Il y a environ quinze jours, Elio déclarait à un journaliste d’Outre-Quiévrain « qu’il y avait une grande différence entre le Belge et le Français : le Belge, lui, pratique la culture du compromis ». C’est ainsi que m’est venue l’idée de consulter ma vieille mémoire et d’en extraire quelques exemples de compromis à la belge.
En 1962, les deux seules autoroutes belges sont en Flandre : autoroute Bruxelles-Ostende et autoroute Anvers-Liège qui s’est arrêtée au niveau de la frontière linguistique et des charbonnages de Campine. La politique de la Flandre est claire : favoriser le tourisme de la côte belge et étendre l’hinterland du port d’Anvers. En d’autres termes, favoriser l’axe de communication nord-sud au détriment de l’axe est-ouest qui nous aurait été plus favorable et qui nous aurait probablement coûté moins cher. C’est ainsi que, de compromis en compromis, l’autoroute de Wallonie mettra plus de deux décennies avant d’être mise en service : changement de priorité, tracasseries politiques et administratives, mise en concurrence avec l’autoroute flamande Courtrai-Gand-Anvers-Turnhout, craintes que Dunkerque ne fasse de l’ombre à Anvers, peur d’une collaboration trop importante entre la Wallonie et la France… Financement national pour tous, retombées régionales pour un seul. Avantages pour l’un, désavantages pour l’autre.
Nous avons la culture du compromis.
Etant unanimement déclaré d’intérêt national par la Flandre, le financement du terminal gazier de Zeebrugge fera l’objet d’un bon compromis à la belge. En échange, la Wallonie recevra le financement de cinq kilomètres d’autoroute supplémentaires.
Nous avons la culture du compromis.
Cette merveille qu’était le jardin botanique de Bruxelles se trouvait à l’étroit. Comme par hasard, c’est en Flandre qu’il sera transféré, mais grâce à la culture du compromis, il restera une institution nationale. C’est même, si ma mémoire est bonne, la dernière institution nationale de Belgique. Mais depuis l’époque de son transfert, le sol flamand est devenu de plus en plus sacré. Récemment, des voix se sont élevées pour la flamandiser, mais ce n’est pas grave.
Nous avons la culture du compromis.
L’aéroport national a été construit en Flandre avec l’argent de tous. Les bénéfices sont pour la Flandre, et les nuisances sonores pour Bruxelles, mais ce n’est pas grave.
Nous avons la culture du compromis.
Lors du tracé de la frontière linguistique, six communes francophones de la périphérie bruxelloise ont été cédées à la Flandre, mais en échange de facilités linguistiques. Aujourd’hui, nos chers compatriotes ne peuvent plus supporter la présence de francophones sur leur sol, mais ce n’est pas grave.
Nous allons trouver un compromis.
Ces vingt dernières années, la Flandre a réclamé la scission de Bruxelles – Halle – Vilvoorde. Après plus de cinq cents jours de crise, elle a obtenu satisfaction sans céder la moindre contrepartie. Le résultat des négociations est du genre farfelu, mais ce n’est pas grave.
Il nous permet de tenir jusqu’au prochain compromis.
Aujourd’hui, la Flandre réclame le confédéralisme. Elio, Joëlle et Charles jurent, la bouche en cœur, qu’on ne touchera ni au social, ni à la solidarité, ni aux articles de la Constitution qui pourraient mettre la Belgique en danger.
C’est ainsi que, le cœur léger, nous nous dirigeons vers le compromis des compromis : un confédéralisme pur et dur.
Elio, pourquoi n’as-tu pas demandé au journaliste qui t’interviewait quel était la grande différence entre un Français et un Belge ? Il t’aurait répondu que « la grande différence entre un Français et un Belge, c’est qu’on ne verra jamais les Picards manifester en criant : « les Alsaciens dehors ! » »
Adrien LHOMME, avril 2014
Très bonne synthèse de » LHOMME » qui a de la mémoire, c’est bon à rappeler pour comprendre tout ce que la plupart des élus francophones ont avalé comme couleuvres sur 50 ans au profit d’ un petit maroquin qui rapporte gros lorsqu’on accepte de s’écraser sans honneur… que de glorieux RV ratés avec l’histoire, des Fourons à Comines et des charbonnages à la métallurgie. Cela ne nous rendra pas le Congo disaient pudiquement certains…
C’était au temps où Bruxelles rêvait, c’était aux temps où l’Etat CVP dominait, en bonne expertise avec l’Etat PS.
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Superbe analyse empreinte d’une triste vérité, celle que celle culture du compromis est avant, pour pas dire exclusivement, la culture de la compromission cumulée à celle des promesses à la c..
Les premiers fautifs sont ceux qui motivent aussi mon engagement politique, à savoir cette caste politique francophone dont Mr Di Rupo est le triste exemple, ayant cédé aux Xème exigences flamandes dans le seul but de prolonger quelques temps encore les avantages que la manne céleste Belgovaque leur procure.
Comme démocrate, cette propagande m’inspire un sentiment de profond dégout, celui-ci étant aussi sans doute le terreau de certains votes vers les extrêmes !
Je crains qu’il faille attendre le … 26 mai au matin, puis juillet 2014, date d’entrée des 1er effets de la 6ème déforme de l’État, puis le 1er janvier 2015 pour que, une fois touché à leurs portefeuilles, le citoyen Wallon, tristement autiste ne se rende compte, j’espère pas trop tard, qu’il est temps d’envisager les voies de « l’après Belgique »
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Au risque de choquer, mais en politique, il faut parfois oser dire les choses, il faudrait cesser d’affirmer que la frontière linguistique a été tracée de façon arbitraire autour de Bruxelles ( le cas des Fourons est très différent, là il y a eu une grossière erreur). Elle l’a été après enquête sur place, effectuée par deux commissaires, un Flamand et un Francophone.
Oserais-je me permettre de rappeler que les communes dites à facilités étaient flamandes jusqu’à une date récente ? Dans les années ’70, Rhode-Saint-Genèse, aujourd’hui certes majoritairement francophone, ne comptait qu’entre 30 et 35% de Francophones. Les communes à facilités ont été francisées de fraîche date, et la situation actuelle n’est évidemment plus celle de 1962. La frontière linguistique reflète parfaitement la situation d’alors, situation qui a sensiblement évolué depuis, et cela, comme il est notoire, au grand détriment de la Flandre (ou plutôt de la langue flamande et des locuteurs locaux). Objectivement, je peux comprendre que celle-ci en soit profondément marrie et tente par différents moyens, de mettre un terme à un processus proprement catastrophique pour elle.
Ceci dit, même si la loi de 1963 n’est pas allée au bout de sa logique et si, à cause de ceux qui ont refusé d’intégrer (et ont même ou même nié) le caractère territorial et linguistique des « compromis des belges », le « jusqu’auboutisme belge unitaire » aura couté très cher – non seulement à la Wallonie, Michel Quévit (dont vous devriez mette le dernier livre sur votre page d’acceil…) l’a rappelé de belle manière – mais aussi, à titre individuel à ces gens qui, s’installant en toute confiance dans la périphérie bruxelloise, ont été trompés par leurs représentants politiques. Eux, ils savaient !
On a laissé, quand ce n’est pas incité, des Bruxellois francophones et étrangers à s’installer en périphérie de Bruxelles dans un territoire qu’ils étaient sensés savoir constitutionnellement et définitivement administré en néerlandais depuis 1963, BHV est scindé depuis 47 ans ! Les partis politiques traditionnels (y compris le FDF qui porte là une grande responsabilité pour des raixons purement électorales), eux, ils savaient !
Je disais que cette illusion politique a été tactiquement entretenue en cachant le scandaleux déficit démocratique dans les cantons de Halle-Vilvoorde, puisque les partis traditionnels y ont puisé allègrement dans un vivier de plus de 75000 électeurs francophones ( c’est une estimation) auxquels ils n’ont pas (ou peu) eu de comptes à rendre mais qui étaient d’une importance énorme en matière de constitution des majorités dans le collège électoral français et donc sur la manière dont la Wallonie y a été prise en compte. Les partis politiques traditionnels le savaient !
Les négociateurs actuels et futurs (rien n’est encore vraiment définitif puisque BHV n’est pas encore totalement scindé au moment où j’écris ces lignes) ne font que régulariser une décision d’il y a 47 ans… mais qui osera le dire ?
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