C’est toujours une fête de l’entendre commenter un match à la radio : Thierry Luthers, qui jongle avec les mots comme d’autres avec un ballon, sera de la partie ce soir pour allumer le feu du 14 juillet liégeois. Pas de football au programme mais un récital Johnny Hallyday, dont Thierry Luthers interprétera les tubes avec l’ardeur bien liégeoise qu’on lui connaît. (Tiens, qui se souvient que Johnny a chanté « On est tous ensemble… Allez les bleus on est tous avec vous » ?)
Moins festive, et pour en finir avec la coupe du monde de football, loin du sport-spectacle et des émotions qu’il peut générer, voici la réflexion critique de Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l’éducation nationale en France. Publié dans le Figaro du 19 juin passé, ce billet d’humeur n’est pas vraiment une invitation à chanter dans la rue, à lâcher prise, à délirer tous ensemble. Il suggère qu’il n’y a pas que le foot dans la vie. On avait presqu’oublié…
Le nouvel opium du peuple
Tout va bien puisque, l’autre soir, 16 millions de Français ont trouvé divertissant de regarder sur TF1 une poignée de gamins milliardaires courir après leur ballon. C’est à dessein que j’emploie le mot « divertissant », car de bonnes âmes m’expliquent que le foot, fort heureusement, est là. Là pour que les « vrais gens », pas les intellos à la noix, puissent enfin penser à autre chose, se changer les idées, – comme si l’activité de pensée leur prenait tant d’énergie d’ordinaire qu’il fallait bien, les pauvres, les distraire un peu. Si j’ai le malheur de faire, fût-ce légèrement, la moue, la réprimande tombe aussitôt, réglée comme du papier à musique : ne pas participer à l’enthousiasme général est le signe d’un mauvais fond, une forme détestable de « distinction », au sens que Bourdieu donnait à ce terme : un mépris des élites à l’égard du peuple, une manière arrogante de se mettre au-dessus du lot, de faire valoir son « capital symbolique » en opposant la « haute culture » à la « culture de masse ». Bien plus, souhaiter que la France perde pour être enfin débarrassé du flot médiatique proprement délirant qui entoure chaque match sur toutes les chaînes et à toute heure… est une honte, un manque de patriotisme abominable. Comme si une équipe de sport était d’un seul coup, non pas même un représentant de la France, mais la France elle-même, la nation à l’état essentiel, chimiquement pur.
Qu’on me comprenne bien. Je le dis et le redis : je n’ai rien contre le foot en tant que tel. (…) Simplement, on en fait trop, mille fois trop, et ça devient insupportable. Les médias d’abord, qui vont à la soupe comme des veaux à la mangeoire. Les politiques, qui par peur de manquer le train, montrent leur bouille à qui mieux mieux dans le poste pour se livrer à des commentaires pseudo-éclairés où leur démagogie s’expose davantage que leur intelligence. Les supporteurs enfin, qui ne brillent ni par le goût ni par l’esprit, mais témoignent en revanche d’un chauvinisme aussi impressionnant que leur capacité à avaler de la bière.
Laissons passer l’orage, donc, puisqu’il n’y a rien à y faire. Gageons toutefois que, comme avec toute drogue, le réveil n’en sera que plus rude et qu’il est temps, grand temps, que les hommes de bonne volonté, de droite comme de gauche, se réveillent eux aussi… pour proposer une solution à ce pays que le nouvel opium n’abêtira pas indéfiniment.
C’est vrai, quoi. Il n’y a pas que le foot dans la vie. Il faut en relativiser l’importance. Après tout, le basket-ball et le handball sont aussi des sports d’équipe et, dans ces deux disciplines, la France est championne d’Europe en titre. Et cela ne change pas la vie des Français.
Merci pour ces élements très instructifs ! L’activité physique, la qualité dont les petits soins que l’on se réserve sont souvent la clé du bien-être.
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