Gilets jaunes et peste brune

Le texte suivant provient du blog  du journaliste Philippe Dutilleul.

Dans l’histoire syndicale, on qualifie de jaunes des éléments qui s’opposent à un mouvement de grève, le cassent parfois violemment, prennent partie pour les patrons contre les ouvriers et les employés. Aujourd’hui, les syndicats, que ce soit en Belgique ou en France, restent les interlocuteurs du patronat et des gouvernements en place mais ont perdu de leur influence pour s’être embourgeoisés et institutionnalisés. Ils font partie du système en place, se sont enrichis grâce aux cotisations de leurs membres et ne sortent qu’à l’occasion de manifestations bien encadrées pour crier la colère de leurs affiliés contre des mesures gouvernementales jugées anti-sociales et réclamer des hausses de salaires ou d’allocations sociales. Ils ne constituent plus depuis longtemps un contre-pouvoir crédible au capitalisme triomphant et au libéralisme débridé.

Cette faiblesse de la représentation syndicale se double d’un discrédit profond de la classe politique traditionnelle. Cette crise profonde est un peu occultée en Belgique où la « particratie » omnipotente tient encore solidement les rênes du pouvoir grâce à une politique clientéliste multiforme qui ruine les finances publiques, affaiblit la marge de manoeuvre des pouvoirs publics et n’empêche nullement la pauvreté, l’insécurité, le manque de civisme, les atteintes à l’environnement, la corruption, de s’étendre. La scène politique est devenue un spectacle médiocre d’où ressort l’arrogance et l’impunité des élus et des gouvernants. Quoiqu’ils fassent ou presque, ils sont et seront réélus. Seule la justice, à qui l’on coupe sans cesse et pour cause des moyens financiers, contrecarre encore des despotes éclairés et cupides mais à dose trop homéopathique. Il n’existe pas de véritable alternance en Belgique sinon de voir un jour ce pays disparaître ou se diluer plus encore lors des prochaines législatives.

En France, la situation est différente car le mode de scrutin et l’esprit frondeur/râleur de beaucoup de ses habitants donnent une vue biaisée des rapports de force et de l’état de l’opinion publique. Celle-ci est chroniquement de mauvaise humeur, riches comme pauvres, et renvoie à leurs chères études depuis une trentaine d’années les gouvernants qui se succèdent lors des scrutins présidentiels et législatifs.

Avec la Belgique, la France est le pays le plus taxé au monde. L’un et l’autre possèdent un mille-feuilles administratif qui, à chacun des (trop) nombreux niveaux de pouvoir, produit des fonctionnaires, des obligés de toute nature et bien sûr un nombre pléthorique de mandataires politiques. Cela forme un ensemble disparate, compliqué à démêler, à gérer, une bureaucratie tatillonne, parfois inutile, coûteuse, qui ralentit la résolution des problèmes et le dynamisme économique. Mais reconnaissons à la France, une Sécurité sociale extrêmement généreuse envers les patients et des aides sociales appréciables qui sont considérées par tous, y compris les gens aisés, comme des droits acquis.

Il n’est pas étonnant dès lors que le taux d’imposition y soit élevé. Cependant, pour être toléré,  il doit être juste et proportionnel aux revenus de chacun. Là se situe le problème actuel et le sentiment très partagé dans l’opinion publique que l’injustice règne à tous les niveaux de pouvoir et que la pression fiscale devient intolérable pour de nombreuses familles aux revenus modestes. Autrefois, cette justice sociale était l’apanage, le moteur des revendications de la gauche politique et au pouvoir celle-ci tentait de mieux répartir les richesses produites parmi la population. Ce temps est aujourd’hui révolu. La gauche n’est jamais parvenue en France (et ailleurs) à trouver un juste équilibre dans la répartition des richesses sans nuire à l’économie et la production de richesses.

J’avais parié dans une précédente chronique sur l’intelligence (politique) du Président Macron qui avait su concilier droite, gauche et écologistes modérés dans un programme de profondes réformes économiques et sociales dont la France a un urgent besoin pour rester compétitive et garder son rang de puissance mondiale.  Tout en préservant la paix sociale par des mesures adéquates. De (légères) ponctions dans les retraites ainsi que la fin de l’impôt sur les grosses fortunes (ISF) ont provoqué un vif mécontentement populaire qui s’est accentué avec l’augmentation de certaines taxes sur des produits de première nécessité (essence, gaz, électricité, etc.). Qui a enclenché le mouvement des gilets jaunes né spontanément et anarchiquement sur les réseaux sociaux avec rapidement une kyrielle de revendications de nature poujadiste et populiste, parfois contradictoires.

D’où je suis, je mesure mal l’ampleur du mal et de la révolte. Il vient de loin et touche dans les petites villes beaucoup de gens, ceux sur les barricades et aussi de nombreux autres qui restent dans l’ombre. La classe politique traditionnelle est tétanisée et l’opposition ne propose qu’un retour en arrière (j’invite à relire ma précédente chronique « Bonnets d’âne »), qu’une reddition en rase campagne du gouvernement Philippe. Il en ressort l’impression dominante que la France est devenue un pays ingouvernable et irréformable. Schizophrénie collective ? Peut-être. Je pense que ce mouvement est sur le fonds une jacquerie d’enfants gâtés, individualistes qui ne mesurent pas la chance qu’ils ont de vivre dans un pays démocratique même s’il est imparfait, même si des erreurs d’appréciation ont été commises par l’actuel locataire de l’Elysée, cible de tous les sarcasmes et injures. Les cadeaux fiscaux accordés aux plus fortunés, décidés en début de quinquennat, sont choquants et aléatoires en terme de résultats.

Plus encore, je suis inquiet par les informations qui remontent des actions sur le terrain  et parviennent aux citoyens via les médias télévisés (qui, j’insiste, jettent de l’huile sur le feu). Le blocage de routes, de centres commerciaux, de dépôts d’essence, la démolition de radars, les menaces de mort, la prise à partie parfois violente de parlementaires de la majorité et bien sûr les lamentables émeutes parisiennes (et pas qu’à Paris) sont autant de faits (pour ceux qui sont connus) qui me font frémir et me laissent penser que la démocratie est en danger.

Car qui ne veut voir dans ce mouvement qu’une juste lutte pour des droits sociaux est aveugle. La violence ne profite qu’aux extrêmes et ceux-ci peaufinent leur stratégie pour arriver au pouvoir et s’y maintenir coûte que coûte. L’Italie s’est dotée d’un gouvernement mortifère. La France risque de suivre le même chemin si la raison, le dialogue et plus encore l’intelligence et le courage politiques ne l’emportent pas, tous horizons confondus. A défaut, on se dirige vers le chaos, une dictature qui ne dira pas son nom et cette tendance gagnera l’Europe qu’on pensait à l’abri de tels scénarios après la barbarie nazie. L’entrée des fascistes espagnols nouvelle version au Parlement régional d’Andalousie en est une preuve supplémentaire. Il faut un sursaut radical de la classe politique et des forces démocratiques. N’est-il pas déjà trop tard ? L’issue de l’actuel conflit en France sera une indication déterminante.

p.s. : lors de mes séjours récents en Italie, avant les élections, trois sujets revenaient toujours dans les discussions : trop de taxes, trop d’immigrés, classe politique corrompue… On connaît la suite…

Publié il y a 3 days ago par Dutilleul Philippe

7 réflexions sur « Gilets jaunes et peste brune »

  1. La peste brune ? En Belgie elle est au pouvoir son gauleiter se
    nomme Francken et elle est au pouvoir gràce au MR qui avec
    son chef Michel a choisi la collaboration. La Wallonie
    Aux abonnés absents

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  2. La peste brune ?
    L’antifascisme, c’est pas trop difficile quand il n’y a plus de fascisme.
    En revanche…
    Attendez la peste verte, bientôt de retour de Syrie…
    Attendez la peste argentine, le shutdown bancaire du vendredi soir.
    Préparez vos planches de surf…

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  3. Voilà une analyse intéressante.
    Que ce soit en Italie, en France ou ailleurs en Europe et, surtout, dans notre « petit Plopsaland de royaume surréaliste « , trois sujets reviendront de plus en plus souvent : trop de taxes, trop d’immigrés, trop de classes politique et syndicale corrompues.
    Cela rejoint l’article de Monsieur Gheude  » La démocratie en danger « . La corruption matérielle et intellectuelle des « élites » dérange à partir du moment où l’équilibre, entre les charges, de toutes natures, imposées au peuple et les avantages offerts aux classes dirigeantes et privilégiées, bascule au détriment des plus faibles.
    Le plus désolant, à l’heure où les cénacles bancaires, financiers, économiques et politiques peuvent tout calculer à l’euro prêt, ils se refusent de préserver l’équilibre entre leur faim de gains et le nécessaire confort de la population qui, par son travail et ses dépenses, leur apporte les dividendes tant convoitées. Or, celui qui détient le capital gagne à tous les coups, alors ?
    A force d’agir comme des Gargantuas, aveugles aux plaintes du peuple, les classes dirigeantes, complices du pillage, ne doivent pas s’étonner de la montée des contestations, des jacqueries et des révoltes.
    Quant à hurler à la « peste brune », c’est lamentable d’autant qu’ au cours de la période en question, en Europe notamment, le capitalisme mondial, bon chic bon genre, engrangea des bénéfices plus que plantureux grâce à la guerre, au pillage, à l’esclavage et puis… à le reconstruction.
    Au train où vont les événements, le scénario qui se met en place rappelle plus 1789 (France), 1830 (Pologne) ou 1871 (Paris).

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  4. La France est ruinée, elle n’a plus de sous, et ne vous prendra pas en charge. Il faudra vous débrouiller seul, et trouver une autre vache à lait lorsque la Flandre ne vous donnera plus un sous. En attendant, continuez de rêver au rattachement de la Wallonie à la France, car cela n’aura jamais lieu. La Wallonie sera devenue Flamande, et vous n’aurez qu’à quitter la Belgique pour votre France ruinée. 😂😂😂

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    1. Navré pour vous Monsieur Dubois mais TOUS les pays d’Europe occidentale se trouvent dans le même état impécunieux même l’Allemagne de Monsieur Magnette. La Deutsche Bank vit des moments angoissants ces derniers temps mais la Belgique germanophile ne le publie pas dans les pages tous publics mais bien dans des publications réservées aux « professionnels de la finance et du commerce ».

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    2. @M. Dubois

      La France est peut-être ruinée (et encore…) et ne va pas, actuellement, super bien (comme beaucoup d’autres nations également…) mais elle va sûrement mieux que la Wallonie, ça c’est sûr!!! Elle va même mieux que la Belgique entière (au niveau fédéral), c’est certain également.
      Faut juste que la France retrouve un président (ou une présidente…) digne de ce nom (style De Gaulle ou Miterrand) qui étaient eux, de vrais hommes d’Etat! Quant au rattachement de la Wallonie à la France, ça ne pourrait s’envisager que, si et seulement si, la Flandre déclare un jour son indépendance totale! Alors, les Wallons (et surtout ces politiques et je dirais même les premiers) mis devant le fait accompli et se retrouvant dans une impasse, n’aurons alors plus comme autre choix que d’aller pleurnicher à Paris… En se mordant les doigts (pendant le trajet) de ne pas avoir fait cela avant!!!!!!
      Moi, perso, au pire, je serai français bien avant, ayant la possibilité déjà actuellement de pouvoir obtenir cette chère nationalité française par mariage, étant marié depuis bientôt 7 ans (fin janvier prochain) avec une française!

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  5. Tiens revoilà Dubois le défaitiste. Il a tout faux la prospérité flamande
    s’effondrera faute de main d’oeuvre et horreur le Flamand devra
    faire appel a des arabes ou des nègres selon le langage raciste
    en vogue au nord. Pìre que les cacas wallons comme le flamand
    qualifie ses concitoyens du sud. Que Dubois se rassure les
    fortunes francaises sont parmi les plus riches du monde.

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