En France, on invente le futur

« En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées. » Cette phrase de Giscard d’Estaing, prononcée après le choc pétrolier de 1973, est bien plus qu’une formule incantatoire. Sans remonter au temps de Colbert et à la création de l’Académie des sciences (ni à Denis Papin qui, après avoir exploré avec Huygens les possibilités d’un premier moteur à explosion, fut le véritable inventeur de la machine à vapeur, dont les Anglais surent tirer profit), constatons que la France occupe une position de pointe dans l’industrie nucléaire, à laquelle on cherche aujourd’hui des alternatives pour d’évidentes raisons de sécurité. Le coût environnemental étant davantage pris en compte en France qu’aux Etats-Unis, il n’est pas question d’y exploiter le gaz de schiste. Avec le projet international ITER, développé sur le site de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, on cherche à passer de la fission nucléaire à la fusion nucléaire, avec la perspective de produire beaucoup plus d’énergie et beaucoup moins de déchet. Mais on semble en droit d’attendre une avancée plus rapide et moins coûteuse dans le secteur des biopiles et, cette fois, sans produire aucun déchet. Là aussi, la France fait la course en tête, ce qui lui permet d’attirer les jeunes chercheurs étrangers.

L’article qui suit a été publié dans le magazine Le Vif/L’Express du 8 septembre 2017.

Une biopile pour la voiture de demain

Alors que s’ouvre, à Francfort, le 12 septembre, le salon de l’automobile, en France, des chercheurs du CNRS ont mis au point un prototype de biopile, sans platine, pour alimenter les voitures électriques à hydrogène. Une technologie prometteuse : coûts de fabrication réduits, « zéro émission » et une production d’hydrogène utilisant la biomasse. Autant d’arguments capables de séduire les gouvernements qui misent sur le « tout-électrique ».

« On n’est pas loin de pouvoir fabriquer une biopile suffisamment puissante pour pouvoir alimenter en électricité une voiture électrique, sans utiliser de platine, mais de simples enzymes issues des bactéries, pour la catalyse », s’enthousiasme Ievgen Mazurenko, chercheur au CNRS. « Déjà, notre biopile peut parfaitement alimenter des ordinateurs portables ou des smartphones. C’est une nouvelle génération de pile à combustible que nous avons mise au point, grâce à la collaboration du CNRS et des universités d’Aix et Marseille. »

Pour rappel : la pile à combustible traditionnelle combine l’hydrogène à l’oxygène de l’air, pour produire de l’électricité. Un réservoir de dihydrogène liquéfié remplace la pesante batterie au lithium, qui grève la plupart des voitures électriques d’aujourd’hui. « Pour réduire encore les émissions de gaz à effets de serre, et obtenir un produit résolument écologique, nous allons utiliser l’hydrogène de la biomasse », souligne encore Ievgen Mazurenko.

Une nouvelle qui pourrait sacrément titiller le marché : aujourd’hui, la majorité des constructeurs de voitures électriques misent sur des batteries au lithium. C’est le cas de Tesla ou de Nissan. D’autres constructeurs, comme Honda, Hyundai et Toyota, parient, eux, sur l’auto à hydrogène, une espèce de « supervoiture électrique », qui fonctionne (pour l’instant) avec la fameuse pile à combustible au platine, capable de produire sa propre électricité, tout en ne rejetant que de l’eau. Le hic : le platine est rare. Et ce qui est rare est cher. C’est également le cas du lithium, utilisé dans les batteries.

Alors que la Wallonie, mais aussi la France, l’Inde ou le Royaume-Uni misent sur les voitures électriques, le Centre commun de recherche européen a récemment alerté du « risque de pénurie » en 2020 – 2030 des métaux stratégiques, comme le lithium ou le platine. En parallèle, la dépendance de l’UE par rapport aux importations chinoises ou sud-africaines n’a pas prévu de baisser. Dans ce contexte, la biopile à enzymes constitue un sacré « plan B ». Aujourd’hui, seulement 0,2 % du parc mondial automobile est électrique. Concrètement, cela ne concerne que deux millions de voitures.

 ROSANNE MATHOT

2 réflexions sur « En France, on invente le futur »

  1. Hourra! Donc rien n’est perdu. Toutefois, si les Anglais surent tirer profit de l’invention de Denis Papin, espérons que cette fois-ci la France n’oubliera pas de faire breveter cette nouvelle invention. En matière de pillage d’idées et d’invention, les anglo-saxons valent bien les chinois.

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