L’increvable Belgique et ses néo-Belges

Nous assistons à un tir groupé des médias francophones qui s’émerveillaient voici 15 jours de commenter une enquête menée par la KUL dans la seule région flamande. Ils remettent le couvert sur la table avec une nouvelle étude menée cette fois par l’UCL.  Ce  n’est pas la première fois que sondages, enquêtes ou commentaires s’intéressent à la seule Flandre et que les médias francophones laissent éclater leur joie. Ainsi avons-nous lu avant les dernières élections législatives que les nationalistes  représentaient en réalité 9 % du corps électoral flamand, que les « Diables Rouges » étaient une arme anti NV-A … On a vu le résultat !

Cette semaine, c’est l’exaltation : « Les Belges tiennent encore à leur mère patrie ». Les deux enquêteurs mettent face à face le sentiment d’appartenance au pays (la Belgique) et à leur région (Flandre et Wallonie oubliant au passage la région bruxelloise) confondant allègrement communautés linguistiques et régions.

Encore faudrait-il expliquer les différences notoires qui existent entre sondages, enquêtes et études qui ne répondent pas aux mêmes règles. Lors d’une enquête, la personne qui interroge, qu’elle le veuille ou non, influence la ou les réponse(s) que va lui donner son interlocuteur. Un sondage répond à des exigences beaucoup plus strictes qui sont traitées par des instituts qui tiennent à leur réputation et selon des critères bien définis avec une marge d’erreur déterminée.

 

Les Belges tiennent encore à leur mère patrie

© Image Globe

Selon eux, l’identification à la Belgique a augmenté ces 15 dernières années dans les deux communautés linguistiques, rapporte « Le Soir » mardi dernier.

En Flandre, 50% des personnes interrogées en 2014 s’identifiaient en premier lieu à la Belgique. Soit 5% de plus qu’en 1991. Ce sentiment est toutefois plus important auprès de la population que parmi les élites flamandes.

Du côté wallon, 65% des personnes sondées s’identifient d’abord en tant que Belges. Les auteurs relèvent par ailleurs que les Wallons sont peu concernés par la Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Dans Les chagrins de la Belgique, que Le Vif/L’Express dévoilait, en primeur, l’historien britannique Martin Conway dissèque les trois années d’après-Libération du pays. Tous les ingrédients étaient alors réunis pour que la Belgique s’effondre. Or elle a survécu. 

L'increvable Belgique et ses néo-Belges

© Belga

Surtout, s’émerveille Conway, « l’Etat-nation belge resta en place, sans le moindre changement. Il n’y eut pas de révision de la Constitution de 1831 ; Bruxelles ne céda pas une once de pouvoir aux régions, émergentes, de Flandre et de Wallonie ». Et, concrètement, « la Belgique put prendre sa place pleine et entière, d’ailleurs de plus en plus centrale, dans le nouvel ordre ouest-européen ». Au fil de son volumineux ouvrage, l’éminent historien britannique, se basant sur des archives inédites, tente d’expliquer le pourquoi de cette résurrection belge.

Mais il rappelle que le miracle fut de courte durée : « Dès les années 1960, il devint clair que la Belgique ne  »fonctionnait » plus, en tant que communauté politique, de la même façon qu’elle l’avait fait durant le siècle passé. Le fossé qui se creusait de plus en plus entre de larges pans de la population et les principaux partis, le système politique dont ils étaient l’expression, (…) ainsi que l’émergence de mouvements flamands et wallons étaient autant de symptômes d’une crise politique devenue, à la fin des années 1960, une réalité incontournable. »

Ce fut alors l’avènement des grandes réformes de l’Etat, la première intervenant en 1970, la dernière en date se matérialisant aujourd’hui, tout en n’ayant pas encore révélé tous ses effets, même aux yeux de ceux qui en sont les instigateurs. Conway considère donc qu' »à la fin du vingtième siècle, la Belgique est devenue le symbole d’un Etat en situation d’échec, ou plus exactement de ce qui arrive lorsque les structures politiques et les liens moins tangibles de citoyenneté partagée s’effilochent au sein d’un Etat-nation européen. » (ndlr : la Belgique ne fut jamais une nation, mais un Etat des plus florissants quand l’industrie wallonne eut atteint son apogée)

La Belgique sera un formidable sujet d’étude pour les historiens du siècle prochain

L’heure de la liquidation du pays sonne-t-elle dès lors maintenant, septante ans après la fin de la Deuxième Guerre ? Pas encore, assure l’historien britannique : « Peut-être la Belgique a-t-elle, en effet, cessé de fonctionner effectivement en tant que communauté politique ; mais aucune des diverses solutions  »post-Belgique » n’a su gagner l’appui massif de la population. »

L’enquête de l’Université catholique de Leuven (KUL), réalisée en Flandre entre le 2 octobre 2014 et le 16 mars 2015, ne révèle pas autre chose. Publiée ce 28 avril, elle démontre même un regain d’intérêt des citoyens flamands pour l’autorité fédérale ou à tout le moins une satisfaction face au système actuel : seulement 36,4 % d’entre eux souhaitent un renforcement de l’autonomie des Régions et des Communautés, alors qu’ils étaient 46,9 % en 2007 et 49,8 % en 2003. De la même façon, plus de la moitié des électeurs interrogés (56,7 %) déclarent s’identifier d’abord comme Belges, avant d’être Flamands (27,7 %). (ndlr : comment pourrait-il en être autrement avec une Flandre exerçant à la sauce flamande, très anglo-saxonne, de plus en plus de compétences au sein de sa région et où elle se sert sans vergogne au fédéral (l’Etat belge) au profit de la Flandre en s’appuyant sur les puissantes machines politiques que sont la N-VA, le CD&V et l’Open-VLD. De son côté, la Région de Bruxelles, par un P.I.B. très élevé, continue de faire profiter ses classes sociales les plus privilégiées d’une accumulation d’institutions internationales et d’industries qui ont établi leur siège social en son sein sans trop s’occuper d’une politique qui profiterait à tous ses citoyens. Côté wallon, nous attendons toujours un projet mobilisateur clair qui permettrait à la Région de réussir une reconversion industrielle forte après la saignée de la sidérurgie, la Fédération Wallonie-Bruxelles, créature hybride sans politique définie,  servant de paravent à la situation économique véritable de la Wallonie, surtout en ce qui concerne les finances publiques wallonnes. ) 

Cela, avec un gouvernement fédéral ultra dominé par les partis du Nord. Et au sein duquel la formation la plus importante aspire toujours ouvertement à l’évaporation de la Belgique. L’époque actuelle, avec cet exécutif inédit et cette évolution institutionnelle cruciale, sera donc un formidable sujet d’étude pour les historiens du siècle prochain. Ils y décrypteront probablement comment « cet impossible pays » a donné naissance, près de deux cents ans après sa création, non pas aux « post-Belges » mais à ce qui ressemble bel et bien à une sorte de « néo-Belges ». Sans qu’on sache jusqu’ici s’il faut ou non s’en réjouir.

Pour la population wallonne, il y a lieu de ne pas s’en réjouir car après le gouvernement Michel surviendra la 7ème réforme de l’ Etat qui, petit à petit, mettra fin aux transferts financiers entre la Flandre et la Wallonie évalués aujourd’hui à 7 milliards d’€. Cette situation engendrera une diminution des prestations sociales conjuguée à une augmentation des impôts. Il est plus que temps que nos dirigeants politiques disent cette cruelle vérité aux Wallonnes et Wallons. Faute de ne pas avoir anticipé à temps le risque d’appauvrissement inhérent à une Wallonie autonome, ce sont les mouvements sociaux , voire l’insurrection qu’il faudra affronter. Ce scénario peut vous paraître excessivement noir. Nous pensons qu’il est, hélas, tout simplement réaliste. Dès maintenant, il importe de mettre sur la table tous les scénarios possibles afin de choisir celui qui, par la solidarité, mettra la Wallonie à l’abri du pire. Le rôle de l’ AWF est d’être cet éveilleur des consciences des décideurs politiques, sociétaux, économiques, culturels et autres. Il est aussi d’implorer les médias de cesser d’occulter la vérité sur le futur wallon.

Paul D.

4 réflexions sur « L’increvable Belgique et ses néo-Belges »

  1.  » Faute de ne pas avoir anticipé à temps le risque d’appauvrissement inhérent à une Wallonie autonome, ce sont les mouvements sociaux , voire l’insurrection qu’il faudra affronter. Ce scénario peut vous paraître excessivement noir. Nous pensons qu’il est, hélas, tout simplement réaliste. » ( lire Paul D. ci-dessus). Tout à fait d’accord et vu la mentalité des partis politiques (le PS en particulier mais les autres ne sont pas en reste) wallons et bruxellois francophones, leur meilleure porte de sortie est de profiter de mouvements sociaux violents soit pour leur permettre de rejeter la faute sur le camp d’en face et de pivoter vers la France soit d’en appeler à l’aide musclée de l’OTAN ou de certains pays européens ( comme en 1815) afin de juguler la révolte et de refermer manu militari les portes de la prison Belgique sur la Wallons notamment.
    Mais, comme il apparaît d’après les informations publiées sur ce site que la France serait le premier pays à soutenir l’indépendance de la Flandre ( monnaie, monnaie), un tel soutien pourrait impliquer également son intervention en Wallonie afin de ramener le calme dans la Région, d’empêcher le vide d’autorité et de fixer la Flandre dans sa prise d’indépendance. Une sorte de réédition de la Campagne des Dix jours et l’intervention de l’Armée du Nord française commandée par le Maréchal Gérard.
    Pourquoi pas ?

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  2. Le nationalisme belge ne survit que par la manipulation et l’ignorance de l’Histoire. Relisez 1984 d’Orwell…

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  3. Selon le psychosociologue Roger Mucchielli (1988), « le conformisme est l’attitude sociale qui consiste à se soumettre aux opinions, règles, normes, modèles qui représentent la mentalité collective ou le système des valeurs du groupe auquel on a adhéré, et à les faire siens. »

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  4. Une bonne partie des opinions que nous professons se sont ancrées en nous sous la pression des groupes auxquels nous appartenons et dont, avec esprit grégaire, nous souhaitons partager les valeurs. la propagandistes belgicistes l’ont bien compris.
    C’est ce que la théoricienne allemande, Elisabeth Noëlle-Neuman, appelle « Schweigespirale », spirale du silence : les gens vivraient dans un climat d’opinion à l’encontre duquel la plupart ne souhaiteraient pas aller, par peur de se mettre à l’écart. Se sentant isolés, ils auraient tendance à renoncer à leur propre jugement, tendance à se taire.
    L’opinion publique peut alors être définie comme l’opinion qui pourra être exprimée en public sans risque de sanction, l’opinion ambiante que l’on perçoit dans son environnement et dans l’image fournie par les médias.
    Particulièrement ceux aux mains des belgicains, Le Soir, Le Vif, La DH, la libre etc.. sans oublier la RTB(f) et son clône RTL-TVi (ou est-ce l’inverse ?) !
    A lire : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/15408/HERMES_1989_4_181.pdf?sequence=1

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