Après les élections du 25 mai, il eût été simple de constituer rapidement une tripartite traditionnelle.
Interrogé le jeudi 19 juin dans le journal télévisé de la RTBF, le Premier Ministre en affaires courantes, Elio Di Rupo l’a répété sans la moindre réserve.
Le PS était donc, au lendemain des élections, tenté par le rétablissement de la coalition qui sortait renforcée du scrutin. Paul Magnette, son président faisant fonction, déclarait que l’initiative revenait au fédéral et que la mise en place anticipée des gouvernements régionaux apporterait un soutien aux thèses confédéralistes de la N-VA.
Après que le Roi eut désigné Bart De Wever en qualité d’informateur, le ton a changé au Parti Socialiste: le 5 juin, le parti communiquait sa décision de s’allier au CDH en Wallonie et d’étendre la coalition au FDF à Bruxelles.
Le MR avait antérieurement fait savoir que le rôle de dépanneur qu’il avait tenu pour sortir le pays de la crise de 540 jours, il ne le jouerait plus s’il n’était pas associé aux majorités régionales et à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
En annonçant les coalitions régionales, le PS sabotait la possibilité d’une tripartite et ouvrait la voie à la N-VA qui s’était exprimée en faveur d’une politique de droite au niveau fédéral. C’est à cette option du PS que l’on doit le maintien de Bart De Wever dans sa mission royale d’information au-delà des limites initialement prévues.
L’échec de l’informateur royal aurait signifié le début d’une crise plus inextricable encore que la précédente.
Le PS a joué sur cette probabilité.
On se souviendra qu’en 2010, à un moment de crispation avant le dépannage libéral, les cadors socialistes s’étaient exprimés. Charles Picqué, le premier, en septembre, se livrait dans « Le Vif« : »Le PS décrète la mobilisation francophone pour se préparer à la fin du pays…. Le risque de scission existe et le maintien du pays n’aura plus de sens s’il doit signifier une soumission aux intérêts de la majorité flamande… Des choses se préparent. Des experts planchent, notamment sur la capacité de contourner un éventuel veto flamand à la gestion de Bruxelles, en cas de coopération avec la Wallonie…. Ce qui me plait dans le plan B, c’est qu’il est raisonnable et qu’il n’est pas frappé de nationalisme. » Charles Picqué va même jusqu’à anticiper : »On va faire croire que les dirigeants francophones sont aussi responsables que les flamands de la course à la scission du pays. »
Mais Charles Picqué n’est pas seul. Le 5 octobre 2010, la Vice Première Ministre socialiste, Laurette Onckelinx, sortait du bois dans « L’Avenir ». Elle y évoquait la nécessité « plus que jamais » de réfléchir à un plan B pour les francophones.
Elio Di Rupo prenait le relais sur les plateaux télévisés le 10 octobre : « En cas de volonté d’indépendance de la population flamande, il faudra demander aux francophones s’ils souhaitent une Belgique composée de la Wallonie et de Bruxelles… »
Vincent de Coorebyter, Directeur du CRISP et observateur à la fois lucide et informé de notre vie politique, a commenté ces déclarations : « Des francophones ont parlé de plan B avec une certaine consistance, avec les apparences de la détermination. Je dis « des francophones » parce que toutes les déclarations venaient du PS, les autres partis étant restés prudents, voire muets, à ce sujet… ».
Quand on relit ces textes à six mois du scrutin, on est amené à conclure que les dirigeants socialistes ont entraîné le CDH dans un processus de liquidation de la Belgique avec autant de détermination, sinon plus, que le leader de la N-VA. Mieux, ils ont ouvert la voie aux nationalistes flamands en torpillant la tripartite. La manœuvre a été mûrement réfléchie. Paul Magnette la pilote au départ de l’Elysette et de l’Hôtel de Ville de Charleroi, Elio Di Rupo depuis le boulevard de l’Empereur, Laurette Onkelinx depuis son banc à la Chambre et à la tête de la Fédération socialiste de l’arrondissement de Bruxelles et Charles Picqué, à la présidence du Parlement bruxellois, pourra faire obstacle, comme il l’a annoncé, à la tentative de veto flamand à la gestion de Bruxelles.
On retrouve –ce n’est pas un hasard- les personnalités qui ont évoqué le plan B en 2010.
En décembre 2011, l’économiste liégeois, Jules Gazon, décortiquait la stratégie qui se révèle aujourd’hui : « Les autorités politiques wallonnes, à défaut d’avoir informé correctement leurs ouailles, prisonnières qu’elles seront de leur discours, seront tentées ou par un confédéralisme dépourvu de tout lien solidaire ou par l’indépendance. Dans les deux cas, très vite se produira un cataclysme financier mettant à genoux les Wallons et, peut-être, les Bruxellois. »
Le Parti Socialiste donne peut-être l’impression d’avoir gagné le deuxième tour du scrutin du 25 mai après avoir perdu des voix dans le premier. C’est sans doute conforme aux spéculations de ses dirigeants. Il est très peu probable cependant que leurs manœuvres contribuent à la relance de l’économie wallonne, à la promotion de l’emploi, à la consolidation des acquis sociaux, à l’ouverture des grands chantiers nécessaires, à l’assainissement des finances publiques.
Il est évident aussi que le Premier Ministre sortant, après avoir vanté la sixième réforme de l’état, salvatrice de la Belgique, n’a pas dit un mot pendant la campagne électorale du plan B qui sort de l’ombre aujourd’hui. Jules Gazon avait vu juste: les ouailles n’ont pas été préparées.
Il est vrai que, de son côté, Bart De Wever a les coudées franches pour avancer dans sa stratégie et, même si elle devait durer cinq ans, la coalition n’y fera pas obstacle. Il peut compter sur une opinion wallonne chauffée à blanc pendant la durée de la législature et, en conséquence, sur une remontée du PS ou de la gauche morcelée, pour inviter les Flamands à réaliser son rêve avoué.
Il se pourrait bien que nous vivions un dernier épisode de l’histoire de Belgique, mais je me demande où les historiens situeront la cause de la rupture. Faut-il rappeler que les grèves de 60-61, dont le souvenir devrait éclairer notre présent, se sont soldées par la revendication de la gauche wallonne qui réclamait, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la pleine compétence de la politique économique et sociale?
Bart De Wever va la lui offrir. Encore un petit effort, encore quelques vitres brisées, quelques trains arrêtés et ce sera dans la poche.
Pierre HAZETTE.
Que dire de plus si ce n’est une fois encore, la justesse d’une analyse que certain jugerons triste et désolante, mais qui pourtant porte en elle un gage d’espoir à mes yeux pour le retour à la dignité de nos valeurs au sein d’un espace géopolitique stable et cohérent, façonné par les wallons, voire tous les francophones….
Plus que jamais, il y a lieu de réfléchir avec calme, lucidité, mais aussi et surtout objectivité quant aux différentes perspectives d’avenir géopolitique qui s’offrent à nous, loin du poids du joug du diktat flamand.
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« Allons enfants de la Patrie, le jour de gloire VA arriver… »
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