Thalys wallon: chronique d’une disparition annoncée

Un nouveau mauvais coup porté au rail wallon. Il appartient aux Namurois, mais aussi à tous les citoyens wallons de se rebiffer et d’entrer en résistance.

Thalys wallonLu sur le site du quotidien Le Soir

Par José Damilot, conseiller communal à Namur et ancien président des cheminots de la CGSP.

Fin janvier, la nouvelle tombait : le Thalys wallon sera supprimé le 31 mars. Un préavis de 2 mois à peine ! Une information tardive alors que connue des protagonistes ferroviaires depuis plusieurs mois. Manifestement, la volonté d’imposer la politique du fait accompli !

Le Thalys wallon n’a jamais fait l’objet d’un grand intérêt auprès des dirigeants de la SNCB et d’Infrabel. Chaque fois qu’il y avait des problèmes avec le parc Thalys, la desserte wallonne en était la principale victime. Ainsi, rien que dans les 3 dernières années, il a été supprimé un mois et demi à l’été 2012 et 5 mois de novembre 2012 à avril 2013.

Le service de catering a, lui aussi, été supprimé puis rétabli. On voudrait décourager les voyageurs qu’on n’agirait sans doute pas autrement. Malgré ce désintérêt pour ne pas parler de désinvestissement, le Thalys wallon vient de battre son record de voyageurs en 2014. Il a recensé près de 142.000 voyageurs, soit un taux d’occupation de 52 % en moyenne et plus de 60 % en fin de semaine.

Mais ces éléments ne pèsent guère dans la balance de ceux qui rêvent de sa suppression au nom de la rigueur budgétaire, disent-ils, mais aussi et surtout de considérations moins avouables.

Pour mémoire, c’est Johan Vande Lanotte qui, le 18 juin 2013, déclare accepter la suppression du Thalys flamand… si le wallon l’est également.

Pour mémoire toujours, c’est le même Vande Lanotte qui désigne 2 mois plus tard Jo Cornu à la tête de la SNCB lequel est aussi, évidemment, favorable à la suppression des Thalys sur les dorsales. « Deux fois plus de voyageurs que le Thalys flamand »

Pour mémoire, enfin, le Thalys wallon transporte plus du double de voyageurs que le Thalys flamand. Et puis, il y a ceux qui, à l’intérieur d’Infrabel et de la SNCB, rêvent également de mettre un terme à ces relations.

Et aujourd’hui, on a l’impression que l’imbroglio ferroviaire lié à la scission structurelle de la SNCB et d’Infrabel et la cure d’austérité imposée à la SNCB fournissent l’arme du crime.

Quand je parle d’imbroglio ferroviaire, je parle du nombre des protagonistes de ce dossier.

Il y a la SNCB et Infrabel, les champions du « ce n’est pas moi, c’est lui ».

Il y a la SNCF et RFF.

Il y a Thalys devenu opérateur ferroviaire.

Il y a BLogistics devenue filiale de droit privé.

Il y a tous les intervenants industriels et techniques.

Il y a enfin la Ministre qui accepte ou non de subsidier ce service dans le cadre du contrat de gestion.

Quand j’évoque la scission, je parle de la nouvelle structure qui permet à chacun de rejeter la responsabilité sur l’autre.

Quels sont les problèmes ?

1) La volonté d’Infrabel d’équiper Namur du système de sécurité ETCS pour le corridor fret Anvers – Namur – France, Suisse, Italie via l’Athus Meuse. Cette mesure empêche de facto la circulation du Thalys, sur la dorsale wallonne puisqu’il n’est pas équipé d’un système de sécurité compatible avec celui qu’Infrabel installe.

Pour info, le master plan prévoit que l’équipement du réseau en ETCS doit être terminé en 2022 (!) et que l’ETCS sera la norme pour tous les opérateurs en 2025 (!).

On sait déjà que ce calendrier ne sera pas respecté en raison de la réduction des moyens budgétaires sans parler du retard lié à un recours devant le Conseil d’Etat d’un candidat au marché non retenu.

On a donc plusieurs années pour réaliser ces travaux mais à Namur, c’est une urgence, c’est une affaire de semaines ! Curieux, non ? Je vais y revenir.

2) La nécessité pour la SNCB de réaliser des économies en raison de la gestion désastreuse des dirigeants précédents à quoi il faut ajouter depuis octobre dernier, la décision gouvernementale de réduire les subventions des 2 sociétés ferroviaires.

Et donc, c’est un petit peu comme si l’initiative d’Infrabel et ses conséquences sur le Thalys wallon avaient été mises à profit par la SNCB pour actionner le couperet.

Ce pressentiment devient même une conviction lorsqu’on lit dans le budget 2015 de la SNCB : « En l’absence d’une décision définitive quant à leur suppression, le présent budget tient encore compte de l’impact du maintien des dessertes par Thalys des 2 dorsales ».

Ce budget a été présenté au CA de la SNCB le 19.12.2014. Pour la SNCB, il est clair qu’elle attend – espère – la suppression des Thalys des 2 dorsales. Cette question a été débattue, il y a plusieurs mois, entre la SNCB et Infrabel. On n’a pas cherché à la solutionner, on a attendu le plus tard possible avant de la rendre publique et on tente d’expliquer que c’est irréversible.

Questions :

1) Infrabel veut équiper Namur par priorité en ETCS parce que les couloirs de fret sont une priorité à ses yeux. Pour que ce système soit efficace, cela suppose que les opérateurs (les locomotives tractant du fret) soient dotés d’un équipement compatible.

Le sont-ils ?

Non ! A BLogistics, il y a 2 sortes de locomotives qui tirent les trains de fret, les types 13 et les Traxx. Les types 13 sont équipées d’origine en ETCS mais le système n’est pas activé et l’activation nécessitera des modifications sur la locomotive ! Les Traxx ne sont pas équipées du tout, elles devront retourner dans la firme et cela va prendre beaucoup de temps.

Quant aux autres opérateurs, ils sont loin d’avoir cet équipement, tout au plus ont-ils le système TBL1+. Alors pourquoi cette hâte à équiper Namur alors que les opérateurs, eux, ne disposent pas de la technique adéquate ?

Comment expliquer qu’Infrabel équipe certains tronçons en ETCS sans se soucier de voir si les opérateurs qui parcourent ces tronçons s’équipent simultanément ?

Comme indiqué plus haut, c’est une conséquence surréaliste, parmi d’autres, de la scission du groupe ferroviaire. « Peu importe que l’autre soit en ordre, du moment que je le suis ».

Et donc, un report de quelques mois n’altérerait pas la sécurité et ce temps pourrait être mis à profit pour adapter le Thalys. Pour peu qu’on ait l’intention de le rétablir.

Car on sait que les adaptations techniques demandent du temps et de l’argent, nécessitent des homologations de 4 réseaux et enfin une subvention dédicacée dans le contrat de gestion, opération rendue plus délicate de par le nouveau statut de Thalys.

Bref, même le report semble une idée « mort-née » tant l’acharnement de certains dirigeants ferroviaires est farouche.

Conséquence :

Trois grandes villes wallonnes vont être privées de leur seule relation directe avec Paris. Pour Namur, la pilule est particulièrement amère. Les Namurois savaient déjà que les perspectives toujours reportées de la fin des travaux du RER et de la 162 l’éloignaient toujours plus de Bruxelles et de Luxembourg.

Désormais, la capitale de la Wallonie, la gare la plus fréquentée de la Région Wallonne sait, en outre, qu’elle n’aura plus aucune relation internationale digne de ce nom.

Moralité : les Namurois, tous les Namurois devront faire front s’ils ne veulent pas être les grands oubliés chaque fois que des choix stratégiques sont opérés à certains niveaux de pouvoir.

3 réflexions sur « Thalys wallon: chronique d’une disparition annoncée »

  1. Aucunne illusion les ministres wallons capituleront et Mons aura une gare pharaonique ,mais
    sans train, La ministre collabora se nomme Galant égérie du MR parrti complice de la sujétion
    de la Wallonie a la Flandre

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  2. Ils (la SNCB et le Ministre) ont déjà pondu un remaniement des horaires en-dehors de toutes considérations des usagers et des correspondances avec le TEC (Bus), et puis maintenant, un « train de la colère » doit partir le 23 février de la Province du Luxembourg pour aller protester à Bruxelles et la FGTB, Ecolo, certains syndicats cheminots, ont décidés de ne pas monter dans ce train pour d’obscures raisons!!!! En attendant, mon fils, par exemple, revient de l’école à 18h00 au lieu de 17h00 avant les changements d’horaires!!! Et maintenant le Thalys! Honteux!

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  3. Ne serait – il pas temps de regarder d’office vers le Sud et de financer (si c’est encore possible) des lignes directes de Charleroi vers la France, de Namur vers la France et de Liège vers la France ?
    La France n’aurait – elle aucun intérêt en ce sens ?
    Il est évident que la SNCB ( avec ses administrateurs « wallons ») ne travaille que pour les intérêts de la Flandre et des Pays-Bas subsidiairement.

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