Waterloo 1815: l’occasion de se rafraîchir la mémoire

OPINIONS | vendredi 12 juin 2015 à 11h13 sur le site de la RTBF

  • Une Belgique autrichienne

    La Belgique est alors administrée par l’empereur d’Autriche, François II. Par la convention de Pilnitz, ce dernier s’entend avec le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II, pour restaurer le pouvoir absolu du roi de France, Louis XVI.

    La réaction du ministère girondin-jacobin ne se fait pas attendre : une déclaration de guerre est adressée à l’empereur d’Autriche. Après l’échec d’une première tentative d’invasion des Pays-Bas autrichiens, fin avril 1792, le général Dumouriez remporte, le 6 novembre 1792, la victoire de Jemappes, grâce à laquelle il fait tomber les « provinces Belgiques » dans l’escarcelle française, à l’exception du Luxembourg et du Limbourg.

    Héritage éphémère, puisque, le 18 mars 1793, les Autrichiens récupèrent leurs possessions après avoir remporté la victoire de Neerwinden.

    Mais le 26 juin 1794, la contre-offensive française déclenchée à Fleurus aboutit à la conquête définitive des Pays-Bas autrichiens, ainsi que de la Hollande. Avec la chute de Liège, un mois plus tard, c’est le pouvoir épiscopal qui disparaît dans la principauté.

    Une Belgique française

    Nous voici donc Français, administrés tour à tour par la Convention (1792-1795), le Directoire (1795-1799), le Consulat (1799-1804) et l’Empire (1804-1814).

    Durant les premiers mois d’avril 1814, va se dérouler la Campagne de France contre la sixième coalition. Mais Napoléon ne peut empêcher celle-ci d’atteindre Paris et, le 6 avril, il se voit contraint d’abdiquer. C’est l’exil sur l’Ile d’Elbe et la restauration de la monarchie des Bourbons, en la personne de Louis XVIII.

    Une Belgique hollandaise

    Conclu le 30 mai 1814 entre ce dernier et les puissances alliées, le traité de Paris stipule, en son article VI, que la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d’Orange, recevra un accroissement de territoire. Cet accroissement visera la Belgique et sera ratifié par le Congrès de Vienne, le 15 mars 1815, Guillaume Ier d’Orange se retrouvant ainsi à la tête du Royaume uni des Pays-Bas.

    Entre-temps, Napoléon s’est évadé de l’Ile d’Elbe, le 26 février et a rétabli son pouvoir à Paris, forçant Louis XVIII à se réfugier à Gand, c’est-à-dire en Belgique… hollandaise. Et c’est aussi dans cette Belgique hollandaise, que Napoléon a décidé d’en découdre avec les puissances alliées, plus que jamais liguées contre lui. Il sait que, pour l’emporter, il doit tout faire pour éviter que Prussiens et Anglais se présentent devant lui en rangs unis.

    Sa tactique consiste donc à affronter d’abord l’armée prussienne de Blücher. C’est la victoire de Ligny, le 16 juin. Sauf que la victoire n’est pas totale, puisqu’une partie des Prussiens ont battu en retraite. Ordre est donc donné au général Grouchy de les retrouver et de les empêcher de rallier les troupes anglaises de Wellington, concentrées à Mont-Saint-Jean, à quelques kilomètres de Waterloo.

    Le 18 juin, alors que Napoléon attend Grouchy pour lancer l’offensive finale, c’est Blücher qui vient prêter main-forte à Wellington pour assurer la victoire.

    A la question : Et si Napoléon avait remporté la bataille ? 

    Yves Vander Cruysen, échevin du Tourisme à Waterloo, répond : C’est de l’histoire-fiction, il a perdu. S’il avait gagné, il aurait sans doute signé un traité avec les alliés afin de préserver les frontières de la France et garantir la paix. Nos territoires seraient restés hollandais, ce qu’ils étaient depuis le 15 mars 1815.

    Qu’il nous soit permis d’émettre un avis différent.

    Nous pensons, en effet, qu’une victoire de la France aurait mis fin à la parenthèse hollandaise de la Belgique et assuré un destin différent à cette dernière.

    Le Royaume uni des Pays-Bas fut loin d’être une réussite. Il s’écroula d’ailleurs en 1830 pour donner naissance, à la conférence de Londres, au Royaume indépendant de Belgique.

    Talleyrand participa à cette conférence en tant qu’ambassadeur de France. Dans la biographie qu’il lui consacre, G. Lacourt-Gayet rapporte cette conversation que la princesse de Lieven eut avec le « diable boiteux », en date du 29 octobre 1832 :

    Prince T. – Eh bien ! Parlons de nos deux armées. Qu’en pensez-vous ?

    Moi. – Que vous avez pris beaucoup de peine pour quelque chose qui ne durera guère.

    Prince T. – Ah ! ah ! vous le pensez !

    Moi . – Et vous, mon prince ?

    Prince T. – Je l’espère.

    Moi.- Quoi ! vraiment que votre royaume belge et votre roi belge…

    Prince T. – Ne durerons pas. Tenez, ce n’est pas une nation. Deux cents protocoles n’en feront jamais une nation ; cette Belgique ne sera jamais un pays ; cela ne peut tenir.

    Moi.- Eh bien ! mais après, quoi ?

    Prince T. – Dites-le vous-même.

    Moi. – Oh ! si vous voulez mon opinion, la voici : la Belgique à la Hollande ou la Belgique partagée.

    Prince T.- Eh bien ! partageons ; cela nous fera toujours passer la soirée. Arrangez-moi cela.

    Moi.- Rien de plus facile ; il faut contenter tout le monde.

    Prince T. – Qui est tout le monde ?

    Moi. – Voici qui n’en est pas : ni nous, ni l’Autriche.

    Prince T. – Eh bien ! reste ?

    Moi.- Vous, un peu ; la Hollande, beaucoup ; et la Prusse, probablement ; et puis…

    Prince T. – Et puis qui ?

    Moi. – Oh ! à l’Angleterre, quelque chose. Anvers, par exemple.

    Prince T. (frappant le plancher de sa canne, la table de son poing, de façon à faire bondir sa tasse et éveiller l’attention de tout le salon.) – Anvers ! Anvers à l’Angleterre ! Mais savez-vous que c’est révoltant ce que vous dites là ! Quoi ! l’Angleterre sur le continent ? Madame, tant qu’il y aura une France si petite qu’elle soit, il n’y aura pas, il ne peut y avoir l’Angleterre sur le continent. Vous me révoltez ; cela n’est pas soutenable ; ce que vous sites là, c’est abominable

    Moi.- Eh bien ! mon prince, ne lui donnons rien. Cela m’est égal.

    Prince T. – Allons ! allons ! je vois bien que vous plaisantez.

    Moi. – Comment ? vous le découvrez à présent.

    Prince T. – Mais c’est que tout le reste était si bien. Tenez ! je vous remercie d’être venue causer avec moi. Je ne vous savais pas si bonne enfant ; je vois qu’on peut s’arranger avec vous.

    On peut imaginer aisément, au départ de cette conversation, comment Talleyrand aurait réglé le cas belge si la France était sortie victorieuse à Waterloo…

    Toujours est-il que lors de la bataille, la dualité communautaire belge se manifesta. Dans son « Histoire des Belges », Henry Dorchy constate, en effet : Les Belges se divisèrent en 2 camps : les uns, surtout recrutés en Wallonie, se rangèrent du côté des Français ; d’autres, originaires de Bruxelles et de la Flandre, soutinrent les Anglo-Prussiens et les Hollandais de Guillaume d’Orange (…). au soir de la bataille, les populations wallonnes (en particulier les Carolorégiens et les Namurois) accueillirent les soldats français en retraite et soignèrent les blessés.

    Jules Gheude

    Jules Gheude se définit comme essayiste politique. Il est né à Braine-l’Alleud en 1946. En 2008, il lance le « Manifeste pour la convocation des États généraux de Wallonie ». Depuis février 2010, Jules Gheude coordonne les travaux du Gewif (Groupe d’Études pour la Wallonie intégrée à la France). Son intérêt marqué pour la problématique communautaire belge l’a amené à écrire plusieurs ouvrages sur le sujet.

2 réflexions sur « Waterloo 1815: l’occasion de se rafraîchir la mémoire »

  1. Waterloo n’est ni une défaite française, ni celle de l’Empereur, c’est la victoire de l’obscurantisme d’ancien régime sur les idées de 1789. Heureusement, de l’An II à 1815, ces idées ont parcouru l’Europe dans les fourgons des troupes révolutionnaires et de la Grande Armée. Elles ont changé le monde.
    Il aura fallu six coalitions poure tenter de les effacer.
    Waterloo est une défaite pour la démocratie et les Droits de l’Homme en replaçant pour 100 ans les vieilles familles régnantes absolutistes sur les trônes. Ce qui a abouti aux terribles massacres de 1914-1918. Cette terrible guerre, qui n’a finalement jamais été qu’une dispute entre cousins.

    Pour en revenir aux propos de Vandercruysen cités par Gheude, je crains qu’il n’ai malheureusement raison pour une fois (hélas, ajouterais-je) en 1815, l’Empereur aurait certainement proposé une pays honorable aux anglo-prussiens, mais les coalisés du traité de Vienne (Russes, Autrichiens, Espagnols…) étaient déjà en route avec des forces considérables pour mettre la France à feux et à sang.

    Petit résumé de cette période : https://www.youtube.com/watch?v=b8zcRzsORX4&feature=player_embedded

    Et pour ceux qui imaginent encore que la Révolution et l’Empire n’ont laissé que » de mauvais souvenirs chez nous, visitez donc la chapelle de Boneffe : http://napoleon-monuments.eu/Napoleon1er/Boneffe.htm

    Volà pourquoi, je me refuse à célébrer cet événement dramatique pour la démocratie.

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