Il est parfois bon de permettre au temps d’agir et d’éviter de se laisser aller à l’émotion. Prendre un certain recul par rapport à un événement me semble bon. Il en va ainsi du décès de Wilfried Martens. Comment d’autre part ne pas mettre en parallèle la façon dont les médias de Wallonie et de Bruxelles ont traité la disparition de François Perin et celle de celui qui décida de quitter la politique belge pour gagner les rives moins turbulentes de l’Europe et rester ainsi dans les allées du pouvoir.
Dans un article précédent daté du 30 septembre, j’avais eu l’occasion de rendre hommage au visionnaire, à l’intelligence et au courage d’un homme politique qui avait refusé le titre honorifique de Ministre d’état d’un Etat auquel il ne croyait plus. L’émotion était bien présente lorsque j’ai écrit cet article, mais aujourd’hui, je n’ai pas un mot à retirer de ce que j’écrivais alors. François Perin est parti sans bruit, dans l’intimité de funérailles familiales.
M.Martens a eu droit à des funérailles d’Etat avec honneurs militaires, à la présence des plus hautes autorités européennes et belges etc…
Je dois un grand merci à cet homme d’Etat flamand. Le parcours de Wilfried Martens illustre bien l’évolution de la Flandre dans l’Etat belge dont il a su tirer parti au seul bénéfice de sa région. Grâce à son « Walen buiten » (Les Wallons dehors) suivi peu de temps après par son accession au rôle de premier ministre belge, j’ai rejeté cet Etat qui ne me respectait pas, moi, Wallon, moi, Liégeois : j’ai cessé d’être belge.
Je vous invite à suivre avec moi le parcours suivi par ce politicien du C.V.P. (christelijke volks partij), en français « parti chrétien du peuple » devenu aujourd’hui C.D&V (christen, democratisch en vlaams), en français « chrétien, démocratique et flamand ».
Il entre très jeune en politique et devient rapidement président du mouvement des étudiants flamands (VVS) et président de l’association des étudiants catholiques flamands (KVHV). A ces titres, il organise en octobre 60 et 61 deux marches violentes sur Bruxelles pour revendiquer plus de pouvoirs pour les Flamands dans la capitale d’un pays qui était encore un Etat unitaire. Il entre au CVP en 1963 et peu de temps après (1967), il devient président des « CVP-Jongeren » (jeunes sociaux-chrétiens flamands) et organise les manifestations qui exigent que l’enseignement en français soit banni de l’université catholique de Leuven (Louvain). A la tête de cortèges qui atteignent parfois plus de 40000 étudiants flamands, il vocifère « Walen buiten ».
En 1972, il devient président du CVP et deux ans plus tard, il est élu député tout en gardant la mainmise sur son parti dont il garde la présidence. De 1979 à 1981, puis de 1981 à 1992, il dirige la Belgique en étant 1er ministre de pas moins de 9 gouvernements. C’est l’époque de l’Etat-CVP dans toute sa splendeur, qui est marquée par une grande instabilité des gouvernements. C’est l’époque des « compromis à la belge » où Martens dégraisse la Wallonie pour développer sa Belgique. C’est l’époque du « plus un franc pour l’acier wallon » décrété par la Flandre (il fallait bien développer Sidmar en bord de mer du Nord). C’est l’époque des tueries du Brabant wallon dont on a renoncé à trouver les coupables. C’est l’époque du drame du Heysel et du courageux Charles-Ferdinand Nothomb, ministre de l’intérieur, qui refusa de démissionner malgré son indéniable responsabilité. C’est l’époque du couple Baudouin-Martens, duo du renouveau charismatique, aile intégriste du catholicisme. C’est l’époque de cette autoroute de Wallonie, vitale pour la Wallonie, mais remise chaque fois sur le tapis en échange de concessions exigées par la Flandre. Les gouvernements Martens ont été des années noires pour la Wallonie. Martens, homme de compromis selon Wikipédia ? Que nenni ! L’émergence de trois régions (Flandre-Wallonie-Bruxelles) égales en droits en Belgique, base du fédéralisme à la belge (le fameux article 107quater de la Constitution) est le fruit de l’équipe Perin, le Wallon, et Vandekerkhove, le Flamand, tous deux ministres des réformes institutionnelles.
Les querelles politiciennes internes au CVP ont eu raison du premier ministre Martens, mais celui-ci avait eu la prudence de penser à sa carrière politique en devenant en 1990 président du P.P.E., groupe politique européen qui intègre, entre autres, les partis démocrates chrétiens.
Comme président de ce groupe, il prit une part active dans le génocide rwandais comme le démontre l’excellent film produit par la RTB : « Un génocide au nom de Dieu ».
Wilfried Martens s’est inscrit avec virulence dans le mouvement flamand. Il était pathétique lors de ses dernières interviews de le voir pleurer sur sa Belgique qui s’évaporait.
Pardonnez-moi, mais aujourd’hui, je ne pleure pas.
Paul D.
« le voir pleurer sur sa Belgique qui s’évaporait. » (voir Paul D.) Comme vous l’avez très précisément écrit cette Belgique à la Maertens signifiait « le corps étatique sur lequel se greffe la Flandre, libre de devoirs mais tenant en ses mains tous les droits de profit sur le dos de la Wallonie ». Et la Wallonie malheureusement adopte le comportement servile du PSC Charles-Ferdinand Nothomb au lieu de s’inspirer de l’esprit de fierté de François Perin.
Maertens espérait faire durer encore un peu le mensonge belge mais la nouvelle génération flamande agit comme lui le fit dans sa jeunesse passée. J’espère que la NVA et le peuple de Flandre ne rangent pas l’article premier de ce parti aux oubliettes du pragmatisme du CDNV.
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