un beau débat : qu’il commence !

Le site du « Vif-l’Express » a publié hier un article d’opinion de Jules Gheude. Nous le reprenons ici puis nous le commentons.

Belgique : Chronique d’une mort annoncée

Il y a deux ans, lors d’un reportage de la VRT, Liesbeth Homans, ministre (N-VA) du gouvernement flamand, exprimait le souhait de voir la Belgique disparaître en 2025. Aujourd’hui, le groupe financier Bloomberg annonce la fin de la Belgique en 2028. Le Royaume se trouve donc en phase terminale.

Cela n’empêche pas la coalition suédoise de Charles Michel d’envisager des mesures pour le long terme, notamment en ce qui concerne l’énergie. Il est même question de la construction d’une nouvelle centrale nucléaire en… 2040, même si la ministre Marie-Christine Marghem s’empresse de préciser qu’il s’agit là d’un scénario tout à fait théorique.

Bref, on prépare un avenir dans lequel la Belgique pourrait ne plus avoir sa place.

Si l’espoir, dit-on, fait vivre, il importe aussi de tenir compte de la réalité.

Depuis 1970, le moteur institutionnel de la Belgique a subi six entretiens. Mais aujourd’hui, il semble totalement bloqué. La saga du RER, les nuisances sonores au-dessus de Brussels Airport, la construction d’un stade national, la mise en application du pacte énergétique… Autant d’éléments qui viennent illustrer les propos tenus en 2016 par Jean Quatremer, le correspondant bruxellois du journal « Libération » : le royaume est dans une voie sans issue : impotence, incompétence, irresponsabilité.

La Belgique est souvent associée au mouvement surréaliste. On connaît ce tableau de René Magritte intitulé « Ceci n’est pas une pipe ». L’artiste aurait pu également dessiner les contours de la Belgique, en y ajoutant « Ceci n’est pas un pays »…

Ce qui est en tout cas surréaliste, c’est de voir la plus grande formation politique du pays, la N-VA, au gouvernement fédéral, alors qu’elle plaide ouvertement pour l’émergence d’une République flamande au sein de l’Europe. Cela s’appelle « entretenir un serpent en son sein ».

Lorsque la « suédoise »é a vu le jour en 2014, il fut décidé de placer le communautaire au frigo pour la durée de la législature. Insensé, lorsqu’on sait qu’en Belgique, le moindre dossier revêt un aspect communautaire. On le voit encore aujourd’hui avec la polémique entretenue autour de Théo Francken, le ministre (N-VA) à l’Asile et à l’Immigration. Les francophones réclament à cor et à cri sa démission, tandis que l’homme ne cesse de doper les adhésions à son parti. Continue comme cela ! a lâché Bart de Wever, lors de la réception de Nouvel An de la N-VA à Malines…

Si des élections devaient avoir lieu aujourd’hui, il ne fait aucun doute que Théo Francken se retrouverait sur la première marche du podium en Flandre. Autrement dit, l’entêtement des francophones à son égard ne fait que précipiter la mort du royaume.

Les francophones souffrent de ce que j’appellerais « le syndrome du catoblépas », cet animal légendaire à long cou grêle dont la lourde tête traîne à terre et l’amène à brouter ses propres pattes.

Les francophones sont, en effet, perpétuellement dans le déni. Ils refusent de voir la réalité en face : depuis 1970, tout a été mis en œuvre pour faire de la Flandre une véritable nation (un peuple, un territoire, une langue, une culture).

Il n’y a pas place, dans ce petit pays, pour deux nations : une belge (mais a-t-elle vraiment jamais existé ?) et une flamande, constatait François Perin en 1981. Et il ajoutait : Qu’est-ce qui empêcherait les Flamands de proclamer unilatéralement leur indépendance ? Ils ont créé tous les instruments de leur future légitimité. Les Wallons ont beau se proclamer belges. Quel est celui d’entre eux qui se battrait (au sens propre : en participant à une guerre civile) pour rétablir la Belgique contre la volonté des Flamands ? Poser la question, c’est la résoudre. Jamais l’Europe, ni l’OTAN, dira-t-on, ne laisseront éclater la Belgique. Que pourraient-ils donc faire : débarquer les « Marines » pour nous apprendre par la force à vivre ensemble ?

Le Centre d’études du MR porte le nom de Jean Gol. Les pontes de ce parti ignorent-ils qu’à la fin de sa vie, Jean Gol ne se faisait plus la moindre illusion quant à la Belgique ? Selon lui, la poussée irrésistible du nationalisme flamand ne pouvait qu’entraîner la disparition du pays et seule la France était de nature à assurer l’avenir de la Wallonie.

Dans son livre « Splendeurs de la liberté », Paul-Henry Gendebien rapporte cet entretien qu’il eut avec l’intéressé : Nous en arrivâmes bien vite à calculer le nombre de départements, de conseillers généraux et régionaux, de députés qui reviendraient à la Wallonie. Sa férocité se déchaîna lorsque nous évoquâmes ceux de ses amis politiques qu’il faudrait recaser à l’Assemblée nationale. « De toute manière, ajouta-t-il, ils seront fiers de porter l’écharpe tricolore et quelques décorations feront le reste… ». Nous évoquâmes aussi diverses formules d’association ou de réintégration dans la République, le précédent de l’Alsace-Lorraine n’étant pas sans intérêt.

La raison pour laquelle la Belgique a été créée en 1830 (volonté des grandes puissances de l’époque, notamment l’Angleterre, de se prémunir contre la France) ne représente plus rien depuis belle lurette. Le temps n’est-il pas venu de réparer ce que l’ancien Premier ministre Yves Leterme a lui-même qualifié d’accident de l’Histoire ?

Jean Rey, l’un des pères de la construction européenne, était connu pour sa sagesse. En 1947, il déclara : Partout, quand un Etat unitaire est travaillé par un mouvement nationaliste, il est impossible qu’il ne finisse pas par craquer.

La Catalogne, l’Ecosse, la Flandre : il est vain de mener des combats d’arrière-garde contre des mouvements irréversibles.

En raison des caprices de l’Histoire, la Wallonie n’a été française que durant une très brève période, de 1794 à 1814. Pourtant, depuis le 13ème siècle, le français y a été accepté comme langue littéraire. L’historien namurois Félix Rousseau voit là le fait capital de l’histoire intellectuelle de la Wallonie. Sans aucune contrainte, de leur pleine volonté, les Wallons sont entrés dans l’orbite de Paris et depuis sept siècles, avec une fidélité qui ne s’est jamais démentie, n’ont cessé de participer à la culture française.

La France serait-elle disposée aujourd’hui à accueillir la Wallonie ? A cette question, Jacques Attali, l’ancien conseiller du président François Mitterrand, répond clairement : S’ils étaient consultés demain sur l’éventuel rattachement des francophones à la France, 95% des habitants de l’Hexagone répondraient favorablement. Et il ajoute : C’est un beau débat. Qu’il commence !

Jules GHEUDE

Petits commentaireslorsque Jean Gol eut, entre autres responsabilités, celle d’ échevin des finances à la commune de Chaudfontaine, j’eus le plaisir de m’entretenir avec lui. Il me présenta à sa secrétaire en ces termes : « Monsieur Durieux est de ces personnes qui pensent comme moi, que notre capitale naturelle est Paris et qu’un jour nous rejoindrons la France ».

A l’époque, l’exemple du statut de l’Alsace-Lorraine  dans une France encore assez jacobine  pouvait servir d’exemple à la capacité de celle-ci de montrer son pouvoir d’adaptation.

Aujourd’hui, la France a évolué. La meilleure preuve en est l’aval donné par l’éminent constitutionnaliste français  Didier Maus au projet d’Intégration-Autonomie de la Wallonie dans la République française  exposé par Jacques Lenain sur son site http://www.belgique-française.fr ou sur ce site. Dans ce projet, la Wallonie aurait un article qui lui serait consacré sur mesure dans la Constitution française (Lire l’entretien Didier Maus-Jacques Lenain) afin que sortent renforcés ET la Wallonie ET la France.

Dans une de ses caricatures, Pierre Kroll avait pastiché  le tableau à la pipe de René Magritte. Il avait dessiné les contours de la Belgique sous lesquels il avait écrit : « ceci n’est pas un pays ». Dans un prochain article, nous aurons le plaisir de vous parler du très beau livre de Pierre Kroll  paru aux éditions « Les Arènes ».

En   2006, lorsque je rencontrai François Perin pour essayer de le convaincre à se présenter aux élections provinciales dans le canton de Liège afin de « pousser » la liste du R.W.F. (rassemblement Wallonie-France),  il me répondit :  « je vais vous faire plaisir, mais je vous le dis, à mon âge, c’est une connerie, je n’oserai même pas le dire à ma famille. Par ailleurs, je vous avertis, c’est la dernière fois que je me présenterai sur une liste électorale ». Cela ne l’empêcha pas de récolter plus de 500 voix de préférence loin devant ses colistiers.  (A l’époque, j’étais président de l’arrondissement de Liège du R.W.F.)

Paul Durieux

6 réflexions sur « C’est un beau débat : qu’il commence ! »

  1. Le dernier paragraphe très anecdotique (d’autant que François Perin a terminé sa vie en Flandre, à Koksijde, en contradiction totale avec son idéal politique) déforce l’ensemble de l’article.

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  2. Entièrement d’accord, mais Macron me gêne en France aujourd’hui. Le seul homme politique valable est Jean-luc MÉLENCHON, pour son programme écohumaniste notamment, les autres ne valant pas tripette ! L’agence Bloomberg a aussi vu la FI au pouvoir en 2022 dans l’hexagone.

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  3. Excellent et prophétique article qui renoue avec le sujet primordial: le Retour à la France.
    Il faut ajouter que la France ne fera pas le premier pas ouvertement. Les jeux diplomatiques s’organisent autrement. Comme au théâtre, il existe avant tout des coulisses.
    Malheureusement, sauf miracle, aucun Wallon, aucune Wallonne n’osera risquer « sa carrière » comme guide providentiel.
    Existerait-il des plans préalables au divorce ? Cela étonnerait plus d’un parmi nous.
    Non, ils attendront tous le tomber de rideau qui profitera, bien évidemment, à la Flandre qui raflera la mise.
    Monsieur Perin a terminé sa vie en Flandre. Cela cautionnerait-il ce pays de sa part ? Non, bien sûr. Rien ne l’obligeait, à l’instar de Victor Hugo, de s’exiler à Jersey.

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  4. En attendant :
    La Belgique prend la présidence du Benelux et présente ses priorités RTBF avec Agences Publié à 12h09
    La Belgique a officiellement pris lundi la présidence tournante pour 2018 de l’Union Benelux – le « laboratoire de l’Europe » qui souffle cette année ses 60 bougies – en présentant ses priorités, qui vont du développement de systèmes de transport intelligents au soutien à l’économie circulaire en passant par la transition énergétique, la coopération policière et la lutte contre la fraude sociale.
    La Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas devraient également renforcer leur coopération en matière de gestion des crises et la lutte contre les catastrophes ainsi que sur les plans de l’asile et de la migration.
    Le programme 2018 du Benelux comprend aussi une attention particulière à la numérisation et à la durabilité, a annoncé le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders lors d’une cérémonie au palais des Académies à Bruxelles en présence de ses homologues grand-ducal et néerlandais, Jean Asselborn et Halbe Zijlstra.
    Le secrétaire général de l’Union Benelux, Thomas Antoine, a pour sa part révélé lundi le slogan et le nouveau logo de l’organisation, qui célébrera le 5 juin prochain à Bruxelles, en présence des souverains des trois pays, le 60ème anniversaire de son premier traité: « plus vert et plus jeune ».
    Le 6 février, les fédérations du secteur logistique décerneront pour la première fois ensemble des distinctions « Lean and Green » à des entreprises qui s’engagent pour l’environnement, a-t-il indiqué pour expliquer la motion de « plus vert ».
    « Lettre de voiture »
    Le Benelux lancera aussi cette année un projet-pilote de digitalisation de la « lettre de voiture » (un document de transport) qui devrait à terme permettre une économie annuelle de 300 millions d’euros sur le territoire des trois pays et favoriser l’optimisation des transports.
    Les ministres des Transports belge, luxembourgeois et néerlandais lanceront ce projet le 5 mars.
    Les ministres de l’Enseignement des trois pays approuveront jeudi la reconnaissance automatique du niveau de tous les diplômes de l’enseignement supérieur dans le Benelux, ce qui vise à favoriser la mobilité professionnelle des jeunes.
    Les trois pays mènent également un projet de longue date – il remonte à la création de l’Union économique Benelux, qui a précédé l’Union Benelux, plus politique, créée voici dix ans – de marché unique dont le modèle a inspiré l’Union européenne.
    L’actuel « retail market » Benelux génère ainsi un chiffre d’affaires annuel de 220 milliards d’euros et pourrait créer vingt milliards d’euros et 90.000 emplois supplémentaires, a souligné le secrétaire général.
    Selon MM. Antoine et Reynders, faisant référence à la déclaration des trois chefs de gouvernement publiée le 8 novembre dernier, l’année 2018 sera aussi consacrée au renforcement de la coopération avec la France – et en particulier avec ses régions frontalières de la Belgique -, à l’instar de celle établie avec le Land (Etat régional) allemand de Rhénanie du nord-Westpahlie.

    Ce que la Wallonie devrait faire, voilà qu’elle en abandonne l’initiative au Benelux.  » l’année 2018 sera aussi consacrée au renforcement de la coopération avec la France – et en particulier avec ses régions frontalières de la Belgique –  » Bravo, les Lilliputiens !

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  5. Petite question : les Jean Gol, Rey, Perin et consorts… qu’ont-ils fait concrètement pour la cause rattachiste, à part confier plus ou moins discrètement aux médias que oui, bon, éventuellement, un jour, nous serions français. Ce n’étaient pas exactement des hommes d’action… José Happart, à la limite, avait un certain courage physique… Au début.

    Tous les rattachistes mettaient un cran de sûreté à leur action. Pourquoi? Parce qu’ils avaient la trouille, comme vous et moi, car je ne prétends pas déroger à la règle. La Wallonie de l’indicible peur. Hélas, en politique comme à la guerre, Dieu est du côté des gros bataillons.

    Si la Flandre a obtenu tout ce qu’elle voulait, c’est parce que les Flamands, eux, ***n’ont jamais reculé devant la violence politique et physique***. C’est terrible à dire, mais c’est ainsi. Relisez George Sorel ou Machiavel.

    Machiavel le dit très bien : il faut attraper Fortuna par les cheveux : il est même beaucoup plus explicite. Mais qui aura ce courage parmi les rattachistes ? Nous ne sommes plus tout jeunes, nous sommes ultra-minoritaires et quels réseaux soutiendraient une telle action révolutionnaire ? L’armée elle-même est flamande.

    Soyons lucides : on a raté le coche à Grâce-Berleur et depuis, on attend. mais le Kali Yuga, ça peut encore durer longtemps.

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