La presse de Wallonie et de Bruxelles, pas plus que notre site, n’ont pour habitude de dresser le citoyen wallon contre le citoyen flamand. Là n’est pas la question d’ailleurs. Il s’agit de constater ici des faits, les attitudes différentes des parlementaires flamands par rapport à leurs homologues wallons ou bruxellois. Le monde syndical wallon et bruxellois ferait bien de s’inspirer de ces faits, lui qui ne manque jamais de mettre en exergue l’hypothétique solidarité qui existerait entre travailleurs de trois régions aux aspirations divergentes. Cela n’est pas nouveau. Il suffit d’ouvrir un livre d’histoire pour comprendre ce qui se passe en Belgique aujourd’hui. Il serait temps que les travailleurs de Wallonie sortent la tête du sable dans lequel les maintiennent certains de leurs représentants.
Si un parlement fédéral condamné à vivre avec de moins en moins de pouvoirs existe encore bien, il est urgent de constater que cohabitent des élus dont les agendas et les priorités n’ont plus grand chose en commun, deux mondes différents comme le constate avec courage Pierre Havaux dans Le Vif-L’Express.
Paul D.
Nous reproduisons ici l’article de Pierre Havaux, publié dans Le Vif/L’Express du 8 mars 2013 :
Le drame social wallon laisse froid l’élu flamand
Les travailleurs de Ford Genk ont été seuls capables d’unir députés francophones et flamands dans la peine. Les ouvriers d’ArcelorMittal et de Caterpillar n’ont pas eu droit à cette touchante unanimité : les élus flamands ont le chagrin sélectif.
Ford Genk, ArcelorMittal, Caterpillar : les élus de la nation s’installent dans une douloureuse routine. A chaque drame social, sa poussée de colère, son lot d’indignation, sa dose de compassion. Les députés francophones s’y livrent sans retenue, sans distinction entre travailleurs du nord et du sud du pays. Mais les élus flamands sans un mot de réconfort quand il s’agit de drames sociaux wallons.
Ford Genk, le chagrin de tous les députés
Séance plénière du 25 octobre 2012 : la Chambre prend le deuil pour cause de fermeture de l’usine automobile. 4 300 emplois à la trappe : tout l’hémicycle communie dans la douleur. Le président André Flahaut, PS, relaie le chagrin unanime : «Au nom de la Chambre, j’ai assuré tous les travailleurs et toutes les familles de la solidarité de l’ensemble de notre Assemblée.»
Ordre du jour bousculé, il ne doit y en avoir que pour Ford Genk. Les élus francophones ne sont pas en reste : PS, MR, FDF, CDH, Ecolo mêlent leurs voix à celles de sept députés flamands. La tristesse ne connaît pas de frontière, même linguistique. Alain Mathot (PS) : «Tout le pays est concerné par la catastrophe.» Daniel Bacquelaine (MR) : «Dans le malheur, il n’y a pas de repli communautaire qui tienne.»
Quand Meryame Kitir, employée de Ford Genk devenue députée SP.A, ne peut retenir ses larmes à la tribune, les francophones ont aussi le cœur qui saigne. Elio Di Rupo (PS), Premier ministre, saisit toute l’intensité du moment : «Il est indécent d’opposer travailleurs flamands et wallons.»
ArcelorMittal, la peine des seuls élus francophones
Séance plénière du 24 janvier. Au tour d’ArcelorMittal de plomber l’atmosphère de la Chambre. 1 300 jobs laminés. Journée noire pour le bassin liégeois. Elle n’éclipse pas les autres points à l’agenda. ArcelorMittal y est pointé en huitième position. Rigueur de l’ordre protocolaire oblige, mais personne ne demande au président Flahaut d’y déroger : en l’absence du Premier ministre retenu au Forum de Davos, le drame social n’a droit qu’à la réponse de la ministre de l’Emploi, Monica De Coninck (SP.A). Au bout de quatre interventions parlementaires. Exclusivement francophones.
Meryame Kitir, «la voix des sans voix» qui avant tant ému Catherine Fonck (CDH), reste muette. Le sort de la sidérurgie wallonne n’inspire aucun élu flamand. Les bancs CD&V, N-VA et VB sont clairsemés, les Open VLD en séance bavardent et plaisantent.
Il se dit que furieux, André Flahaut n’a pas voulu en rester là. Séance plénière du 31 janvier : ArcelorMittal, repêché en seconde session, est tête d’affiche. Sous le regard des représentants syndicaux de l’usine. En présence du Premier ministre Di Rupo. Soumis à un feu roulant de questions… toutes francophones.
Tout juste une voix flamande se glisse-t-elle dans le concert de lamentations : Meryame Kitir a retrouvé l’usage de la parole. Elle est l’exception qui confirme la règle sur les bancs flamands : l’avenir chancelant d’ArcelorMittal laisse aphones les députés nordistes.
Caterpillar, le nouveau mutisme des députés flamands
Séance plénière du 28 février. Le sort s’acharne sur l’industrie wallonne. Caterpillar Gosselies s’invite à la Chambre. Nouvelle charrette de 1 400 emplois : les orateurs francophones se retrouvent entre eux. En petit comité de quatre députés PS, MR, CDH, Ecolo. «Après Genk, c’est au tour de Charleroi. La Belgique tout entière doit se montrer solidaire», lance Ozlem Ozen (PS).
Pas un député néerlandophone ne répond présent, et ne se déplace jusqu’à la tribune. Affaire «Belfius/ACW», violences policières et remous judiciaires anversois : les élus flamands ont d’autres chats à fouetter. Meryame Kitir cache son chagrin sur son banc. Le miracle ne s’est plus produit.
Un Parlement fédéral, deux agendas. Deux mondes.
Faut-il en vouloir aux élus de Flandre de montrer leur désintérêt à la cause wallonne ? Sincèrement non.
Mais alors que, préalablement au divorce qui s’annonce, la séparation de corps et de biens a été duement votée et avalisée par le parlement fédéral, comment les élus de Wallonie peuvent-ils encore se RIDICULISER, S’AVILIR devant leurs adversaires, leurs ennemis, en parodiant « une unité belge » vermoulue, rongée par les termites du nationalisme flamand historique? Trompent-ils encore leurs électeurs ? Pensent-ils abuser les agences de notation ? Alors là, ils rêvent car « ils ne faut quand même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages » !
Mais Monsieur Delpérée ne les a-t-il pas traité de C… !
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