Au départ, il y a les trois couleurs. D’où viennent-elles ? Le bleu et le rouge sont celles de la ville de Paris depuis le XIVe siècle. Le blanc est la couleur arborée sur les champs de bataille par les rois de France dès Henri IV – on se souvient du fameux « Ralliez-vous à mon panache blanc ! » lancé par le souverain à ses partisans. C’est aussi, pour l’anecdote, le symbole de reconnaissance adopté en écharpe par les protestants et donc, logiquement, par Henri IV. Par un tour de passe-passe, le blanc sera désormais associé à la royauté française.
Mais les choses ne sont pas si simples… Le bleu est aussi une couleur choyée par les rois de France, sur le manteau du sacre bordé d’hermine ou dans leur blason « d’azur semé de fleurs de lys ». Henri IV va même rajouter le rouge de son blason de Navarre, ce qui fait que les trois couleurs sont déjà associées sur les armoiries du royaume de France jusqu’à Louis XVI. Il faut ajouter que ces couleurs ont également une signification chrétienne : chez les catholiques, le bleu est associé à la Vierge, le blanc aux anges et à la pureté – en particulier à l’ange Michaël – et le rouge symbolise le martyre de la foi – couleur des cardinaux.
Un roi en bleu-blanc-rouge
Anne-Louis Girodet de Roussy, Autoportrait, 1792
Sous la Révolution française, le nouveau pouvoir balaie les anciens symboles pour en adopter d’autres : le rouge a la préférence, c’est la couleur du bonnet phrygien, symbole de la liberté, mais on porte également des cocardes rouge et bleu, couleurs de la ville de Paris où a commencé le soulèvement. Le roi étant toujours en place – jusqu’à la proclamation de la République en 1792 –, on y associe logiquement le blanc, couleur de la royauté. Les trois couleurs bleu-blanc-rouge deviennent le symbole du nouveau régime, même si elles font écho, finalement, aux traditionnelles couleurs du royaume… En juillet 1789, Louis XVI accepte de porter la cocarde tricolore, symbolisant l’union du roi et de la nation, et les officiers sont priés d’attacher en écharpe les trois couleurs lorsqu’ils sont en mission. On les retrouve sur les drapeaux, mais avec une certaine fantaisie, même si l’Assemblée définit le pavillon national sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.
Avec Napoléon, les trois couleurs font le tour de l’Europe à travers les conquêtes multiples de l’armée française. L’empereur, habile politique, adopte le drapeau de 1789 et synthétise les idées neuves de la Révolution avec sa dictature personnelle. Le régime suivant jette aux orties le symbole de son empire : Louis XVIII et Charles X, frères de Louis XVI, reviennent au drapeau blanc, symbole de leur royaume retrouvé. Mais leur successeur Louis-Philippe, ambitieux et tacticien, accepte les trois couleurs pour leur succéder, après les émeutes des Trois Glorieuses. Il devient un « roi normal », celui de tous les Français, abandonnant les marques ostentatoires de l’ancien régime. Au même moment, Delacroix immortalise la victoire des barricades en peignant La liberté guidant le peuple, avec la femme aux seins nus qui brandit l’étendard tricolore.
La liberté guidant le peuple de Delacroix
Le drapeau rouge en 1848
Quand la IIe République est proclamée, en 1848, un débat s’ouvre : faut-il conserver ce drapeau compromis avec les bonapartistes et les royalistes ? Les plus extrémistes, on dirait aujourd’hui les plus « gauchistes », veulent le drapeau rouge, celui de la Terreur et des sans-culottes. Le poète Lamartine parvient à calmer les esprits : « Le drapeau rouge que vous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champs-de-Mars, clame-t-il, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie. » Les trois couleurs sont sauvées.
En 1871, nouvelle crise. Après la chute de Napoléon III, les élections portent à la Chambre une majorité de monarchistes… qui souhaitent rétablir sur le trône le dernier descendant des Bourbon, le comte de Chambord, Henri d’Artois. Mais ce dernier, éduqué dans le culte du passé, met plusieurs conditions à son retour, dont celle de reprendre le drapeau blanc : « Il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe », clame-t-il. Le comte va passer à côté de son destin. Les monarchistes sont divisés : après tout, les trois couleurs sont celles des armées. Ils tergiversent, perdent du terrain et les parlementaires, lassés, finissent par voter l’instauration de la IIIe République… qui doit son salut à l’étendard tricolore.
Trop nationaliste et colonialiste
Pour s’enraciner, cette nouvelle république s’accroche aux emblèmes, notamment au drapeau, à la Marseillaise et à Marianne coiffée de son bonnet phrygien. Pendant plus de soixante ans, elle va éduquer de nouvelles générations autour des symboles républicains. La Grande Guerre de 14-18, qui frappe chaque famille, consolide le culte du drapeau dans le sang et les larmes. Même le Front populaire verra les trois couleurs mélangées à la bannière rouge communiste dans les manifestations.
Puis le drapeau français devient peu à peu le symbole de la droite, du conservatisme, du colonialisme. Pour la gauche française, c’est l’ennemi, l’armée, de Gaulle, l’autorité… Après mai 1968, l’étendard devient complètement ringard, tout juste bon à orner les façades des préfectures. Le Front national le récupère habilement, à l’heure où on ne parle que d’Europe et de mondialisation. Avec Jeanne d’Arc, il devient son emblème, et le brandir fait de vous quasiment un facho ou un réactionnaire. La République finit par se réveiller, elle revient aux cours d’instruction civique, tant chéris par la IIIe, et réapprend la citoyenneté à ses élèves – les mêmes qui, aujourd’hui, affichent sans complexe les trois couleurs sur les réseaux sociaux.
Puis Ségolène Royal surprend sa famille politique en remettant soudain le drapeau à l’honneur pendant sa campagne électorale de 2007 : la gauche semble soudain se souvenir que ses illustres aïeux ont été les premiers à promouvoir l’étendard tricolore. En appelant à pavoiser pour un drame national, François Hollande s’inscrit dans la même logique. L’homme de gauche veut se réapproprier un emblème trop longtemps brandi par la droite. Et le président veut rassembler les Français autour de ses couleurs historiques. Le drapeau va-t-il enfin réconcilier les Français ?
Une réflexion sur « Le drapeau tricolore est-il de droite ou de gauche ? »
Qui a voulu au vingtième siècle abandonner le drapeau tricolore et l’hymne national ? La Gauche.
Qui a tourné en dérision le drapeau tricolore et l’hymne national ? La Gauche qui abaissait
ces deux symboles à des marques étriquées pour nationalistes et même, pire, à des « bouts de chiffons ».
Le vert Bové (qui n’a rien d’un vert galant), tout pétri d’internationalisme et d’alter-mondialisme, leur a, sauf erreur, dénié des valeurs de gauche.
Qu’en penseraient les anciens de Valmy qui sauvèrent la République ?
Qu’en penseraient les anciens de 14/18 qui passèrent des champs et des usines aux tranchées ?
La Marseillaise et le drapeau tricolore représentent les valeurs républicaines, elles appartiennent au patrimoine de la Nation. Sauf erreur, la Nation n’appartient à aucun parti politique; elle rassemble dans l’égalité tous les citoyens.
Qui a voulu au vingtième siècle abandonner le drapeau tricolore et l’hymne national ? La Gauche.
Qui a tourné en dérision le drapeau tricolore et l’hymne national ? La Gauche qui abaissait
ces deux symboles à des marques étriquées pour nationalistes et même, pire, à des « bouts de chiffons ».
Le vert Bové (qui n’a rien d’un vert galant), tout pétri d’internationalisme et d’alter-mondialisme, leur a, sauf erreur, dénié des valeurs de gauche.
Qu’en penseraient les anciens de Valmy qui sauvèrent la République ?
Qu’en penseraient les anciens de 14/18 qui passèrent des champs et des usines aux tranchées ?
La Marseillaise et le drapeau tricolore représentent les valeurs républicaines, elles appartiennent au patrimoine de la Nation. Sauf erreur, la Nation n’appartient à aucun parti politique; elle rassemble dans l’égalité tous les citoyens.
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