La nation flamande existe bel et bien

Par Jules Gheude

Dimanche 23 décembre 2018. Sur le plateau de l’émission de RTL-TVI C’est pas tous les jours dimanche, le chroniqueur Michel Henrion lâche : « Je ne suis pas Flamand, Dieu m’en garde, … » Réaction immédiate du présentateur, Christophe Deborsu : « Pas cela, Michel, c’est choquant ! »

Confronté à une vague de commentaires indignés sur les réseaux sociaux, l’intéressé s’est expliqué : « La phrase sur ma fiche disait en substance : Si j’étais nationaliste flamand, que Dieu m’en garde, je serais furax. A l’antenne, ma langue, dans sa lancée, a malencontreusement fourché et gommé un seul mot, mais de ceux qui changent redoutablement tout à l’audition. Celui de « nationaliste ». Ce qui a donné ce couac aussi évident que regrettable. »

Si Michel Henrion a approfondi l’histoire de ce pays, il n’ignore pas que sa constitution, en 1830, s’est faite d’un trait de plume diplomatique, sans que les populations concernées aient eu voix au chapitre. Même le choix du monarque nous fut imposé par Londres. Talleyrand, le négociateur français, s’était d’ailleurs montré sceptique quant aux chances de viabilité de cette construction artificielle, fruit des circonstances de l’époque : « Deux cents protocoles n’en feront jamais une nation. Cela ne peut tenir. »

Dès le départ, en fait, le ver était dans le fruit. Il suffit de relire ce que Charles Rogier déclarait : « Il est évident que la seule langue des Belges doit être le français. Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire que toutes les fonctions civiles et militaires soient confiées à des Wallons et Luxembourgeois. De cette manière, les Flamands, privés temporairement des avantages attachés à ces emplois, seront contraints d’apprendre le français, et l’on détruira peu à peu l’élément germanique en Belgique. »

Un génocide linguistique, donc. C’est précisément pour le contrecarrer qu’un Mouvement flamand se constitua assez vite. De nature romantico-culturelle au départ, il finit par acquérir une dimension sociale et politique.

La grande majorité des francophones ignore à quel point ce mouvement a dû lutter pour arracher les premières lois linguistiques et faire en sorte que la Flandre puisse se faire entendre sur l’échiquier politique. Au début du XXe siècle, le cardinal Mercier parlait toujours de « l’unité belge, cimentée par l’emploi de la langue française. » A ses yeux, le flamand était la langue des servantes et des valets.

Tout cela laissera des traces durables et contribuera à engendrer un fort sentiment national flamand. L’identité flamande passera au premier plan. En 1973, Manu Ruys sous-titrait son livre « Les Flamands » : « Un peuple en mouvement, une nation en devenir. »

Aujourd’hui, cette nation existe bel et bien, comme le stipule d’ailleurs le préambule de la « Charte pour la Flandre », présentée en 2012 par le Gouvernement flamand.

Il n’y a pas d’équivalent chez les Wallons qui, majoritairement, se sentent Belges avant tout. Tel est le drame auquel est confronté ce Royaume et que François Perin a parfaitement résumé : « Il n’y a pas place, dans ce petit pays pour deux nations : la belge, si tant est qu’elle ait jamais existé, et la flamande. »

Force est aujourd’hui de constater que les six réformes institutionnelles qui ont été effectuées depuis 1970, n’ont pas contribué à engendrer la cohabitation sereine et paisible des deux grandes communautés. Chaque dossier (survol de Bruxelles, construction d’un stade national, immigration…) est sujet à controverses et palabres sans fin. S’ajoute à cela le fossé béant entre la Flandre et la Wallonie sur le plan économique.

Michel Henrion souligne l’intérêt qu’il porte à sa région, la Wallonie. Mais lui qui fut le porte-parole de Guy Spitaels, n’ignore pas que, depuis la mise sur pied officielle de la régionalisation en 1980, la ministre-présidence wallonne fut confiée, de façon quasi ininterrompue, au PS. Difficile, donc, de nier l’influence prépondérante que ce parti a eue sur la gestion des affaires. Et force est de constater que cette gestion ne s’est pas révélée efficace. La Flandre, en revanche, doit sa prospérité à une politique marquée clairement à droite. Grâce au dynamisme de ses PME, elle parvient ainsi à réaliser plus de 80% des exportations belges.

Les résultats des dernières élections communales et provinciales n’ont fait que confirmer le diagnostic de Bart De Wever : « La Flandre et la Wallonie constituent deux démocraties. Le confédéralisme s’impose donc, afin que chacun puisse être financièrement responsable de ses propres choix politiques. »

On peut comprendre ce raisonnement après avoir pris connaissance du dernier classement Eurostat concernant le PIB des régions de l’Union européenne. On constate, en effet, que la Flandre se situe à 120, l’indice de comparaison étant fixé à 100. Pour la Wallonie, par contre, la situation reste inquiétante, avec un indice de 85.

Jusqu’ici la Wallonie a pu bénéficier des transferts financiers en provenance de Flandre, soit quelque 7 milliards d’euros par an, mais on sait que ceux-ci sont amenés à s’éteindre progressivement.

L’actuelle coalition wallonne MR-CDH, en place depuis un an et demi, s’efforce de remédier à une gestion qui, durant près de 35 ans, a consisté à vivre largement au-dessus de ses moyens. Un an et demi, cela ne suffit évidemment pas pour renverser la situation. Mais une chose est sûre : si la Wallonie, livrée à elle-même, devait être gouvernée, au lendemain des élections régionales du 26 mai 2019, par la coalition « progressiste » qu’Elio Di Rupo appelle de ses vœux, on n’ose imaginer dans quel pétrin budgétaire elle se trouverait ! Et cette évolution ne manquerait évidemment pas de compliquer, voire de rendre impossible, la formation d’un nouveau gouvernement belge.

Michel Henrion s’en prend violemment aux nationalistes flamands. Mais le nationalisme flamand ne concerne pas que la N-VA et le Vlaams Belang, crédités ensemble de 40,2% d’intentions de vote, selon le dernier sondage « Nieuwsblad ». Comme l’a bien précisé l’ancien ministre CD&V Stefaan De Clerck : « Il y a toujours eu, en Flandre, deux forts courants : la démocratie chrétienne et le nationalisme flamand démocratique. Ensemble, ils représentent un sentiment très majoritaire en Flandre. Ils sont complémentaires. »

Il convient d’ailleurs de rappeler ici que c’est le ministre-président flamand CVP Luc Van den Brande qui lança, au début des années 90, l’idée confédéraliste, expliquant : « Mais collègues de l’exécutif flamand, socialistes compris, se rallient à mes déclarations sur le confédéralisme. » Et le Parlement flamand se prononça dans ce sens en 1999.

C’est aussi l’actuel président du CD&V, Wouter Beke, qui, en 2007, déclara au journal québécois « Le Devoir » : « Nous voulons une véritable confédération où chacun pourra agir comme il l’entend. Si les francophones n’acceptent pas de lâcher du lest, nous n’aurons pas d’autre choix que l’indépendance. » On ne peut être plus clair !

Bart De Wever ne fait donc que s’inscrire logiquement dans la ligne du Mouvement flamand, qui, au fil des décennies, a gagné sur toute la ligne, les « demandeurs de rien » francophones finissant toujours par céder.

En 2019, la Belgique pourrait donc, très rapidement, être mise échec et mat.

Quant à Michel Henrion, il devrait relire l’interview-testament de son mentor Guy Spitaels : « Il (Bart De Wever) m’intéresse. Parce qu’il est intelligent et rusé. Son discours – que les francophones ne veulent pas entendre – est très clair. C’est un superbe manœuvrier. (…) Très, très habile. Il est très fort intellectuellement et l’ennemi des bobos ! »

6 réflexions sur « La nation flamande existe bel et bien »

  1. Le 05/01/2019, le site RWF publie une analyse très intéressante repris ci-dessous qui appelle quelques remarques de ma part en conclusion de l’article.

    Tant que l’UE existera, la Flandre ne demandera jamais l’indépendance !

    Les essayistes qui pensent que la Flandre va déclarer son indépendance dans les années à venir manquent de nuance et se trompent lourdement.
    Tant que l’Union européenne aura pignon sur rue, la Flandre ne demandera JAMAIS son indépendance. Le dossier catalan lui a montré l’exemple à ne pas suivre. La Flandre se contentera du « confédéralisme », un terme impropre pour dire « autonomie maximale ». Cela signifie : le contrôle par des Flamands et au seul profit de la Flandre des dernières fonctions régaliennes de l’État belge, la mainmise sur Bruxelles pour autant que cela serve encore ses intérêts et surtout plus un eurocentime de transfert vers la Wallonie.
    Pour preuve, cet entretien de Ben Weyts (N-VA) publiée dans le quotidien Métro du 4 janvier 2013.
    Les partis gouvernementaux disent que vous voulez l’indépendance…
    « Pour en faire quoi ? Acqué¬rons l’indépendance (c’est-à-dire l’autonomie maximale au sein de l’Etat belge) et faisons quelque chose de fondamental vis-à-vis des générations ac¬tuelles et futures.
    Aujourd’hui, personne n’est content. Les deux parties du pays votent totalement différemment, en résultent des politiques qui ne plaisent à aucune des deux communautés. On regarde toujours avec des lunettes flamandes. Mais de l’autre côté de la frontière linguistique existe aussi un déficit démocratique. Ils voudraient être encore plus à gauche. Je ne vois qu’une solution : le confédéralisme, par lequel chacun peut se prendre en main. »
    Confédéralisme ne signifie-t-il pas ensuite la scission du pays ?
    « C’est la définition académique. Mais nous pouvons lui apporter une autre définition en Bel¬gique. Cela consisterait en une autonomie poussée des entités fédérées, de telle sorte qu’elles exercent leurs compétences au plus près des gens. Mais nous devons aussi reconnaître que la politique étrangère et la défense (note du R.W.F. : déjà flamandisées !) seraient mieux exercées au ni¬veau fédéral. Comme cela se passe déjà au niveau européen. »
    Le programme de la N-VA mentionne également une Flandre indépendante. Un pas plus loin que le confédé¬ralisme…
    « L’article premier des statuts du PS mentionne toujours la ré¬volution et la lutte des classes comme objectifs…
    Il est évident à nos yeux qu’il n’y a pas au¬jourd’hui de base suffisante pour une Flandre indépen¬dante. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de déficit démocratique, et cela, nous de¬vons le comprendre. C’est pour¬quoi, le confédéralisme nous semble la plus acceptable et la plus efficace des solutions. Et nous ne sommes pas les seuls à le penser, le CD&V et l’Open VLD le conçoivent également. »

    Remarques personnelles :

    Certes les essayistes pensent que la Flandre va déclarer son indépendance dans les années à venir.
    Peut-être se trompent-ils lourdement mais le confédéralisme à la sauce belge n’en demeure pas moins un moyen de scinder le pays en passant sous le radar de la critique européenne.
    Tout à fait d’accord pour admettre que les Flamands ne la joueront pas « Muette de Portici » ni « Charlie à la jambe de bois » devant le palais royal.
    Seulement, si aujourd’hui la régionalisation ressemble à une séparation de corps et de biens au désavantage de la Wallonie, le confédéralisme (même à la sauce belge) placerait le divorce à portée de mains des Régions devenues Etats régionaux.
    Les Flamands attendent bien évidemment que l’Etat régional le plus faible actionnera le  » signal d’alarme » séparateur pour se sauver du naufrage !
    De plus, il ne faut pas s’imaginer que la Belgique résiduelle tiendrait longtemps car chaque Eta régional ne se sentirait plus obligé de jouer « une partition harmonieuse » avec le voisin devenu réellement adversaire si pas ennemi.
    A partir du vote du confédéralisme le « chacun pour soi » deviendrait la règle d’autant plus que la Flandre ne prévoit aucun plan « plan Marshall » au profit du Sud, bien au contraire ! Les millions d’euros de Marck Coecke ne servent qu’à son profit, pas à celui de Durbuy et encore moins à la Wallonie.
    Même « belge », l’armée dépend de l’OTAN; même « belge », la Justice deviendra une pétaudière où les juges wallons de gauche s’opposeront aux juges flamands de droite sans oublier les juges immigrationnistes bruxellois; même « belge » la diplomatie dépend déjà du bon vouloir des Régions. Alors ?
    L’Europe peut bien s’opposer à une prise d’indépendance comme en Catalogne mais elle s’avèrera impuissante et même désemparée face à
    un Etat belge au « cancer en phase terminal ».

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  2. Confédéralisme (comme en Suisse où cela dit, ça marche plutôt pas mal et ce depuis longtemps…) ou l’indépendance???
    On sait que l’indépendance (ou fin de la Belgique) ne viendra jamais de la part des Wallons. Ca, c’est sûr!!! Maintenant les Wallons seraient tout à fait près, je pense, à accepter le confédéralisme pour simplement conserver cette impression de rester belge, ce qui est une illusion bien entendu, mais ils seraient bien capables d’aller jusque là (ils ont déjà tellement concéder qu’on n’est pas à ça près)!
    Maintenant, la question est de savoir si la Flandre est capable, elle, d’aller jusqu’à l’indépendance totale si les Wallons leurs posent encore des problèmes??? Les 2 derniers articles parus sur le RWF me laissent à penser qu’ils n’iront pas jusque là, enfin, j’espère que l’avenir contredira le contenu des ces dires!
    Bref, j’attends quand même de voir les résultats des élections de mai prochain et le scénario qui va s’en suivre…Déjà qu’on a plus de gouvernement fédéral avant même d’avoir voter!!!!!
    Après, je pense que si je veux devenir français, il faudra que je le fasse par moi-même, malheureusement pour ma région, et de ce fait, envisager très sérieusement mon installation en France et la demande de mon changement de nationalité…
    Enfin, on verra bien…

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  3. (ndlr) Comme tous ses confrères en Wallonie, François Bellot ne veut ni voir, ni entendre et encore moins comprendre.

    François Bellot, face à un mur, laisse la main aux régions
    ( Sarah Freres, , le 7 janvier 2019, La libre)

    François Bellot souhaite harmoniser les décisions en matière de mobilité. Mais… L’enfer, c’est les autres. (…)
    Ben Weyts et Pascal Smet ne sont pas séduits (…) et (…) envoyent François Bellot sur les roses.

    La balle dans le camp des Régions
    Ces tergiversations ne risquent pas de réconcilier François Bellot avec la régionalisation de la mobilité. Le libéral n’a jamais caché que cette manière de fonctionner est plus un frein qu’autre chose. Deux ans après être arrivé au gouvernement Michel I, il se disait, en juillet dernier, fatigué par une « mobilité bloquée par le merdier institutionnel belge », (…) Et à entendre les réactions des uns et des autres, l’ opération
    « vision interfédérale » risque de capoter.

    Remarques personnelles:

    Si François Bellot, comme tous ses confrères en Wallonie, voulaient ENFIN se convertir à l’esprit de la régionalisation  » à la belge » et tenir compte de la faculté du gouvernement wallon de signer des conventions et des traités internationaux, il s’attellerait en vitesse à scinder la SNCB et à créer trois sociétés régionales dont une Société Wallonne des Transports qui négocierait les nouveaux tracés en Wallonie en collaboration avec la SNCF selon ses intérêts hors du canevas du Benelux.
    Il laisserait la Flandre organiser son transport selon ses intérêts, ce qu’elle fait déjà sans se préoccuper de la Belgique mais à ses frais.
    Et, il laisserait à la Région de Bruxelles la liberté de se connecter avec ses voisins selon ses priorités et ses intérêts.
    Mais à Rochefort on s’imagine encore vivre dans le cadre désuet de la Belgique de Papa ! C’est à pleurer.

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  4. J’ai tenté de laisser pour la 2 ème fois un commentaire,qui me semble t’il reste en accord avec la charte d’acceptation de ceux ci.
    Pour la 2 ème fois;je ne retrouve pas mes commentaires.
    Erreur?Refus?Oubli?Filtre?
    Serait il possible d’en dire plus…
    merci

    J’aime

    1. Monsieur Bertrand,
      Je viens de vérifier les catégories de commentaires et de mettre à la poubelle pas moins de 241 commentaires à caractère sexuel, pornographique ou commercial. Le vôtre, bien sûr, ne faisait pas partie de cette catégorie de commentaires indésirables.
      Pour les autres catégories, j’ai 3704 commentaires approuvés et 4 en attente, mais ici aussi, je ne vois aucune trace de votre commentaire. J’avoue ne pas comprendre.
      Auriez-vous l’amabilité de nous retransmettre votre commentaire. Merci d’avance !
      Bien à vous,
      Paul Durieux

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  5. Comment la Wallonie pourrait-elle affronter efficacement la Flandre lorsque la plupart de ses dirigeants de premier rang, quel que soit le parti politique, ne sont pas des Wallons-de-cœur ?

    Par contre, Mère Flandre peut, malgré tout, compter sur le dévouement de ses fransquillons-belgicains devenus de bons flamingants par réalisme et opportunisme.

    Hélas, le corollaire n’existe pas en Wallonie !
    Il nous manque un Bart De Wever wallon. Et dire qu’avant 1940, c’était le cas !

    Charles Michel, ce « Flamand de Hoegaarden » 7 sur 7 9/10/14 – Source: Het Laatste Nieuws © belga.

    L’avènement de Charles Michel Ier est historique. Mais le Réformateur de 38 ans, qui sera à la tête du nouveau gouvernement qui prêtera serment samedi 11 octobre, n’est pas un francophone comme les autres. Apprécié au Nord du pays, le fils de Louis Michel est un véritable enfant du coin pour les habitants de Hoegaarden, qui ont par ailleurs pleinement confiance en lui et ses origines flamandes.
    Un Premier ministre d’un parti francophone pour succéder à Elio Di Rupo, voilà ce sur quoi beaucoup n’auraient pas parié au lendemain du succès de la N-VA aux élections de mai dernier. Si d’aucuns voyaient un temps Kris Peeters, l’autre co-formateur, à la tête du pays, les obligations européennes et la logique des négociations en auront décidé autrement. Charles Michel sera, le temps d’une législature au moins, à la tête du pays et des profondes réformes notamment budgétaires que la Belgique va s’imposer.

    La nouvelle génération des Sellekes
    Mais en Flandre, on ne voit pas d’un mauvais oeil l’arrivée du libéral, fils d’un Louis Michel parfaitement bilingue, et descendant d’une légendaire famille de Hoegaarden, figurez-vous. Dans la ville en effet, on est bien fier que l’héritier de la lignée des « Selleke » devienne Premier ministre. Cette famille historiquement connue dans la région est encore dans le coeur des habitants et Charles Michel, s’il a dans l’oreille d’un francophone l’accent du Brabant wallon, fait pourtant bien partie de cette lignée flamande.

    Il faut revenir en 1870 pour comprendre l’anecdote, expliquée par Christian Hennuy, petit-cousin du nouveau Premier. L’arrière grand-père de Charles Michel se serait ainsi fait payer, durant la guerre franco-allemande, avec un « sou » – « solleke » en dialecte hoegaardien – le droit de passage ou un morceau de pain. Les métamorphoses de la langue ont transformé le terme en « selleke », et c’est finalement le surnom « Selleke » que portera la modeste famille Michel à partir de cet aïeul. « Nos arrière-grand-parents n’auraient jamais imaginé qu’un jour, un de leurs descendants monterait à la tête de l’État », s’amuse Christian Hennuy.

    Entrepreneurs et tenanciers de cafés
    Louis Michel a toujours gardé de bons contacts avec sa région natale, il parle d’ailleurs toujours couramment le dialecte local, un détail cher aux habitants du coin. Christian Hennuy, qui connaît tant sa généalogie que l’histoire de Hoegaarden sur le bout des doigts, a notamment écrit un livre – « Les Chroniques de Hoegaarden » – que Louis Michel a salué en tant qu’invité-conférencier lors de la présentation de l’ouvrage.

    « Mon livre voue un fort intérêt aux Sellekes parce que cette famille a eu et a toujours une forte implication dans l’histoire de Hoegaarden. L’arrière-grand-père de Charles, Jean-Baptiste Michel, était un grand entrepreneur. C’est lui qui a construit une grande partie des bâtiments les plus importants ici à Hoegaarden. Le grand-père de Charles était lui aussi entrepreneur de métier. C’était le frère de Frans Michel, l’ancien patron du café Selleke. Il tenait une taverne au coin de la rue », détaille joyeusement le cousin éloigné.

    « Pas un vrai enfant de Wavre »
    Chris Michel, journaliste dans deux programmes d’information sur des chaînes flamandes, rappelle que les « Sellekes » étaient « de simples maçons au 19e siècle ». « Ce qui me perturbe, c’est qu’on a toujours présenté Charles Michel comme un enfant de Wavre. Pourtant, ses racines sont bel et bien ici, à Zétrud-Lumay, d’ailleurs à deux pas de ses origines à Hoegaarden. Moi qui vis à Gand, jamais je ne me présenterai comme Chris Michel de Gand, non: je suis Chris Michel de Hoegaarden », rectifie-t-il.

    C’est le MR Louis Michel lui-même qui explique pourquoi son fils Charles n’a d’apparence rien d’un Flamand attaché à ses racines et pourquoi il ne maîtrise pas du tout le dialecte local, contrairement à lui. « Évidemment, mon fils n’a pas les mêmes attaches avec Hoegaarden que moi. En 1955, notre famille a déménagé vers Zétrud-Lumay (section de la commune actuelle de Jodoigne depuis la fusion des communes de 1977, ndlr). Charles est né en 1975 (à Namur, ndlr), il n’a donc pas de passé à Hoegaarden », résume-t-il.

    Un bosseur?
    Dialecte hoegaardien ou pas, techniquement élevé en Wallonie ou non, peu importe pour les habitants de la commune flamande: le nouveau futur Premier, tout « géographiquement wallon » qu’il est, est un enfant du pays fidèle aux valeurs qui coulent dans le sang des Michel depuis des générations. Mieux encore, on est sur place persuadé qu’il remplira sa fonction à merveille. « Il est et restera un Selleke. Sans aucun doute, il mènera à bien sa mission. C’est ce que font tous les Sellekes », prédit-on avec optimisme.

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