Pierre Hazette à propos des inspecteurs lauréats en colère

Parce que le bon fonctionnement de la société wallonne est notre affaire à tous, il nous a semblé pertinent de faire écho à la colère de ces enseignants qui, après avoir réussi le concours pour devenir inspecteur, ont dû finalement laisser la place à d’autres (voir l’article en question).

Afin de ne pas en rester là, nous avons demandé à Pierre Hazette, ancien ministre de l’éducation, de bien vouloir s’exprimer sur ce sujet. Nous le remercions d’avoir donné suite à cette demande. Voici sa réaction.

L’INSPECTION DE L’ENSEIGNEMENT FRANCOPHONE.

UN CAS D’ECOLE !

Pierre Hazette, l'avenirRésumons une situation qui, quoi qu’on pense, ne relève pas de l’exception en Wallonie et à Bruxelles :

1/entre deux épreuves conduisant aux brevets offrant l’accès aux fonctions de promotion, le temps passe et les réserves de lauréats s’épuisent;

2/en l’absence de candidats brevetés, la ou le ministre pare au plus pressé et désigne librement, sous sa seule responsabilité, du personnel « faisant fonction »;

3/ce personnel intérimaire ne peut être nommé sans avoir réussi au préalable l’épreuve qui conduit au brevet;

4/la ou le ministre doit organiser l’épreuve et son administration doit en la circonstance prendre toutes les mesures qui assurent la régularité de l’opération sous une double contrainte :

a) ne pas conférer d’avantage aux agents faisant fonction, puisque leur désignation n’a pas respecté le principe d’égalité entre citoyens,

b) ouvrir l’épreuve à tout candidat potentiel porteur des titres requis et justifiant une ancienneté de fonction conforme aux exigences.

Tout candidat est informé des conditions à remplir.

Dans le contexte où nous évoluons, l’administration a confié au SELOR, institution au-dessus de tout soupçon de manœuvre partisane, l’organisation de l’épreuve de sélection.

Les résultats des tests du SELOR éliminent des inspecteurs faisant fonction et offrent le brevet à des candidats sans expérience.

La ministre suit le mouvement et remplace les inspecteurs non classés par les lauréats.

Ceux-ci prennent donc la place de ceux-là qui retournent devant leur classe ou reprennent leur fonction antérieure à la direction de leur établissement.

Ces inspecteurs évincés introduisent au Conseil d’État un recours en annulation de l’épreuve du SELOR et la Haute Juridiction leur donne raison au grand dam des lauréats, qui de leur côté réclament justice.

Cet imbroglio administrativo-judiciaire met dans une difficulté extrême un corps d’élite de l’enseignement francophone. Le dommage est énorme tant l’encadrement des jeunes enseignants ou des professeurs recrutés malgré leur manque de titres pédagogiques, relève de la nécessité urgente.

La première responsabilité de cette situation kafkaïenne réside dans la lenteur de l’exercice du pouvoir. L’épuisement de la réserve d’agents brevetés est un phénomène prévisible et maîtrisable. Il offre au ministre la capacité de désigner des faisant fonction sans rendre compte à quiconque. On peut soupçonner la tentation de servir par là une politique partisane.

La deuxième responsabilité se révèle dans l’imprudence de l’administration. De nombreux précédents illustrent la tendance invasive à la contestation administrative ou judiciaire des actes ou décisions émanant du ministère. Le mal se répand de la contestation des conseils de classe à la désignation des inspecteurs ou des directeurs généraux. La prudence eût consisté à retourner toutes les pierres, comme disent les enquêteurs anglais, à prendre l’avis préalable du Conseil d’État ou de consultants de haut vol.

Dans la recherche des responsables, on ne peut rien retenir ni contre les inspecteurs faisant fonction qui se sont défendus, ni contre les lauréats du SELOR qui ont joué le jeu selon les règles qui leur étaient proposées.

Au contraire, les uns et les autres ont subi des préjudices.

Dès lors se pose la question : si préjudice il y a, à qui incombe la réparation ?

Pourra-t-on tolérer longtemps encore que des erreurs soient commises sans que leurs auteurs aient à en supporter les conséquences et en rejettent la charge sur la collectivité ?

Dans l’état de délabrement des finances de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la responsabilisation financière des décideurs et de leurs conseillers serait sûrement un gage de bonne, de meilleure gouvernance.

                                                                           Pierre HAZETTE

                                                                          Sénateur honoraire

                                                                             Ancien ministre.

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