Pour une raison de dépassement horaire, le discours de clôture n’a pu être prononcé que partiellement lors de notre Assemblée Générale Ouverte du dimanche 11 octobre. J’ai en effet choisi de privilégier la fidélité à ce que nous avions annoncé dans nos invitations et imprimé sur nos affiches : faire circuler la parole parmi les participants.
Au long des jours qui ont suivi le 11 octobre, vous aurez eu tout loisir de voir ou de lire ce qui suit :
– le reportage photographique de notre événement, fruit du travail de M. François Nisse;
– le texte d’accueil de M. Georges-Henry Simonis : « brève homélie pour un dimanche pas comme les autres »;
– l’allocution de M. Philippe Destatte : « la Wallonie et la France, 70 ans après le coup de semonce de 1945 »;
– l’analyse de M. Jules Gazon : « quels seraient à ce jour les besoins de financement d’une Wallonie autonome »;
– le discours de M. Georges Régibeau : « déboussolée, la Wallonie ? »;
– le texte de M. Jacques Lenain : « le projet d’intégration – autonomie de la Wallonie dans la République française ».
Discours de clôture dans son intégralité
Monsieur le Ministre-Président wallon,
Messieurs les Bourgmestres, Echevins et Conseillers Communaux,
Monsieur le Secrétaire général du Mouvement populaire flamand,
Mesdames, Messieurs,
Chères Amies et chers Amis,
Je commencerai par des remerciements :
Merci de nous avoir rejoints ce matin en ces lieux chargés d’histoire puisque c’est à deux pas d’ici, dans la salle des fêtes du Jardin d’Acclimatation qu’eut lieu le Congrès national wallon de 1945.
Merci aux orateurs pour la qualité de leur exposé.
Merci aux administrateurs et membres de l’ AWF qui, par leur travail, ont permis à cette journée d’exister,
Merci enfin à tous les membres de notre mouvement qui, par leur vote, ont permis le renouvellement de notre Conseil Général, ont ratifié les statuts de notre Alliance et m’ont fait l’honneur de me renouveler leur confiance comme président de l’AWF, ce qui me touche profondément.
Loin de nous l’outrecuidance d’avoir voulu reproduire ce moment de l’histoire de tous les Wallons qu’a été le Congrès de 1945. Selon l’Encyclopédie du Mouvement Wallon, ils étaient 1048 qui représentaient tous les courants politiques et toutes les provinces de la société wallonne. Nous sommes une centaine dans cette salle, réunionistes, mais aussi citoyens soucieux de s’informer sur l’état et l’avenir de la Wallonie. Je veux insister sur un point : l’AWF regroupe des membres de tous les partis politiques wallons, mais aussi un grand nombre de citoyens non encartés qui se reconnaissent dans les Valeurs qu’illustrent nos statuts dans ses Principes Directeurs.
Nous avons voulu tout simplement faire évoluer notre Assemblée générale en une Assemblée générale ouverte à tous. Mais nous avons voulu aussi commémorer le 70è anniversaire du Congrès wallon des 20 et 21 octobre 1945 qui a vu le premier des deux votes, celui du 20 octobre, appelé vote sentimental, donner une majorité relative à l’option réunioniste. Permettez que nous nous sentions, nous réunionistes, les héritiers des 486 Wallons qui, par bulletin secret, votèrent en faveur de la réunion de la Wallonie à la France.
En 70 ans, le monde qui nous entoure a évolué à une vitesse vertigineuse. Nous ne sommes pas des passéistes. Nous vivons bien ancré dans le présent et notre rôle est de placer l’avenir de la Wallonie au centre de nos préoccupations.
Qui sommes-nous ?
Quelques mots sur les élections qui viennent de se dérouler. Vous devez savoir que le Conseil général de l’ AWF est un véritable club de réflexion où bouillonnent les idées. Il est un organe qui se veut ouvert et est amené à accueillir des collaborateurs ou des invités qui participent à ses travaux de façon ponctuelle ou permanente C’est lui qui définit les axes d’action de notre mouvement. Il élit en son sein le vice-président, la secrétaire générale, la trésorière et les administrateurs provinciaux du Bureau Exécutif. Celui-ci est chargé de la gestion quotidienne et de l’exécution des décisions du C.G. .
Notre mouvement s’articule aussi sur un groupe de parrainages de plus de 40 personnalités et citoyens.
Je vous concède bien volontiers que notre mouvement est encore peu connu et nous souffrons de ce manque de visibilité. Les médias ont une responsabilité fondamentale dans cette situation, mais il nous appartient aussi de trouver les moyens d’améliorer notre communication.
Quels sont ces moyens de communication ?
1. Notre site internet est reconnu par sa qualité et récemment notre maître-toile, Georges Régibeau, lui a donné un petit coup de jeune, même si nous sommes conscients qu’une présentation de lecture plus agréable est encore à trouver. Nous nous y exprimons par des articles qui concernent bien sûr le réunionisme, mais aussi par des sujets qui concernent des mouvements autonomistes, voire indépendantistes (Ecosse, Catalogne …). Les sujets sociétaux, économiques et environnementaux ne nous sont pas étrangers parce que nous sommes très sensibles au bien-être des citoyens wallons et français en particulier et de l’Humain en général.
2. Nous avons aussi notre page « facebook » qui reprend tous les articles publiés sur notre site.
3. Nous organisons des conférences ou participons à celles qui sont mises sur pied par des associations qui ont la bonne idée d’inviter un des nôtres à s’exprimer. Ainsi, le professeur Jules Gazon, invité par le CAL comme conférencier, sera à Barvaux le dimanche 25 octobre (voir article sur ce site).
4. Nous participons aussi à des manifestations. Nous étions à Dinant pour l’inauguration du monument dédié au Lieutenant de Gaulle, blessé à cet endroit lors de la guerre 14-18. A cette occasion, nous avons noué des contacts intéressants avec M. Bernard Valéro, Ambassadeur de France en Belgique.
5. Nous établissons également des contacts avec d’autres mouvements. C’est ainsi que nous sommes les partenaires wallons de l’opération » Communes pour la langue française » conduite par l’ambassadeur français Albert Salon. Son but est de lutter contre le « tout à l’anglais » qui va de pair avec une sujétion de l’Europe et des Etats qui la composent au monde anglo-saxon et particulièrement aux Etats-Unis d’Amérique. Nos administrateurs namurois ont entamé l’opération « Communes wallonnes pour la langue française » qui vient de donner ses premiers fruits avec des retours positifs des communes de Rochefort, Dinant et Profondeville.
6. Cette année a été riche pour notre mouvement avec la rédaction d’un mémorandum intitulé « AWF 2015 » envoyé à plus de 5000 adresses électroniques. A côté de réponses polies, nous avons entamé avec M. Paul Magnette, Ministre-Président Wallon, un échange de courriels constructif.
Dans ce mémorandum, nous rappelons notre analyse :
1. LA FIN DE LA BELGIQUE EST INELUCTABLE A COURT OU MOYEN TERME
a) La Flandre considère que le modèle fédéral belge est un échec et qu’il faut passer au confédéralisme (cf les déclarations d’Yves Leterme et des leaders du CD&V, Open-VLD, N-VA, mais aussi de certains SPa, Groen sans parler du VB).
b) Pour la Flandre, la 6e réforme de l’Etat n’est qu’une étape avant la 7e qui touchera le cœur de la sécurité sociale et éliminera petit à petit les transferts Nord-Sud évalués à 6, 8, 10 ou même 14 milliards, selon les matières prises en considération, mettant ainsi un terme à toute solidarité interrégionale (cf le récent conclave organisé par le VVB).
c) La Wallonie se trouvera dans l’obligation de faire face à une autonomie totale.
2. L’ANALYSE ECONOMIQUE DU PROFESSEUR GAZON
Corroborée par d’éminents professeurs en économie, elle démontre, chiffres à l’appui, qu’une Wallonie autonome n’est pas soutenable au plan des finances publiques. Certes, la Wallonie progresse grâce aux différents plans Marshall, mais le différentiel avec la Flandre ne cesse malgré tout de se creuser.
La fédération Wallonie-Bruxelles, ce machin aurait dit de Gaulle, sorte de Belgique résiduelle, ne l’est pas plus pour des raisons politiques (90 % des Bruxellois ne voient pas leur sort lié à celui de la Wallonie). Par ailleurs, nous assistons à un développement important de l’identité régionale bruxelloise (70 % de ceux-ci se disent aujourd’hui bruxellois avant tout).
3. Dès lors, la Communauté de destin avec la France s’impose. C’est le choix de la raison. C’est le choix de la solidarité interrégionale et du refus de sacrifier au minimum deux générations de Wallons sur l’autel d’une Belgique confédérale devenue mortifère pour la Wallonie. Pour certains d’entre nous s’ajoute bien sûr aussi le choix du cœur.
Nous pensons que le projet d’Intégration-autonomie, lu par Madame Havelange et fruit du travail de M. Lenain, haut fonctionnaire français, est le meilleur qui soit parce qu’il permet d’utiliser au mieux les articles de la Constitution française qui organisent les Collectivités territoriales. En ce moment, M. Jacques Lenain travaille avec un éminent constitutionaliste à un article qui viendrait s’ajouter à la constitution française et qui concernerait spécialement l’autonomie dont jouirait la Wallonie dans le cadre de la République. Au début de l’année 2016, notre Conseil Général doit avoir une réunion de travail avec M. Lenain à ce sujet.
Pourquoi la France ?
Nous savons que beaucoup parmi vous regardent les journaux télévisés français et lisent la presse hexagonale. Nous serions bien naïfs et bien stupides d’essayer de vous faire croire que tout va bien en France. Méfions-nous pourtant du french bashing, sport apprécié du monde anglo-saxon quand ce n’est pas des Français eux-mêmes (Rappel de la déclaration de François Fillon, alors premier ministre de Nicolas Sarkozy, qui annonçait la France au bord de la faillite, comparant sa situation à celle du Portugal ou de l’ Espagne) ou de certains journalistes de nos médias belges. Les clichés ont la vie dure (le jacobinisme français outrancier, le préfet parisien qui viendrait faire la pluie et le beau temps dans nos Provinces) et une méconnaissance réciproque de nos Etats et Régions est encore bien présente. Pour un Français, un Belge est nécessairement un ami. Nous savons qu’il n’en est rien et que si nous avons la langue française en commun, certains Wallons sont francophobes (cf le concours eurovision de la chanson : il est toujours pathétique d’entendre les commentateurs français attendre des points de leurs « amis » belges… ! )
La réunion de la Wallonie à la France trouve son argument principal dans la communauté linguistique et culturelle, mais les économies d’échelle que permettraient dès maintenant des accords bilatéraux dans bien des domaines sont d’une importance capitale.
Pensons par exemple au plus qu’apporterait à notre tourisme de faire partie de la première destination touristique au monde.
Pensons à la politique de la ville et comparons le comparable : Liège, Metz, Nancy… Nos responsables wallons de la politique de la ville reconnaissent que nos cités ont de 10 à 20 ans de retard par rapport aux villes françaises de même taille.
Pensons à la politique de défense. Devenu Français, nul besoin de dépenses militaires wallonnes. Et pour nos jeunes attirés par la profession militaire, plus besoin d’apprendre le néerlandais pour gravir de façon très aléatoire les échelons d’une armée belge flamandisée à outrance et en voie de former avec les Pays-Bas une armée intégrée.
Il serait trop long d’énoncer ici tout ce que la France pourrait nous apporter, mais aussi pour décrire tout ce que la Wallonie apporterait à la France. Ce seul sujet devrait faire l’objet d’une conférence. Dans notre projet, il appartiendra d’utiliser les talents, les potentialités et les complémentarités de la Wallonie et de la France pour que sortent renforcés ET la France ET la Wallonie.
Lors des interminables discussions pour former les deux gouvernements fédéraux précédant celui de Charles Michel, le discours des négociateurs wallons et Bruxellois de langue française était : « Nous ne sommes demandeurs de rien (rappel de Mevrouw « neen »).
Madame Milquet n’était pas la seule à défendre ce point de vue : « Nous voulons maintenir le statu quo, c’est-à-dire le fédéralisme d’union » était la voix de tous les négociateurs francophones. Nous avons même vu le président du 1e parti de Wallonie baser sa campagne électorale sur le slogan : « mon parti, c’est mon pays ». Entendez par pays, la Belgique.
Vous savez ce qu’il en est advenu : une capitulation sur toute la ligne.
A l’AWF, nous ne sommes pas « des demandeurs de rien » :
– Nous exigeons dès aujourd’hui que soient activés les accords bilatéraux signés en 2004 par le président wallon Jean-Claude Vancauwenbergh. Ceux-ci portent sur pas moins de 10 matières (*) économiques, sociales et environnementales fondamentales. Le gouvernement fédéral de Charles Michel n’a pas attendu un an pour se rendre en grandes pompes aux Pays-Bas et activer le même type d’accords bilatéraux signés auparavant par le gouvernement flamand avec les Pays-Bas.
N’attendons pas le bon vouloir du fédéral et pressons le gouvernement wallon d’activer les accords signés par la Wallonie avec la République française. Qu’il aille à Paris activer avec la France les accords de coopération linguistique, culturelle et scientifique signé en 1999 lorsque Pierre Hazette était ministre de l’enseignement obligatoire, ainsi que ceux signés en 2004 comme je viens de vous le signaler.
– Exigeons que les médias accordent la place que mérite dans le débat politique le projet d’intégration-autonomie dans la République française.
– Exigeons une radio publique wallonne qui nous parle des problèmes qui se posent aux Wallons. La récente opération « I Like Belgium » de RTL-TVI a été un monument du surréalisme belge. Je serais curieux d’obtenir les résultats de cette opération politique. Le fait que la station n’en parle pas pose question.
Comme nous le suggérait Robert Collignon que nous avions invité à l’une de nos conférences, affirmons notre volonté d’un avenir français en
– oubliant notre adhésion à un pays moribond qui sera de plus en plus dominé par la Flandre;
– proclamant notre appartenance à la grande culture française, celle des Droits de l’ Homme;
– nous débarrassant de tout complexe d’infériorité;
– négociant avec la France le projet d’intégration-autonomie.
Je terminerai par l’emploi d’un des plus beaux mots de notre langue française : FRATERNITE. Celle-ci ne pourra qu’être plus vivace avec nos futurs compatriotes français qu’elle ne l’est aujourd’hui dans le cadre belge avec nos compatriotes flamands.
Fraternellement,
Paul Durieux,
Président de l’ AWF
(*) Les accords bilatéraux signés en 2004, mais jamais activés, reposent sur les matières suivantes :
- échange permanent d’information;
- échange d’expériences et de personnes;
- conclusions d’ententes sectorielles;
- collaboration directe entre institutions diverses ( chambres de commerce, universités, entreprises, associations etc…);
- élaboration et réalisation de projets conjoints;
- transfert réciproque de technologies et de savoir-faire;
- organisation de rencontres professionnelles, séminaires, ateliers au bénéfice d’experts et de porteurs de projets;
- réalisation d’études et d’expertises;
- promotion réciproque de produits et de services;
- promotion de partenariats inter-entreprises et création de sociétés mixtes
Il serait bon de dire que la dernière réforme de l’Etat belgique a surtout été une opération de sauvetage financier pour le gouvernement fédéral et pour Bruxelles. La Flandre et la Wallonie en paient maintenant la facture. Les trois partis traditionnels « francophone » ont bien joué la survie de la belgique au détriment des entités Flandre (Déficit prévu en 2015 : 1 milliard) et Wallonie (idem ou presque !).On ne le dit pas assez !
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