Un texte de Jules GHEUDE
Je suis incapable, comme tout le monde, de dire de quoi 2015 sera fait.
Je peux juste souhaiter que les nombreuses régions du globe qui connaissent la guerre, la maladie ou la famine, finissent par sortir de la tragédie.
Je peux juste souhaiter aussi que l’Europe retrouve la croissance et poursuive efficacement son processus d’unification.
Car qui dit croissance, dit emplois. Il n’est de pire inégalité, à mes yeux, que celle qui divise ceux qui ont la chance de travailler et ceux qui vivent l’expérience frustrante du chômage.
Pour ce qui est de la Belgique, non seulement elle connaît une crise économico-budgétaire (sa dette représente aujourd’hui 107% de son PIB), mais sa survie même est en jeu. Tel était d’ailleurs le constat auquel étaient arrivés, en 2011, les deux élus – l’un de la majorité, l’autre de l’opposition, qui avaient été chargés par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française d’analyser la situation intérieure de la Belgique.
En fait, le ver était dans le fruit dès la création du pays en 1830. Il n’en est jamais sorti.
Tout cela résulte des conditions dans lesquelles le Royaume indépendant de Belgique a vu le jour.
Celui-ci n’est pas né de la volonté populaire, mais bien de celle des grandes puissances de l’époque (notamment la Grande-Bretagne), afin de se prémunir contre la France. Quinze ans après Waterloo, le souvenir de Napoléon était encore bien vivace !
Dans sa dernière interview, qu’il accorda, le 4 août 2011, à David Coppi du « Soir », François Perin rappelle que la révolution belge a débuté à La Monnaie ( à l’époque, le « petit peuple » n’avait sûrement pas de quoi se payer un billet d’opéra !), que le Congrès national belge ne fut élu que par 2% de la population (ceux qui avaient de quoi s’acquitter du cens et qui étaient… francophones), et que celui-ci se vit imposer par Londres le choix du monarque, en la personne de Léopold de Saxe-Cobourg Gotha.
Bref, on se trouve bel et bien confronté à un « artifice ».
Comment ne pas trouver normal qu’un Mouvement flamand voie le jour rapidement, lorsque l’on relit cette lettre adressée par Charles Rogier à Jean Raikem :
« Les premiers principes d’une bonne administration sont basés sur l’emploi exclusif d’une langue et il est évident que la seule langue des Belges doit être le français. Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire que toutes les fonctions civiles et militaires soient confiées à des Wallons et Luxembourgeois. De cette manière, les Flamands, privés temporairement des avantages attachés à ces emplois, seront contraints d’apprendre le français, et l’on détruira ainsi peu à peu l’élément germanique. »
L’opinion francophone actuelle, dans son immense majorité, ignore tout des efforts que ce Mouvement flamand a dû déployer pour arracher les premières lois linguistiques et faire en sorte que la Flandre acquière ses lettres de noblesse sur l’échiquier politique.
Tout cela a laissé des traces, comme on a pu le constater lors des deux conflits mondiaux.
Pour le dire autrement, un sentiment national collectif a fini par se forger en Flandre. On est « vlaamsvoelend » avant d’être catholique, socialiste ou libéral.
Le nationalisme, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est donc pas le fait de la seule N-VA. Comme l’a bien dit l’ancien ministre CD&V Stefaan De Clerck, il touche également la démocratie-chrétienne, il fait partie de l’ADN flamand.
En 2012, le Parlement flamand, à l’unanimité de ses membres, a d’ailleurs adopté cette « Charte pour la Flandre » dont le préambule parle expressément de Nation.
Ce contexte, on ne le trouve ni en Wallonie, ni à Bruxelles. On se rappelle le souhait du ministre-président wallon Rudy Demotte, en 2010, d’affirmer l’identité wallonne. Sauf qu’une identité ne se décrète pas, elle s’entérine !
Aujourd’hui, force est de constater que les diverses réformes institutionnelles ne sont pas parvenues à faire de la Belgique un Etat cohérent et paisible. Pour reprendre l’expression de Bart De Wever, Flamands et Wallons, constituent deux démocraties. Ils évoluent sur des planètes bien distinctes.
Nul ne sait si la coalition « suédoise » de Charles Michel pourra tenir cinq ans. Mais une chose est sûre, c’est que le processus de démantèlement de l’Etat est irréversible.
On sait que, depuis 2007, je m’emploie à préparer les esprits wallons à cette échéance. Les travaux des Etats généraux de Wallonie, démarche citoyenne que j’ai initiée en 2008, ont démontré que seule la France pouvait assurer un avenir post-belge décent à la Wallonie.
D’aucuns redoutent ou rejettent cette option par crainte de voir s’éteindre leurs prérogatives ou de perdre leur spécificité. Je pense non seulement au personnel politique, mais aussi aux responsables des syndicats et des mutuelles. En France, en effet, les syndicats ne paient pas les allocations de chômage et les mutuelles ne remboursent pas les soins de santé.
Il faut qu’ils sachent que le processus ne serait pas forcément celui d’une assimilation pure et simple. Comme le précise Jacques Lenain, cet ancien haut fonctionnaire français, qui planche sur le sujet depuis des années : Il n’est pas nécessaire que les Wallons se présentent tout nus devant Marianne pour revêtir l’uniforme français.
La Constitution française, en effet, est fort souple. Elle offre la possibilité de statuts particuliers, dont bénéficient déjà la majorité des collectivités d’outre-mer, ainsi que la Corse et l’Alsace-Moselle pour la métropole.
La Wallonie pourrait ainsi disposer d’un tel statut d’autonomie, qui lui permettrait de conserver ses organes d’auto-administration actuels, ainsi que ses compétences, lesquelles pourraient d’ailleurs être élargies, puisque la Communauté française aurait alors de facto disparu. Nos provinces et communes seraient maintenues en l’état. Quant à l’ex-droit fédéral belge, conservé, sauf exceptions, il se trouverait placé sous la responsabilité du législateur français. Et notre système de sécurité sociale serait adossé au système français.
Bref, les Wallons pourraient être Français à part entière tout en restant ce qu’ils sont aujourd’hui. C’en serait ainsi terminé des interminables chamailles communautaires, de cette suspicion réciproque qui anime Flamands et Wallons.
C’est autour de cette vision d’avenir que les Wallons doivent impérativement se rassembler.
Une vision que, du côté français, on est prêt à envisager favorablement. De passage à Bruxelles, en janvier 1996, Jacques Attali, l’ancien conseiller du président François Mitterrand, avait déclaré : S’ils étaient consultés demain sur l’éventuel rattachement des francophones de Belgique à la France, 95% des habitants de l’Hexagone répondraient favorablement.
Avec tout cela, Marianne vous présente ses bons vœux !
Bel exposé que j’ai déjà lu hier sur le GEWIF mais que vous avez bien fait de retranscrire ici. J’aime bien cette phrase: « Tout cela résulte des conditions dans lesquelles le Royaume indépendant de Belgique a vu le jour »! Ca résume tout et ça en dit long sur la situation à laquelle on est arrivé aujourd’hui en 2015!!! Il est encore temps (ou jamais trop tard) pour faire un « divorce à l’amiable », tout en douceur et voguer chacun de son côté et pour nous wallons, vers la France…
J’aimeJ’aime