Dans l’ombre de la Belgique et de son Premier ministre

Rudy_demotteLe visage et la voix de la Wallonie, c’est lui. Rudy Demotte veille depuis 2007 sur la destinée d’une région wallonne aux compétences élargies, engagée dans la voie d’une autonomie accrue, et, selon le dernier sondage du Soir, il est vu comme le meilleur candidat à sa succession, loin devant les autres. En sa qualité de Ministre-Président de la Wallonie, il a pourtant du mal à se faire entendre. Au niveau médiatique, il est complètement éclipsé par Elio Di Rupo, le visage et la voix d’un gouvernement fédéral qui n’a pas fini de céder des compétences aux entités fédérées mais qui, symboliquement, entretient la flamme d’une Belgique élevée au rang de modèle universel.

Les médias francophones contribuent à faire de la Belgique une nouvelle utopie, un territoire et des hommes dont l’ « indéfectible unité » trouve une justification dans un passé mythique et un rôle actuel d’avant-garde, un pays fait de bric et de broc sentant bon la tolérance et le parler vrai, dont le génie éclaire aujourd’hui la France et demain le monde. Au cœur de cette entreprise de consolidation nationale (ou de mystification totale), il y a surtout le génie d’Elio Di Rupo, dont la communication est bien servie par les médias francophones. Passant du costume de Premier ministre à celui d’illusionniste, Elio Di Rupo n’est plus un homme politique ordinaire. Il plane dans une autre dimension.

Quel contraste avec ce Rudy Demotte un peu maladroit mais sincère et consciencieux qui s’attire les foudres et les sarcasmes des journalistes à chaque fois qu’il entreprend de mobiliser les Wallons ! Le Ministre-Président de la Wallonie n’est pourtant pas du genre à vouloir s’affranchir du cadre belge. Au fond, son message se résume en un slogan très consensuel (et néanmoins très discutable) : « une Wallonie forte pour une Belgique forte ». Il y en a toutefois qui jugent qu’il met trop de Wallonie dans ses discours, lui qui, à la différence d’un Kris Peeters en Flandre, est loin de se donner des airs de chef d’Etat.

Si la relation paraît si déséquilibrée entre lui et son Premier ministre, ce n’est pas seulement une question d’hommes et de rapport de force interne au Parti socialiste, c’est aussi  que, dans les médias francophones, il paraît normal que la Wallonie s’efface derrière la Belgique, alors que cela ne correspond nullement à la réalité institutionnelle de ce pays « en voie d’évaporation ». Ainsi, aux yeux de l’opinion publique, il est normal qu’un Ministre-Président de la Wallonie se fasse taper sur les doigts quand il cherche à affirmer le fait wallon, même (et surtout) quand la Flandre réclame le confédéralisme. Rudy Demotte a la prudence ou le bon goût de ne pas crier.

Dans son dernier discours forcément peu médiatisé (adressé aux diplomates fédéraux, le 5 février), Rudy Demotte s’est permis de citer Talleyrand :   « On ne croit qu’en ceux qui croient en eux », ajoutant que « cette maxime universelle mérite particulièrement d’être méditée dans une Wallonie que les mutations économiques ont longtemps plongée dans le doute ».

Demotte-TalleyrandPour ce discours de circonstance, assez mesuré, dans son style habituel, le Ministre-Président de la Wallonie a eu droit à une brève évocation dans le Vif/L’Express. Nous en reproduisons ici le texte illustré par un portrait de Talleyrand (cliquer pour agrandir).

Il n’en faut pas beaucoup pour que le très sérieux Demotte ait l’air d’un rigolo.

Mais cessons d’évoquer Rudy Demotte et la Wallonie, malmenés par les médias francophones, puisqu’il est évident que nous sommes tous belges et que la Belgique va bien grâce à qui vous savez… Autre méthode Coué… Autre traitement médiatique.

Georges R.

2 réflexions sur « Dans l’ombre de la Belgique et de son Premier ministre »

  1. Je suis agréablement surpris de lire depuis peu sur votre blogue, ainsi qu’ailleurs (mais là, est-ce sincère ?) un petit sursaut de « conscience » (osons le mot !) wallonne.
    Les rattachistes renoueraient-ils enfin avec le peuple wallon ? Verra-t-on enfin autre chose que cette propension à nier l’existence de la Wallonie pour ne considérer que nous ne sommes « que des Français comme les autres », aseptisés, sans identité aucune, au contraire des vrais Français de l’intérieur qui ont tous une identité régionale propre ?
    C’est là, la grande différence. Après avoir étés niés sous le vocable « belge », nous sommes actuellement passés sous le vocable de « francophones ». Il est plus que temps, au moment où commencent à co-exister une conscience bruxellois à côté d’une conscience flamande, que nous revendiquions notre identité wallonne. Nottre intégration dans la République n’en sera que plus facile ainsi que le montrait cet article de « L’Express » du 11/04/2005 (http://www.claude-thayse.net/article-1639766.html )

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    1. Ce qui est affolant, c’est de constater que plus personne, même les diplômés en Histoire de France comme de Wallonie, ne semblent connaître les écrits d’un Michelet. Voilà un homme qui avait parfaitement saisi les particularités de nos provinces wallonnes et leurs similarités avec les régions sœurs situées de l’autre côté de la frontière (de guerre). Il avait notamment admiré et louangé l’esprit français de la Principauté de Liège. Tout en tenant compte des réalités humaines et politiques actuelles, il demeure possible à l’Elysée comme à « l’Elysette » de s’inspirer des chantres du passé français afin de retrouver les sources de notre culture et de notre esprit commun. Surtout aujourd’hui où la mode des hypocrites de nos partis politiques impose de n’apercevoir de les immigrés à double nationalité. A ce compte, le gaulois deviendra l’étranger sur la terre des ses ancêtres.

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