Solidarité des maires francophones

Le carnet de Colette Braeckman, journaliste au quotidien « Le Soir »

Les maires francophones adressent, par leur présence, un message de solidarité à la Tunisie

Tunis,

maires francophonesUn défi, un signe de solidarité avec un pays blessé qui tente de se relever après les agressions terroristes et qui veut diversifier son économie pour ne plus être trop dépendant du tourisme… Plus de 400 maires et responsables locaux, venus des cinq continents, se sont réunis à Tunis à l’initiative de l’AIMF (Association internationale des maires francophones) pour partager leurs expériences et voir comment faire de leurs cités, des mégapoles parfois, des lieux d’innovation et de paix.

La confiance placée en la Tunisie a été confirmée par le Prix Nobel de la paix décerné au « quartet tunisien ». Cette décision a été saluée avec émotion par la maire de Paris et présidente de l’AIMF Anne Hidalgo : « ce peuple qui refuse de céder, qui relève la tête peut servir d’exemple à nous tous ».

Le premier des constats établis par les maires durant les deux jours de travaux qui ont précédé l’assemble générale a été celui d’une croissance sans précédent : si en 1950 l’Afrique ne comptait aucune ville de plus d’un million d’habitants, aujourd’hui elles sont plus de 40 à dépasser cette taille. Kinshasa est passée de 160.000 habitants en 1960 à 10 millions aujourd’hui, Lagos a été multipliée par 40…

A l’image de leurs concitoyens la plupart des maires rassemblés à Tunis sont jeunes et les défis ne les effraient pas. Lorsque les organisateurs de la rencontre leur proposent de grands concepts, « villes innovantes », villes « intelligentes » (c’est-à-dire connectées), ils répondent, terre à terre, en expliquant comment ils gèrent leurs déchets, avec des charrettes tirées par des ânes comme en Mauritanie, comment, à Tahoua, comme dans les autres villes du Niger, « on a pris exemple sur le Rwanda et prévenu la population que, d’ici moins d’un an, les sacs en plastique seraient totalement bannis, car ils polluent, empoisonnent les animaux qui les broutent, défigurent le paysage… »

Venus de France, du grand Nord américain (Acadie, Nouveau Brunswick) les maires des pays développés décrivent leurs innovations, qu’il s’agisse de la gestion de l’eau, de la production et de la consommation d’énergie, des circuits de distribution. Les maires du Sud, eux, expliquent comment ils ont réussi à mobiliser les associations de femmes et de jeunes, comment , en Centrafrique par exemple, une vaste consultation populaire menée dans tout le pays a permis à la population d’exprimer ses aspirations concrètes, ce qui a, parfois et de manière très fragile, désamorcé les clivages identitaires et religieux. Avec fierté, de nombreux maires évoquent les succès engrangés : « à Maurice, voici 45 ans, nous n’avions d’autre ressource que la canne à sucre. Aujourd’hui nous avons diversifié notre économie, misé sur l’hétérogénéité de la population et c’est le respect absolu de la démocratie qui a permis d’atteindre la cohésion sociale… » Le maire de Kigali, pour sa part, invite ses collègues à venir découvrir les changements intervenus dans sa ville : « cité moderne, elle est propre, sécurisée, la planification est établie pour les décennies à venir, tous les progrès à réaliser sont consignés dans des « contrats de performance » conclus avec le chef de l’Etat et que nous sommes priés de respecter… » Mais pour la prochaine réunion de l’AIMF, ce n’est pas la candidature de Kigali mais celle de Beyrouth qui a finalement été retenue.

Que ce soit lors des débats en séance plénière ou lors d’innombrables apartés, une rencontre de ce type est l’occasion d’un grand brassage d’idées, d’une confrontation des expériences et des solidarités. Car très nombreux sont les maires du Nord qui retrouvent ici leurs partenaires du Sud, en faveur desquels ils ont mobilisé leurs concitoyens. « C’est grâce à l’AIMF que nous sommes avons été dotés d’une gare routière qui a triplé nos revenus », explique le maire de Tahoua, « nous aidons Lubumbashi et plusieurs communes de Kinshasa à établir ou à refaire leurs états civils », soulignent des municipalistes belges… Quant aux maires français qui ont fait le voyage, ils sont nombreux à souligner que la coopération décentralisée, qui mobilise aussi la bonne volonté des simples citoyens et se traduit par de multiples initiatives locales, engrange désormais des résultats plus concrets et plus durables que interventions plus ambitieuses des coopérations nationales ou internationales.

Qu’ils soient originaires du Nord ou du Sud, tous les maires convergent cependant sur un point : partout, la décentralisation s’avère difficile, les Etats se montrent jacobins et rechignent à libérer les ressources nécessaires aux autorités locales… « Lorsque les ministres débarquent dans nos quartiers, ils circulent dans des voitures 4X4 climatisées », s’exclame un maire sénégalais; « nous, qui vivons aux côtés de la population, au milieu des chèvres et des dépôts d’immondices et c’est à nous que la population présente ses doléances, mais nous n’avons aucun moyen… » Maire de Dakar et futur candidat à la Présidence de la république, Khalifa Sall, secrétaire général de l’AIMF, s’engage à plaider en faveur d’une véritable décentralisation et suggère que les villes deviennent aussi des « banques de cerveaux » d’où partira l’innovation.

Anne Hidalgo, accompagnée par Bertrand Delanoë, ovationné, suscite l’assentiment général lorsqu’elle rappelle l’importance des prochaines élections municipales en Tunisie, qui doivent se tenir en 2016 : « ce processus doit être accompagné et, la réunion d’aujourd’hui, -ce moment de bonheur-, représente aussi un engagement : nous serons là… »

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