Les Wallons et les Bruxellois de langue française, otages de la haine Michel – Magnette

lu sur le site de l’hebdomadaire « Le Vif – L’ Express » du samedi 18 avril 2015. Nous remarquerons que journaliste (Thierry Fiorelli) et professeur d’université (Christian Behrendt) parlent toujours d’Etat fédéral belge là où leurs collègues flamands considèrent que celui-ci a vécu pour faire place à un Etat confédéral. Le fait qu’un décret wallon ou flamand vaille une loi fédérale n’est-elle pas un marqueur fondamental, parmi d’autres, pour que l’appellation contrôlée de l’ Etat belge soit le confédéralisme ?

« Il y a, en Belgique, une perception un peu idéalisée de ce que doit être l’Etat fédéral. On se dit qu’il doit être parfait, fonctionner sans aspérités entre les différentes entités. Toute divergence de vue est dès lors considérée comme un dysfonctionnement. » Dans l’entretien qu’il nous accorde, Christian Behrendt calme les esprits de façon plutôt pertinente

Le constitutionnaliste ne nie pas les tensions, très vives, entre le gouvernement fédéral et l’exécutif wallon, depuis le début de la législature, il y a six mois, mais il les considère  « inéluctables », en raison de l’essence même du fédéralisme et de l’ équivalence des normes propres au système belge : « Un décret wallon vaut une loi fédérale. » Autrement dit, à ses yeux, le duel que se livrent les deux échelons de pouvoir, à distance comme lorsqu’ils sont face à face, illustre « le test de maturité » que passerait pour l’instant notre fédéralisme.

S’agissant de la confrontation entre Charles Michel et Paul Magnette, qui s’apparente de plus en plus à une guerre de personnes, Christian Behrendt prône le calme, là aussi :  » La démocratie, c’est le conflit des idées », rappelle-t-il. D’accord. Mais on aurait tort de le réduire à une simple péripétie, finalement saine pour l’action politique, tant fédérale que régionale.

Il y a bien plus que de la divergence d’idées, d’idéologies, entre ces deux-là. Bien pire pour le fonctionnement du pays et de la Wallonie, il y a ce qui est devenu une véritable et profonde aversion réciproque.

Parce que le conflit qui oppose les deux chefs de gouvernement semble dépasser celui des idées. Notre dossier (dans le Vif de cette semaine) décodant la haine viscérale que se vouent mutuellement le Premier ministre MR et le ministre-président PS l’illustre : il y a, finalement, bien plus que de la divergence d’idées, d’idéologies même, entre ces deux-là. Il y a bien pire, pour le fonctionnement du pays et de la Wallonie. Il y a ce qui est devenu une véritable et profonde aversion réciproque. Charles Michel et Paul Magnette ne se supportent pas. Charles Michel et Paul Magnette s’insupportent l’un l’autre.

A un point tel que, pour l’instant, rien ne semble pouvoir les amener à jouer de façon totalement loyale la concertation, à laquelle ils sont pourtant tenus. Parce qu’un Comité ad hoc est institué pour que le fédéral et les trois Régions puissent y dialoguer, entre adultes, et gérer d’une certaine façon conjointement les effets de la dernière réforme de l’Etat en date – qui demande des  » ajustements » négociés, au vu des nombreux nouveaux transferts de compétences et de leurs conséquences sur la gestion de chaque entité et sur les décisions qui y sont associées.

On est actuellement très loin du compte. Chaque décision du gouvernement Michel est suspecte d’être dictée au moins en partie pour déstabiliser le gouvernement Magnette et son chef de file en particulier. Et chaque réaction du gouvernement Magnette semble guidée, au moins partiellement, par l’intention de nuire au gouvernement Michel et en priorité à son leader. Dans les deux cas, tant pis pour les Wallons. Tant pis pour tous les francophones, même : déjà otages de l’asymétrie des majorités (le MR au fédéral, le PS et le CDH en Wallonie et à Bruxelles, où les FDF viennent en sus), les voilà aussi prisonniers d’une lutte farouche entre individus.

Au vu des urgences, à tout niveau, auxquelles sont confrontés le pays et les Régions wallonne et bruxelloise, il n’est par conséquent pas déplacé de réclamer que l’intérêt commun ne passe en aucun cas après les règlements de compte personnels.

8 réflexions sur « Les Wallons et les Bruxellois de langue française, otages de la haine Michel – Magnette »

  1. Rien que du bonheur a contempler la débâcle du fédéralisme belgicain. Que les Wallons
    ouvrent enfin les yeux et plus jamais ne parlent de leurs amis flamands. L’agonie belge
    est malheureusement trop longue prolongée par un personnel politique sans vision sans
    envergure. Une fois ruinés les Wallons iront comme les Bourgeois Calais implorer le
    rattachement le retour a la Mère patrie dont ils furent séparés par la catastrophe de
    1814

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    1. Catastrophe qu’ils s’apprêtent à célébrer en grande pompe et à grands frais à l’occasion du bicentenaire du désastre de Waterloo. Vous en connaissez beaucoup des peuples qui célèbrent leurs plus cuisantes défaites de la sorte et qui dépensent des sommes folles pour faire revivre un événement qui aura finalement signé leur assujettissement à un Etat qui n’est pas le leur ? En 1832, un député fraichement élu du nouveau royaume de B., avait proposé que cet infâme monument qu’est le lion de Waterloo, érigé par les Hollandais pour remercier la sainte Alliance et humilier la France, fût rasé, en remerciement à la France qui avait, par son intervention militaire, sauvé la révolution « belge ». Que ne l’ a-t-on pas écouté !

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  2. Régionalistes, encore un effort … !
    CHRONIQUES RTBF radio | lundi 2 mai 2011 à 13h44
    Hier, j’ai passé un excellent dimanche après-midi au soleil, et je n’ai pas bronzé idiot : j’ai lu le dernier livre de Paul Magnette, Grandeur et misère de l’idée nationale. C’est du solide.
    Avant d’être Ministre Fédéral et chéri de ces dames, Paul Magnette est un brillant Professeur de sciences politiques qui nous fait là une démonstration magistrale qu’il y a du bon dans l’idée de Nation, et que les progressistes et les démocrates ne doivent pas en avoir peur. Le nationalisme, c’est la guerre, comme disait François Mitterrand, mais c’est aussi pour les peuples le moyen de s’émanciper, de prendre en charge.

    Paul Magnette se fait encore érudit et pédagogue quand il montre que le mouvement national flamand, avant d’être un mouvement populiste et conservateur dressé contre les « assistés » wallons, a d’abord été (au 19e siècle) un mouvement social luttant contre la bourgeoisie francophone … de Flandre !

    Mais alors, quelle réponse francophone au nationalisme flamand ? Paul Magnette écarte d’un revers de la main le rattachisme, ainsi que la « Nation francophone » chère à Jean Gol (et qui est encore défendue avec force par Olivier Maingain dans la Libre de ce week-end). Reste donc, par élimination, le régionalisme : Paul Magnette invite les Wallons à investir leur désir de Nation dans le régionalisme wallon, et les Bruxellois, dans la Région bruxelloise. Fort bien. Fort fort bien. Régionaliste wallon convaincu, je bois du petit lait (même si je préfère un bon verre de Sancerre).

    Mais à mesure que l’on entre dans le détail, on sent bien que le sémillant politologue au langage clair et net cède la place au Ministre fédéral qui, comme tous les politiques par les temps qui courent, marche sur des œufs dès qu’il s’agit du « communautaire ». Résultat : Paul Magnette n’ose pas tirer toutes les conséquences de son plaidoyer régionaliste.

    Primo : si la Nation, c’est la Région, alors exit la « Communauté Française ». Même rebaptisée « Fédération Wallonie-Bruxelles », elle n’a plus de sens.

    Deuxio : si la Nation, c’est la Région, alors la Communauté Germanophone doit elle aussi devenir une Région Germanophone, ce qui va amputer la Wallonie d’un de ses fleurons …

    Tertio : si la Nation, c’est la Région, alors quid des Flamands de Bruxelles ? Vont-ils adhérer au nationalisme bruxellois ? Peu probable. Que vont-ils devenir, alors ? Une minorité nationale ? Pas simple !

    Quarto : si la Nation, c’est la Région, alors bye bye BHV et pour les Francophones de la périphérie, ce sera le Wooncode comme le monde !

    Pourtant, ces conséquences sont inéluctables. Mais Paul Magnette ne va pas jusqu’au bout de son raisonnement. A l’approche de « l’estivage », on n’est jamais trop prudent !

    Edouard Delruelle

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  3. J’apprécie tout particulièrement la nuance apportée par le titre de ce billet :
    « Les Wallons et les Bruxellois de langue française »… qui sonne mieux et est plus conforme à la réalité que l’amalgame « francophone »; terme indifférencié qui ne veut absolument rien dire puisque Bart De Wever (la bête noire des dits francophones) et la reine d’Angleterre sont également « francophones »…

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  4. Dans l’ptit Larousse illustré (2007):

    francophone = de langue française,
    anglophone = de langue anglaise,
    néerlandophone = de langue néerlandaise.

    Donc le terme « francophones » est juste. Ce sont des gens de langue française (dont la langue maternelle est le français: wallons, québecquois, certains suisses, etc…).

    J’dirais plutôt que Bart de Wever est « néerlandophone » et la Reine d’Angleterre « anglophone ». Bien que les deux savent parler français ou sont bilingues.

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    1. Ben oui, il y a des belges francophones, Et parmi eux, il y a des Flamands francophones et des Bruxellois francophones. Comme il y a des Chinois francophones… Il y a des Wallons gemanophones pour des raisons politiques liées à l’Histoire, comme il y a en Crimée des Cosaques ukrainophone, même s’ils sont râres.
      Les Wallons parlent français, parler de Wallons francophones est un pléonasme.
      Mais derrière tout ça, il ya a une notion de culture, d’héritage culturel qui fait la différence entre les différentes sociétés représentées,un Flamand ou un Bruxellois, ou encore un Vietnamien, un Roumain ou même un québecois, même s’ils font partie d’une communauté linguistique ou idiomatique apparentée au français ne pensent pas , n’agissent pas, ne ressentent pas comme les Wallons qui ont une histoire en commun, un terroir.

      Enfin, le Littré (autre référence en matière de dictionnaire) parle plutôt de : « personne appartenant à une communauté francophone », ce qui me paraît plus précis.

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