Dans le même bateau

21 juillet 2016. La Belgique existe encore. On ne sait pas combien de temps cela va durer. L’évolution de nos sociétés démocratiques pose des questions trop graves pour s’en tenir ici aux habituelles considérations sur le nationalisme flamand.

Les bouleversements que le capitalisme impose aujourd’hui s’inscrivent dans la continuité de la révolution française et tant mieux si le pouvoir de l’argent nourrit la culture de la liberté, de l’innovation, de l’universalisme, mais la souveraineté nationale et, avec elle, l’implication du citoyen, ses moyens de contrôle, le cadre dans lequel s’exerce l’action politique, tout cela donne l’impression d’une obsolescence programmée.

Au nom de la liberté et de la fraternité universelle, on est peut-être en train de marginaliser l’action politique, citoyenne, au profit des multinationales et des grands détenteurs de capitaux, mais aussi des religions prêtes à s’engouffrer dans un monde ouvert, l’islam en tête, avec sa frange la plus radicale, porté par une dynamique qui, aux premiers temps de son histoire, lui a permis de s’étendre à une vitesse folle.

Certes, il faut raison garder, sans verser dans le catastrophisme, le délire apocalyptique ou la peur obsessionnelle du changement, mais la raison suppose aussi l’esprit critique. Le questionnement. Le doute. On aurait tort de se laisser abuser par un discours trop conforme à l’intérêt des milieux d’affaires. A priori, la poursuite effrénée du plus grand profit n’a pas grand chose à voir avec la morale. Une économie sans frontière, organisant la concurrence à l’échelle mondiale,  ce n’est pas sans avantages, mais on voit combien la cohésion sociale est malmenée aujourd’hui.

Le fameux « vivre ensemble », dont on a fait un leitmotiv, ne reposant que sur la bonne volonté des uns et des autres, il faudrait au moins que cet universalisme à la française, ou sa variante anglo-saxonne, avant tout respectueux de la liberté individuelle, fasse à peu près l’unanimité partout dans le monde, et d’abord dans les sociétés démocratiques elles-mêmes.

On est loin du compte, apparemment. La répétition des attentats, suite aux appels lancés par les assassins de l’Etat islamique, crée une angoisse nouvelle en révélant combien nos sociétés sont fragmentées, à quel point les représentations peuvent être inconciliables. Au cœur de nos démocraties, il arrive que les droits de l’homme soient rejetés comme une expression de l’impérialisme occidental. Impossible, évidemment, de ne pas entendre les manifestations de haine envers cet Occident chargé de tous les crimes et tous les péchés. Impossible de ne pas voir que la logique de marché ne craint pas d’alimenter les guerres et le terrorisme.

Bien sûr, nous sommes tous des citoyens du monde, il y a des enjeux qui réclament une collaboration internationale, il faut promouvoir le dialogue et la paix, mais on peut légitimement se demander si la dilution des peuples et la disparition des Etats-nations rendraient le monde meilleur. Ce que nous vivons actuellement n’est pas de nature à nous rendre optimistes. Le rapport de forces, la volonté de puissance : voilà ce qui détermine habituellement les relations entre les hommes.

Ce qui s’annonce au XXIe siècle nous impose un effort particulier de lucidité, de responsabilité. Les défis ne manqueront pas. La France et la Belgique sont assurément logées à même enseigne. Nous sommes dans le même bateau. (G.R.)

Voir aussi notre réaction aux attentats du 22 mars 2016 : La nation pour mieux vivre ensemble.

2 réflexions sur « Dans le même bateau »

  1. La crise morale de nos sociétés est en partie la résultante du manque de rigueur des politiques menées dans différents domaines comme l’économie, la finance, le social, etc …le tout joint à une dilution des souverainetés nationales sans lesquelles les citoyens de chaque pays d’Europe finissent par ne plus se sentir guère concernés par la chose publique. En marge de cette crise et venant s’y greffer, l’idéologie salafiste est en progression dans nos régions, idéologie qu’il est nécessaire de combattre. Mais ce n’est pas avec les armes que nous pourrons l’extirper ; on ne donne pas de coups de fusil aux idées autant chez nous que partout ailleurs dans le monde.
    Alors que diable allons-nous faire dans cette galère du Moyen-Orient ?

    La question serait différente si nous avions une confrontation armée directe, claire et nette sur nos territoires, mais ce n’est pas (encore) le cas.
    A la fin du siècle dernier, dans cette guerre de religion protestants contre catholiques qui perdure depuis cinq cents ans en Irlande, quelle aurait été l’attitude des Irlandais, et la nôtre, si un pays oriental quelconque était intervenu manu militari à Belfast ?
    Cette guerre de religion millénaire au Moyen-Orient entre sunnites et chiites, dans laquelle nous nous impliquons militairement, ne nous concerne absolument pas. Par notre présence, les belligérants ont acquis un dénominateur commun, celui de nous détester peu ou prou.

    Qu’y a-t-il de plus stupide que les religions en guerre ? Si nous sommes tous d’accord sur ce point, qu’attend-on nous pour accepter de percevoir ces conflits tels qu’ils sont, et pour cesser en conséquence d’y participer.
    Ne serait-il pas utile d’envisager cette option ? Cela afin de pouvoir mieux cibler, à l’intérieur de nos pays, nos actions de lutte contre cette idéologie salafiste qui a la prétention de vouloir nous réduire à sa merci.

    Le facteur temps est primordial ; les batailles perdues se résument souvent en deux mots : trop tard.

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  2. Le 21 juillet 2016, la Belgique existe encore. Combien de temps cela va – t -il durer ? Le temps nécessaire pour qu’un parti flamand ou un groupe de partis trouve un message porteur d’avenir pour soulever le peuple de Flandre. Un message porteur d’avenir ne signifie nullement un discours nationaliste étriqué mais bien un message constructif et ouvert sur le monde qui dénotera avec le vide sidéral qui marque l’intellect des « élites » en Wallonie comme en France actuellement. Les peuples d’Europe ne souffrent plus les idéologues de l’indigence et les fossoyeurs des Nations.

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