Sollicité par les Jeunes Fédéralistes Européens pour leur site « Le Taurillon » auquel il collabore, notre ami Jean-Luc Lefèvre a commis une synthèse relative à notre situation politique que vous découvrirez ci-après.
A l’heure où « nos » députés s’invectivent et donnent un bien triste spectacle de notre représentation parlementaire fédérale, il est bon que l’un de nos membres privilégie la raison et le questionnement face à l’émotionnel. Nous pouvons être ou non d’accord avec ce qu’énonce Jean-Luc Lefèvre. Sachez que nos colonnes sont ouvertes à tout discours qui énonce des arguments dans le respect de l’Autre. L’ A.W.F. a fait de cette ligne sa marque de fabrique. Celle-ci est appréciée par un nombre toujours plus important de citoyennes et citoyens wallons et français.
Paul D.
Moins de cinq mois après les élections législatives du printemps dernier (25 mai), la Belgique a un gouvernement fédéral. Par rapport à la très longue crise qui a accouché d’un gouvernement de salut public (une « tripartite traditionnelle » présidée par E. Di Rupo, composée des chrétiens-démocrates, des sociaux-démocrates et des libéraux, sans majorité dans le groupe linguistique néerlandophone), la chose, déjà, peut surprendre. Mais la surprise est plus grande encore quand on sait la nature de la nouvelle coalition gouvernementale. Les épithètes retenues pour la définir montrent à suffisance sa nature pour le moins biscornue : « kamikaze » pour les uns, « suédoise » pour les autres, au gré des sensibilités. Il s’agit en effet d’une coalition inédite, très marquée à droite, et qui suscite dans l’opinion publique des sentiments très contrastés.
Une coalition inédite
Pour la première fois dans l’histoire du pays, est associé au pouvoir de l’Etat un parti nationaliste flamand, la N-VA, dont les finalités statutaires consistent à en finir avec les structures institutionnelles héritées de 1830 et la monarchie. Pour la première fois dans l’histoire du pays depuis 25 ans, les partis socialistes sont exclus du pouvoir. Comment en est-on arrivés là ? Dans les jours qui ont suivi le scrutin, alors qu’il avait été convenu tant au nord qu’au sud de mettre sur pied l’exécutif fédéral avant de mettre en place les gouvernements régionaux, PS et CdH francophones convenaient d’une alliance à la Région wallonne, suscitant la colère du parti libéral (MR) qui avait progressé lors des élections, et contraignant les cadors de Flandre, CD&V et N-VA à former ensemble le gouvernement flamand. C’est ainsi, que nourries de fortes rancœurs dans les terres romanes de Belgique, se sont succédé des nuits de négociations pour un gouvernement fédéral que la N-VA rêvait aussi de voir purgé des acteurs socialistes ! Un improbable accord de gouvernement a été ficelé, sans majorité aucune dans le groupe linguistique francophone réduit comme une peau de chagrin à sa seule composante libérale et donc une forte opposition socialiste, démocrate-chrétienne et écolo.
Une coalition marquée à droite
Sachant la promesse de la N-VA de mettre au frigo ses revendications communautaires pendant la durée de la législature, le programme de gouvernement met l’accent sur le socio-économique, avec des tonalités libérales, voire, pour les socialistes wallons, ultra-libérales… A chacun ses accents ! C’est vrai qu’avec, à la table des négociations, trois partis d’inspiration libérale et un parti, le parti chrétien démocrate flamand, partagé entre une aile gauche et une aile droite, il pouvait difficilement en aller autrement ! Pendant toutes les tractations, déjà, les esprits s’échauffaient ; déjà, l’on parlait de « bain de sang social » et les leaders syndicaux s’échauffaient, prédisant le pire au pays. L’accord de gouvernement est dans le droit fil des idéologies revendiquées : report de l’âge de la retraite à partir de 2025, services minimum dans les transports en commun en cas de grève, travaux d’intérêt général pour les chômeurs de longue durée, politiques d’immigration plus sévères, saut d’index…
Une coalition qui divise…
Par son programme, déjà, il ne faut pas le cacher, en Flandre aussi, même si la perception globale du nouveau gouvernent y est meilleure. Par sa composition à la fois déséquilibrée qui justifie les plus grandes appréhensions en termes de marginalisation de la Wallonie (des portefeuilles ministériels délicats comme le survol aérien de Bruxelles, la pénurie d’électricité et… les pensions) et sulfureuse avec des nationalistes, parfois proches de l’extrême-droite européenne, aux commandes de ministères régaliens (l’Intérieur et la Défense) sans oublier l’asile et la migration…
Et demain ?
Difficile de dire ce qui va arriver. L’automne social sera chaud, même si le nouvel exécutif entend promouvoir la concertation sociale et donc le rôle des partenaires sociaux qui craignent des marges de négociation réduites à néant. D’un autre côté, un gouvernement qui ne peut, sans combattre, jeter le gant : ce serait capituler en rase campagne et c’en serait fini du symbole fort d’avoir rejeté le PS dans l’opposition ! La porte serait alors ouverte à toutes les aventures !!!
Pour ma part, que ce gouvernement tienne ou non la route dans l’immédiat, les perspectives du scrutin de 2019 s’annoncent ébouriffantes : les risques assumés par les partis de la coalition, au nord pour la N-VA (aura-t-elle été crédible pour son électorat, et si oui, continuera-t-elle à discréditer les autres partis ?) comme au sud pour le parti libéral (fera- t- il oublier son costume de traître des francophones et parviendra-t-il à recomposer le paysage politique francophone ?) sont énormes, de nature à conduire à l’implosion du pays sous sa forme confédérale… au plus grand profit de la N-VA qui me paraît être la seule gagnante des récents évènements.
« Quousque tandem… », dirait Bart De Wever qui raffole des citations latines !
Jean-Luc Lefèvre
Souhaitons que l’aile la plus radicale de la NVA l’emporte. Si un jour la Wallonie accède à
l’indépendance c’est au flamingantisme radical qu’elle le devra certainement pas au
peuple wallon qui a perdu toute dignite se complaisant dans la sujétion a la Belgie.
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D’accord, mais le peuple wallon n’a pas perdu sa dignité. Il ne sait vers qui se tourner car il a perdu ses marques par la corruption des esprits sciemment orchestrée par ses cadres politiques et syndicalistes, certainement à partir de 1945. Pourquoi ? Espérons que des historiens oserons braver un jour la loi du silence induite par le conformisme hypocrite ambiant. Ce qui est frappant, rappelons Jules Destrée en 1912, « la Wallonie est gouvernée par une majorité flamande depuis 1884″. Il dit de la Wallonie : » nous nous trouvons dans la situation d’un peuple vaincu et annexé et que nous avons des maîtres de race étrangère (lire dans le sens actuel d’ethnie) ». Jules Destrée affirme que les Flamands ont, dès cette époque, atteint leur but et qu’ils menacent la Wallonie après nous avoir pris la Flandre que nous avions crue « belge » (!), notre passé que l’on néglige au profit de celui des Flamands, les emplois publics en exigeant la connaissance du flamand, notre argent qui sert à des travaux dans le Nord, notre sécurité, notre liberté, notre langue, etc. Jules Destrée a-t-il menti ? (lire Introduction de Maurice Bologne dans La Lettre au Roi de Jules Destrée, Inst. J. Destrée, 1981).
JULES DESTREE N’A PAS MENTI, loin de là, mais il ne pointe pas la cécité des responsables publics comme privés wallons (au nom de notre petit royaume de Belgique… et d’importants intérêts particuliers) face à ce péril dont nous vivons aujourd’hui une certaine forme d’aboutissement.
Par exemple, en 1831, la répartition linguistique s’établissait comme suit: 57,9% Néerlandais et 40,2% Français. En 1961, la répartition linguistique s’établissait comme suit:54,6% Nl et 37,6% Fr. Le parlement ne pouvait et ne peut que refléter cette statistique linguistique et cela sans tenir compte des compagnonnages et autres alliances qui peuvent encore aggraver ce déséquilibre.
Sans préjuger de l’avenir, nous pouvons déjà remercier la NVA et ses électeurs de montrer, comme dans le compte d’Andersen « Les Habits neufs de l’empereur », que le Roi est nu !
Plus moyen aujourd’hui, comme le tente encore le FDF d’Olivier Maingain, d’abuser de l’alibi des « francophones de Flandre »; ces mêmes francophones qui protégeaient, tout naturellement, leur Flandre.
Le parlement « belge » est la réalité brutale décrite par Destrée. Si les Wallons n’ont pas encore compris, ils vont le sentir et souffrir. Peut-être chasseront-ils leurs mauvais guides actuels qui chez certains n’ont de wallon que l’apparence.
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