Voici l’avis que l’essayiste politique Jules Gheude défend dans « L’Echo » du 11 juin 2014. Il nous donne là une version quelque peu différente de l’article paru sur le site de l’hebdomadaire « Knack » le 10 juin 2014.
En Wallonie, les partis de l’Olivier ont perdu des plumes. Plus de la moitié pour Ecolo, 14.450 pour le CDH et 13.450 pour le PS. Le MR en a récolté 76.000 de plus.
En choisissant de laisser le parti réformateur sur la touche et de poursuivre avec le partenaire social-chrétien, Elio Di Rupo a beau dire ce qu’il veut : il n’a pas servi la démocratie. Et « les milliers d’heures qu’il a consacrées pour garder ce pays uni » risquent bien de s’avérer vaines.
Le fossé reste immense entre une Flandre qui, grâce à une politique de centre-droit, affiche l’équilibre budgétaire et de bonnes performances économiques, et une Wallonie marquée à gauche qui, après plusieurs plans de redressement, connaît un taux de chômage de 16% et un endettement de 11,2 milliards d’euros.
C’est ce fossé qui a contribué à alimenter le discours flamand selon lequel il convenait de mettre un terme aux transferts financiers et de prôner le modèle confédéral. Bart De Wever n’a fait que s’inscrire dans cette évolution que le Parlement flamand a recommandée, dès 1999, en adoptant les fameuses résolutions.
Rien d’étonnant dès lors à ce que la N-VA, grand vainqueur du scrutin du 25 mai avec 32% des voix, décide aujourd’hui de s’allier avec le CD&V pour constituer le prochain gouvernement flamand. « La relation entre le nationalisme et la démocratie chrétienne est profondément ancrée dans l’ADN flamand », comme a tenu à le rappeler l’ancien ministre CD&V Stefaan De Clerck.
Il est intéressant de rependre ici les propos tenus par l’ancien président du PS, Guy Spitaels, à propos de Bart De Wever, dans la dernière interview qu’il confia au « Soir », le 10 septembre 2011 : « Très, très habile. Il est très fort intellectuellement et l’ennemi des bobos. Il n’est pas toursiveux. Il dit clairement et brutalement ce qu’il veut. (…) Ce De Wever ne me déplaît pas du tout. »
Autre constat utile, celui de Carl Devos, le politologue de l’Université de Gand : « La N-VA est un parti de centre-droit qui se déclare par ailleurs ouvertement conservateur, mais l’on ne souligne peut-être pas assez que sur certains points, il est aussi très libéral et partage un certain nombre de visions sociétales avec l’Open VLD » (« La Libre Belgique », 22 juin 2011).
Le président du FDF, Olivier Maingain, fait donc un bien mauvais procès à la N-VA lorsqu’il va jusqu’à mettre en doute son caractère démocratique.
Européen convaincu, Bart De Wever s’inspire du modèle de gestion qui a si bien réussi à l’Allemagne. Pragmatique, il sait qu’il n’y a qu’une voie pour assurer le redressement économique. C’est celle que le gouvernement français socialiste de Manuel Valls est d’ailleurs contraint d’emprunter aujourd’hui : réduction drastique des dépenses publiques, baisse des impôts, reconnaissance absolue du rôle joué par les PME pour relancer l’emploi et, par voie de conséquence, la croissance.
Au nom de quoi la Belgique, dont la dette va dépasser les 400 milliards d’euros (soit plus de 100% du PIB), devrait-elle être le seul pays au monde à octroyer des allocations de chômage illimitées dans le temps ?
Voilà pourquoi, je rejoins le politologue Carl Devos lorsqu’il déclare qu’ « il faut donner ses chances à la N-VA ».
En politique, il ne faut jamais dire jamais. Les déclarations sont une chose. La real-politik en est une autre.
Rien ne dure éternellement. Tout change.
Dans son livre « La Belgique est morte, vive la Belgique ! » (Fayard, 2009), José-Alain Fralon, l’ancien correspondant du « Monde » à Bruxelles, écrivait : « Si les civilisations sont mortelles, pourquoi un pays de 10 millions d’habitants ne le serait-il pas ? » Et d’ajouter, à l’adresse du Roi : « Que pouvez-vous faire aujourd’hui ? Pas grand-chose, vos pouvoirs étant si limités. Et puis, comment lutter contre un nationalisme flamand qui gagne imperceptiblement du terrain, comme le sable qui pénètre dans une maison en dépit des fenêtres et des portes fermées. »
Qu’on le veuille ou non, le processus de la scission de l’Etat est irréversible. Mais que les francophones ne s’alarment pas. Ce ne sera pas l’apocalypse. Le tout étant de pouvoir compter sur des responsables politiques dignes de ce nom. L’après-Belgique est inscrit dans les astres. Il suffit de bien s’y préparer. « Sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée », comme avait déclaré le Roi Baudouin, en 1959, à propos de l’indépendance du Congo.
Bref, comme l’a encore écrit José-Alain Fralon, se préparer à une issue qui pourrait s’avérer salutaire pour tout le monde, car elle nous délivrerait enfin de ces interminables chicaneries communautaires.
Rien n’est plus dramatique que de ne pas anticiper les choses et de se retrouver, à un moment donné, contraints de réagir dans l’urgence et la précipitation.
C’est pourquoi, nous estimons avoir fait œuvre utile en mettant sur pied, le 9 mai 2009, cette initiative citoyenne des « Etats généraux de Wallonie », pour réfléchir, de manière approfondie et objective, aux diverses options d’avenir post-belge possibles. Des travaux sérieux ont été entrepris, que l’on peut toujours consulter sur le site www.etatsgenarauxdewallonie.org (2).
(1) Dernier livre paru : « Lettre à un ami français – De la disparition de la Belgique », préface de François Perin, Mon Petit Editeur, 2013.
(2) Ils ont également été repris dans le livre « Quand les Wallons s’éveilleront… », Mols, 2009.
Jules Gheude
« Rien n’est plus dramatique que de ne pas anticiper les choses et de se retrouver, à un moment donné, contraints de réagir dans l’urgence et la précipitation »
C’est pourtant bien ce qui pend au nez de la classe politique francophone de notre chère Wallonie, attachés qu’ils sont à quelque chose qui ne tient plus qu’à un fil (les diables-rouges, et encore…). Tant qu’ils ne seront pas devant le fait accompli (les flamands qui séparent pour de bon…), ils ne feront pas un seul pas vers la France…ils n’y pensent malheureusement, même pas!!! Enfin, pas jusqu’à présent en tout cas!!!
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Dommage que ce texte soit autant teinté d’ultra-libéralisme ! L’exemple allemand ? Je suis allé, il y a un mois, à Essen. La pauvreté est dans les rues: les mini-jobs.
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Pourtant on dit que le « modèle » allemand est celui qui s’en est le mieux tiré dans la crise que connaît l’Europe depuis maintenant 2008…ne serait-ce qu’une illusion comme chantait le regretté Pierre Rapsat???
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Allez voir du côté du modèle nordique, vous verrez que la social-démocratie, tant décriée à droite et à la gauche de la gauche, y a édifié des sociétés apaisées, sur le plan social, et performante sur le plan économique !
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le « modèle » allemand n’existe que graâce au fait que l’Allemagne n’a jamais payé de dette de guerre après 1945… Et que nous avons tous financè sa reconstruction.
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« Ce ne sera pas l’apocalypse. Le tout étant de pouvoir compter sur des responsables politiques dignes de ce nom. » !!
Qui ?
Moi qui suis un citoyen lambda, je ne vois pas qui… Et encore moins en voyant le pitoyable spectacle donné, la semaine dernière et ce WE, par les parlementaires wallons…
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Chercher le francopholâtre, vous trouverez le thachérien ? Si le libéralisme de l’école de Chicago, cher au mentor flamingant de Jules Gheude, permettait aux peuples d’accéder réellement au bien-être économique, social et culturel, ça se saurait … Difficile pour moi d’être à la fois le parangon du rattachisme et le fils spirituel de Milton Friedman. En tout cas, ce sera sans moi !
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La seule chose à retenir de ce texte est : « le processus de la scission de l’Etat est irréversible. Mais que les francophones ne s’alarment pas. Ce ne sera pas l’apocalypse. »… Encore que j’eusse préféré qu’il utilise le beau nom propre de « Wallons » que le terme générique « francophone »…
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