Ce soir, la Marseillaise

La Marseillaise est un document historique. Elle est née avec la République française. Elle a été chantée par les peuples en quête de liberté, par les travailleurs qui réclamaient plus d’égalité. La France, aujourd’hui, éprouve le besoin de revisiter ses symboles. Ce soir, la Marseillaise est au menu de France 5.

Voici la présentation de l’émission sur le site Telerama.fr :

Sur France 5 : “La Marseillaise”, un hymne qui rassemble et divise

sur-france-5-la-marseillaise-un-hymne-qui-rassemble-et-divise,M291463Au lendemain des attentats du 13 novembre, des millions de personnes entonnaient “La Marseillaise”. Pourtant, ce chant n’a jamais fait l’unanimité.

La France, meurtrie par les attentats de janvier et de novembre 2015, a retrouvé avec passion les couplets écrits par Joseph Rouget de Lisle en 1792. De New York à Melbourne et Tel Aviv, en passant par l’Irak, La Marseillaise a été reprise dans les stades de football, les salles de concert, un camp de réfugiés ou les rues, par des milliers de personnes qui, souvent, n’en connaissaient que l’air. Comment un chant vieux de deux siècles peut-il rassembler au-delà des frontières et des langues ? « La Marseillaise est un hymne très puissant. Elle porte l’image de la France. Sa musique est formidable, entraînante. C’est devenu un chant global pour dire non, un moyen de clamer que l’on ne sera pas défait », explique Peter McPhee, historien de la Révolution française à l’université de Melbourne. « Ce chant révolutionnaire a retrouvé sa fonction de rassembleur », confirme Mathieu Schwartz, auteur de La Marseillaise, l’éternel chant de bataille, un documentaire instructif et bienvenu.

Cet hymne que « l’on ressort de derrière les fagots », selon une formule « cynique » du général Bugeaud, a pourtant mis du temps à s’imposer. Ecrit pour encourager les combattants de l’armée du Rhin face aux monarchies européennes qui attaquent la République naissante, La Marseillaise est ensuite bannie par les régimes autoritaires. Napoléon lui préfère Veillons au salut de l’Empire. La Restauration et la monarchie de Juillet la jugent subversive mais pas le peuple qui l’entonne, sur les barricades, lors des révolutions de 1830 et de 1848. Napoléon III l’écarte au profit de Partant pour la Syrie, et c’est finalement la IIIe République qui lui redonne son statut d’hymne national.

Elle l’a conservé depuis avec plus ou moins d’éclat, selon les époques. Au début du XXe siècle, son aura révolutionnaire pâlit auprès de la classe ouvrière, qui préfère L’Internationale à ce chant adoubé par les institutions. Le Front populaire la réhabilite mais, quelques années après, elle fait les frais de l’occupation allemande. Pétain s’en méfie et l’ampute de son premier couplet, au ton trop insurrectionnel, tandis qu’elle devient un symbole pour les résistants qui l’adoptent en même temps que Le Chant des partisans. Sous la IVe et la Ve République, La Marseillaise est négligée par les mouvements internationalistes et pacifistes, mais sert de ralliement à une droite nationale qui en offre une vision étriquée et excluante, antinomique du souffle originel des républicains de 1792.

Plus près de nous, les Français issus de l’immigration maghrébine ont parfois eu du mal à entonner un chant longtemps synonyme des violences du colonialisme. « Nous ne pouvions le faire sans trahir nos parents, leur douleur de la guerre d’Algérie qu’ils nous ont inoculée », raconte Magyd Cherfi, du groupe Zebda. Les attaques perpétrées cet automne à Paris en changent la perception. « Il y a des jours où on aime la France, où on a envie de chanter La Marseillaise, envie d’être tricolore comme un supporter insupportable », écrit-il dans une tribune parue dans Libération au lendemain du 13 novembre. Pour autant, l’image d’une France ouverte et généreuse incarnée dans la 5e strophe de Rouget de Lisle par « des guerriers magnanimes » prêts à accueillir ceux qui ne sont pas libérés de l’oppresseur, peut-elle résister à la dureté des temps et au flot d’immigrés qui fuient les zones de conflit ? « Elle est un miroir tendu qui provoque un malaise car nous sommes conscients du décalage entre les idéaux révolutionnaires et la réalité », estime l’historien Guillaume Mazeau.

Au terme de son enquête, Mathieu Schwartz offre, lui, d’assumer ce texte dans toute sa complexité et d’accepter son universalité, son caractère belliciste et ses mots écrits dans la tourmente d’une république menacée, qui, de tout temps, ont choqué. De Lamartine à Lambert Wilson en passant par l’abbé Pierre, nombreux sont ceux qui ont voulu en changer les strophes. Le « sang impur » évoqué dans le refrain étant ce qui fait actuellement le plus ­débat. Des mots que l’on assimile à « la race » mais qui renvoyaient, à l’origine, au sang des aristocrates, ennemis de la république. La notion de race n’existait pas comme on l’entend actuellement, rappelle le sociologue Edgar Morin. Aujourd’hui, on peut aimer La Marseillaise sans être un nationaliste ­farouche, on peut aussi la refuser sans être un mauvais citoyen. « Questionner les symboles, les garder vivants fait de nous une communauté de choix et pas d’identité », plaide Guillaume Mazeau. Le danger serait de la sacraliser pour se complaire dans l’illusion d’une république acceptée par tous. Une tendance que porte en germe la création en 2003 d’un délit d’outrage aux emblèmes. « Un nouveau blasphème ? » ironise l’historien Jean-Noël Jeanneney.

L’élan de solidarité qui a suivi les attentats de novembre et a vu des millions de Français entonner à l’unisson La Marseillaise peut-il durablement se prolonger ? Rien de moins sûr. Il ne pourrait être qu’« une écume mensongère », craint Magyd Cherfi. A l’image de cette France black, blanc, beur tant saluée en 1998 et qui se dessinait sur la joue le drapeau tricolore. A moins que les Français ne répondent cette fois vraiment à l’appel de l’hymne qu’ils entonnent et qui les enjoint de s’engager pour défendre une république ­attaquée. Comme citoyen, suggère Guillaume Mazeau, et non plus militairement, tels les soldats de Valmy.

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