Le débat sur l’enseignement fait rage

Du maternel au supérieur, les enseignants veulent être entendus. Ne sont-ils pas les mieux placés pour relever les incohérences de « pactes », de « plans », de « décisions » qui sont pris sans que les décideurs n’aient au moins le respect d’ouvrir un vrai dialogue avec celles et ceux qui vivent au jour le jour les problèmes sur le terrain ?

C’est un beau débat, qu’il commence ! La proximité des élections du 26 mai est un moment propice. Et si l’enseignement devenait l’un des piliers des thèmes abordés lors de la campagne électorale ?

Cela nous changerait des slogans accrocheurs balancés tout azimut dans le seul but de pêcher les voix des citoyens.

Du maternel à l’enseignement supérieur, de courageux professeurs mettent les bras dans le cambouis. Jeudi 28 mars, c’était plusieurs professeurs de l’enseignement supérieur qui s’exprimaient dans « Le Soir ». Après le lettre ouverte contre le décret « PAYSAGE » signée par 400 professeurs en septembre dernier, un site web titré « LE LIVRE NOIR DE L’ENSEIGNEMENT » porté par Caroline de Mulder de l’UNamur et Nicolas Thirion de l’ ULiège vient de s’ouvrir. Son but : ouvrir le débat entre tous les acteurs de l’enseignement supérieur.

Nous y reviendrons bientôt sur ce site.

Dans la foulée, voilà l’avis d’un directeur d’école qui a le mérite de la clarté et du réalisme hors des chemins labyrinthiques des idéologies mensongères actuelles.

Paul Durieux

Une chronique de Jean-François Nandrin, directeur d’école secondaire s’exprimant à titre personnel, dans « La Libre » du 01 avril 2019.

L’école n’est pas là pour résoudre les inégalités sociales

Elle est par contre appelée à donner les codes de la réussite à ceux qui ne les ont pas.

Est-ce la perspective de la fin de l’année ? On assiste au grand retour du débat sur le redoublement avec la mise en évidence d’un taux anormal en Communauté française au vu d’autres systèmes, ou d’enquêtes scienti fiques qui vont à l’en contre de l’ expérience des enseignants .

Il y a plusieurs évidences à remettre en question concernant le redoublement. Certes, les résultats en Communauté française sont en berne. Mais il faut comparer ce qui est comparable : on double moins là où ce sont les parents qui l’acceptent éventuellement ; ailleurs, on ne double jamais mais on arrive dans des culs-de-sac. Nous devons aussi interroger l’ensemble de notre système, et observer les particularités de notre bout de pays. Ainsi, combien de Finlandais ne parlent-ils pas le finnois à la maison ? Si on décortique les enquêtes Pisa pour regarder les résultats en fonction de la langue à la maison, c’est déjà tout autre chose. Mais, chut, on ne peut évoquer ces choses-là.

Deux, l’aspect scientifique est confus. Une métarecherche récente conclut :  » On peine à s’appuyer sur des résultats fiables pour trancher la question [de l’efficacité du redoublement]. » Cela ne le rend pas positif, mais il faut éviter les « évidences scientifiques » qui sont trop souvent idéologiques.

Trois, le tronc commun de cours que tous les élèves suivront, annoncé miraculeux (« améliore l’efficacité des apprentissages, rend les résultats moins dépendants de l’origine sociale » – on dirait une pub pour un médicament), sera un nécessaire flop s’il ne vient pas en son temps (comme prévu par le Pacte) avec les élèves 3.0. Si on veut l’imposer avant, ce sera avec des élèves qui, pour certains, montent avec des résultats médiocres et une scolarisation insuffisante (manque d’intérêt pour l’apprentissage, refus de l’effort, etc.). Or, aborder des cours avec de fortes lacunes, c’est risquer de décrocher, faute de comprendre – jusqu’aux incivilités (il faut bien se valoriser). Il faut donc commencer par le début, en imposant trois maternelles. Et entamer là un nouveau système, avec peut-être d’autres approches de la réussite. Cela permettra de mieux scolariser les enfants avant les primaires, et de renforcer le français.

Enfin, il faut cesser de tirer sur le pianiste. Non, le redoublement n’est pas un réflexe. Dans les écoles, cela reste vécu comme un échec par presque tous les enseignants. Non, nous ne sommes pas heureux de « trier », c’est contraire à notre projet. Publier ces propos, c’est contribuer à dévaloriser l’école.

Mais si rien ne prouve que doubler résolve grand-chose, la question reste posée : que faire ? « Si le redoublement était un médicament, il serait interdit car il n’a pas fait la preuve de ses bénéfices et s’accompagne régulièrement d’effets secondaires négatifs. » Malheureusement, l’État à la fois n’accorde pas les fonds nécessaires à un autre traitement, et promet un monde sans maladie – ce qui est absurde et crée des attentes et des réactions inappropriées. Le Pacte d’excellence développe quant à lui de bonnes intentions, tout comme l’enfer. Mais avant tout je veux voir l’argent sur la table pour engager plus de personnel et leur permettre par exemple de travailler dans de plus petites classes (et non avec un plus grand salaire, ce qui est le discours des syndicats qui embrouille la communication).

L’école n’est pas non plus appelée à résoudre les inégalités sociales, mais à donner à ceux qui ne les ont pas les codes des études et de la réussite. Par là, elle permet de sortir de l’inégalité. C’était le rêve de « l’école de la République », cette grande idée destinée à faire sortir du régionalisme linguistique et de la pensée. Cette idée recevait l’aval des parents : ce n’est plus toujours le cas.

Il fallait éviter de traumatiser les enfants en les faisant doubler en primaire ? Eh bien, ils ne sont (vraiment) pas traumatisés ; par contre, faute de base, la Communauté française les a « tuer ». Copie à revoir !

3 réflexions sur « Le débat sur l’enseignement fait rage »

  1. Je ne suis pas enseignant. Je ne connais pas les diverses études réalisées à propos de notre enseignement. Je n’ai qu’un avis de parent et d’ancien élève (1966 -1981 dans l’enseignement de plein exercice). Mon avis n’est donc pas celui d’un acteur de terrain, mais il me semble, tant pour les primaires que les secondaires, que les heures de cours dispensées réellement sont largement moindres qu’auparavant et que le nombre de matières à enseigner (ou à aborder) a explosé. J’ai donc plus qu’une impression qu’en primaire, cela s’est fait au détriment des heures consacrées aux savoirs fondamentaux. Si les savoirs fondamentaux ne sont pas acquis au terme des primaires, comment poursuivre valablement dans le secondaire ? Impression ou réalité ?

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